Article dans le journal "La Montagne"


Edition de Haute-Loire
Mardi 4 Septembre 2007
Brioude LAVOUTE-CHILHAC - Chilhac

L’Université prend ses quartiers d’été dans le village

Quand l’Université prend ses quartiers d’été. Alain Brossat, professeur de philosophie à l’Université Paris VIII de Saint-Denis, connaît bien la Haute-Loire pour posséder une maison de vacances à Siaugues-Sainte-Marie depuis 13 ans. Ayant eu connaissance de Chilhac dont le village vacances offre des conditions d’accueil exceptionnelles, ce professeur a décidé d’y organiser une grande université d’été, du 2 au 7 septembre, qui rassemble plus d’une centaine de chercheurs, d’étudiants avancés et d’enseignants de quinze nationalités différentes autour du thème général « Culture et Politique », précisé dans l’intitulé « Le différend culturel » inspiré de l’ouvrage du même titre du philosophe Jean-François Lyotard.
Ce rassemblement, résolument international et cosmopolite, est le prolongement d’un travail engagé depuis quelques années avec des universitaires, d’Extrême Orient essentiellement, à Taiwan et au Japon, et dernièrement avec la Chine continentale. « Le