PORTO septembre 2011 Borders, displacement and création, questionning the contempory

, par Eugenia Villela


Le questionnement du contemporain implique un double mouvement : une analyse des déterminations de l’expérience du temps présent et l’éclairage des conditions qui permettent une pensée à son époque contemporaine. Interroger le contemporain soulève de suite un problème : il est pensée du ou dans le contemporain ? Et une série de questions en découlant semble inévitablement se poser : quelle est la possibilité de penser le mouvement constitutif de cette pensée ? - question ontologique ; quelle est la place des relations ? - question politique ; quel est le temps de l’affection sans médiation ? - question esthétique ; quel est le mode de constitution de soi dans un lieu en cours ? - question éthique ; quelle hypothèse pour la mémoire dans un temps sans médiation ? - question historique. Mais quelle est la légitimité inhérente à la séparation de ces questions ? Quelle rationalité requiert l’établissement de frontières ?

Dans ce Congrès International et Université Internationale d’été nous nous proposons, sur base des notions de frontière, de déplacement et de création, la réalisation d’un exercice critique sur la problématique complexe que la contemporanéité nous pose. Qu’est-ce qui est alors censé interroger le contemporain ?

La logique de la contemporanéité semble impliquer un partage des problèmes en présentant une diversité de domaines qui sont proposés par la pensée sur le problématique dans le contemporain. Toutefois, le contemporain requiert aussi une force de déplacement pour chacune des frontières qui y sont définies. Peut-être qu’interroger le contemporain revient-il à chercher les limites qui causent son côté paradoxal : être un horizon considéré comme problématique pour être pensée et le territoire qui soutient cette pensée. Mais chercher de frontières se fait uniquement par leur traçabilité. Certes, dessiner une frontière revient déjà à diviser une partie de la frontière elle-même pour déplacer les marges. Tracer une frontière devient dès lors convenir d’un déplacement, créer un mouvement qui se déplace d’un champ à l’autre, en faisant du contemporain un espace complexe dont les parties communiquent les uns avec les autres. C’est du point de vue de la contemporanéité en tant que complexe de frontières et de déplacements qu’il nous est permis de comprendre la première question, non pas comme une disjonction, mais comme une intime liaison : on ne pense sur le contemporain que si on pense dans le contemporain. Et cela semble être une disposition spécifique pour le dehors, pour l’étrange à ce discours commun qui va définir les logiques identitaires de l’affirmation d’une époque. Interroger le contemporain revient à faire la critique du présent à partir d’une situation d’absence de coordonnées stables permettant d’établir un territoire pour la pensée. Ce n’est qu’une façon de critique créative ou de pensée se rapprochant de la potentialité en tant que telle.

Ainsi, de l’intérieur d’une relation intime entre la politique et l’esthétique, nous tâchons d’imaginer les formes par lesquelles, aujourd’hui, la pensée est enracinée dans des déplacements indéfinis qui engendrent des formes de vie uniques. Nous avons donc pour but de comprendre les cartographies de la rationalité contemporaine et la façon dont, dans le contexte géopolitique mondial, un récit sécuritaire dessine des frontières politiques, sociales et esthétiques, créant ainsi des personnages étroitement liés à un espace territorial, ou à une représentation normative des corps, des gestes et des langages. Une foule en dérive éprouve des situations-limites dans des espaces hétérotopiques. De ce point de vue, on portera un intérêt particulier à la question des réfugiés, des migrations et des frontières invisibles, dans le contexte actuel de la mondialisation. Dans la logique de l’immunité des Etats par rapport à l’étranger, l’état d’exception émerge sous de multiples figures juridiques, administratives ou conceptuelles, qui pointent des lieux d’abandon, ou de temporalités existant en dehors des grilles de la représentation historique. Cependant, par leur existence, ces individus contestent la vision homogène et inerte du temps linéaire et posent, du fait de leur inscription unique dans le monde, une question essentielle : son inactualité en tant que mode de réinvention hétérogène de l’histoire et de ses images. Nous nous confrontons à ce problème par l’intersection unique et problématique entre création, représentation et expérience historique.

En ce sens, nous examinerons les questions suivantes. Y a-t-il un autre temps pour la création qui ne soit pas le contemporain ? Y a-t-il un autre espace pour la création, au-delà d’un territoire délimité par des frontières problématiques ? Y a-t-il un autre sens pour la création qui ne soit l’expression du déplacement sur ces frontières ? Créer ne revient-il peut-être qu’à établir des espaces d’individuation déjà ouverts à la transgression des frontières qui les déterminent. C’est du point de vue de la contemporanéité en tant que territoire créativement constitué qu’il nous est donné de voir la frontière comme espace brut de déplacements et les déplacements comme conditions de déterminations frontalières.