Programme du colloque "La philosophie au croisement des cultures et des disciplines"

, par Denis Skopin


La philosophie au croisement des cultures et des disciplines : à partir de W. Benjamin, Nijni-Novgorod

Russie, 27-29 juin 2011,
L’Université Dobrolubov de Nijni-Novgorod, Le Centre d’art contemporain de Nijni-Novgorod

Programme du colloque

Walter Benjamin est considéré à juste titre comme une des figures clé de la vie intellectuelle dans l’Europe du XX siècle. Cette position clé de Benjamin ne renvoie pas seulement à sa grandeur intellectuelle. Son œuvre est centrale également en ce qu’elle se trouve au croisement de plusieurs disciplines : philosophie, critique littéraire, histoire de l’architecture et de l’art. Aussi Benjamin est-il un penseur « errant », une figure qui, à force des circonstances, relie la culture française et la culture russe du XX siècle. Ayant collaboré dans plusieurs maisons d’éditions russes et séjourné à Moscou en hiver 1926-1927, Benjamin s’installe, dès 1933, à Paris où il passe les dernières années de sa vie. D’où le fait que plusieurs ouvrages de Benjamin évoquent la France et la Russie.
L’idée de la manifestation consiste en ce que la pensée de Benjamin pourrait servir une fois de plus d’un point de rencontre entre les deux cultures, tout en donnant lieu à une recherche interdisciplinaire. Il s’en suit que la manifestation ne sera pas une rencontre entre les « spécialistes » de l’œuvre du philosophe et ne se limitera pas du tout aux enjeux exégétiques. Ayant pour point de départ la pensée de Benjamin, elle aura pour but de promouvoir, dans le cadre d’une rencontre internationale, une réflexion interdisciplinaire sur l’art et ses conditions techniques.
Plusieurs axes de réflexion sont possibles :
— -la philosophie et l’art/ la philosophie et le cinéma/la philosophie et la photographie. Benjamin fut l’un des premiers philosophes à mettre au centre de son interogation la révolution technologique qui s’est produite dans l’art au XIX siècle. Comme le remarque Benjamin, sur ce plan-là, la situation contemporaine est à rapprocher de la Renaissance où l’art, sans rien perdre de sa créativité, fait appel aux sciences exactes. La recherche partira du constat qu’il est impossible de comprendre l’art contemporain en l’abordant avec les notions de l’esthétique pré-industrielle du XIX siècle, en se basant sur la notion anti-technique de l’art. L’interrogation se déroulera suivant deux lignes directrices : premièrement, la façon dont les conditions techniques véhiculent le processus de la création ; deuxièmement, la façon dont la technique – le cinéma, la photographie, la vidéo et, plus récemment, les technologies digitales – modifie la sensibilité de l’homme moderne, change sa perception optique ou acoustique du côté de son approfondissement.
— -la philosophie et l’architecture. Le Journal de Moscou et les écrits de Benjamin sur Paris (Paris, capitale du XIX siècle ou le Livre des passages) ouvrent une voie vers une réflexion sur le milieu architectural et son rôle pour la psychologie du collectif. Benjamin montre qu’à côté de la perception optique de l’architecture, son appréhension en tant qu’objet extérieur à un cogito, il existe sa perception « tactile », une perception inconsciente ou « par habitude ». Cette dernière a deux particularités : d’abord, ce n’est pas une perception par un individu mais par des masses urbaines ; ensuite, elle va en profondeur, étant plus sensible à la construction (moderne) d’un bâtiment qu’à sa façade historicisante. Partant de ce fait, l’étude de la psychologie des masses urbaines peut passer par l’étude de l’infrastructure technique de l’architecture. La recherche fera l’usage de la distinction benjaminienne entre les deux types de la perceptions et retiendra son l’intérêt pour le côté technique de l’architecture. La réflexion portera sur ce qui nourrit le « rêve collectif » dont parle Benjamin : les grands espaces à construction moderne où séjourne le collectif, leurs mutations au cours des deux derniers siècles.
— -la philosophie et la littérature/ la philosophie et la traduction. La recherche partira des écrits de Benjamin sur la littérature française (Proust, Baudelaire) et la littérature russe (Dostoevsky, Leskov, la littérature des années 20). Si pour Benjamin la littérature n’existe pas séparément des conditions matérielles de son époque, il est loin de considérer l’œuvre littéraire comme une simple conséquence des bouleversements économiques. Les « conditions » ne renvoient pas ici aux rapports cause/conséquence, tandis que le « matérialisme » est moins d’ordre économique que d’ordre « physique » ou technique. La recherche s’interrogera sur les rapports de l’œuvre littéraire avec l’architecture de la ville et les types du comportement auxquels cette dernière sert de cadre, aussi bien que sur les rapports de l’œuvre avec les nouvelles technologies de l’enregistrement des données sensibles. Aussi la manifestation sera-t-elle le cadre de la réflexion théorique sur la traduction (à partir de l’essai de Benjamin La tâche du traducteur). La recherche se propose de sortir de l’opposition traditionnelle entre un « mot-à-mot » et une traduction « libre ». Il s’agira d’interroger d’une façon critique les modèles traditionnels selon lesquels la traduction est pensée, comme « traduire, c’est traduire le message du texte » ou « traduire c’est recréer une œuvre dans une autre langue ».

Le 27 juin

11.00, Université Dobrolubov de N-Novgorod, salle 3217
- Alain Naze, Chercheur, Paris 8/Equipe Art, appareils, diffusion, EA 4008 LLCP, « Benjamin à Moscou – l’acuité politique d’une vision »
- Alexandre Fedorov, professeur, Université pédagogique de N-Novgorod, « Le design de l’espace et du temps historique chez W.Benjamin et M.Heidegger : musée pour la collection et ses propriétaires »
- Sergei Romachko, professeur, Université de Moscou, « Benjamin, Brecht et les avant-gardes de l’après-guerre : le passé dépasse l’avenir, à nouveau »
- Victor Rojas, Doctorant, Paris 8, EA 4008 LLCP, « L’innervation comme mode de relation entre l’homme et la technique »

16.00, Le Centre d’art contemporain de N-Novgorod (le Kremlin, « Arsenal »)
- Jean-Louis Déotte, Professeur, Paris 8, EA 4008 LLCP, « Voir un film du dedans »
- Adolfo Vera, Doctorant, Paris 8, EA 4008 LLCP, « Politiques de la trace photographique chez Walter Benjamin »
- Sandrine Amy, Doctorante, Paris 8, EA 4008 LLCP, « La "rideaulogie" : le rêve de l’architecture du XXe siècle »
- Anton Stepin, Université pédagogique de N-Novgorod, doctorant, « W.Benjamin et Dietmar Kamper : la disparition de l’aura et le fantôme des médias »

28 juin

11.00, Université Dobrolubov de N-Novgorod, salle 3217
- Héléna Petrovsky, Professeure, Institut de philosophie de l’Académie des sciences, « La fin de l’utopie ? Le temps de l’histoire selon Benjamin »
- Alexei Fatenkov, Professeur, Université Lobatchevki de Nijni-Novgorod, « Walter Benjamin et Mikhail Lifchitz dans l’espace de l’onto-épisthémologie »

16.00, Université Dobrolubov de N-Novgorod
« Les aspects philosophiques de la traduction », Table ronde

29 juin

11.00, Université Dobrolubov de N-Novgorod, salle 3217
- Oleg Aronson, Université des sciences humaines, Moscou, « La politique et la traduction : Karl Schmidt, Walter Benjamin et le contexte russe »
- Laurence Manesse-Cesarini, Equipe Art, appareils, diffusion, « Walter Benjamin (1892-1940) et la question de l’expérience »
- Nathanaël Wadbled, Doctorant, Paris 8, EA 4008 LLCP/Mathilde Matras, Université de Genève- Ecole de Traduction et d’Interprétation, « Traduire l’intraduisible »
- Roman Sundukov, Université de l’Amitié des peuples, Moscou. « La thématisation dans l’oeuvre de W.Benjamin »

16.00, Le Centre d’art contemporain de N-Novgorod (le Kremlin, « Arsenal »)
- Véronique Fabbri, professeure, Equipe Art, appareils, diffusion/ EA 4008 LLCP, « Spectres et fantasmagories »
- Denis Skopin, Université Dobrolubov de Nijni-Novgorod. « L’archaïsme de la modernité : W.Benjamin et l’anthropologie »
- Nathalia Calderon, Doctorante, Paris 8, EA 4008 LLCP, « L’appareil photographique chez Benjamin : de la mémoire volontaire à la mémoire involontaire du concept d’histoire »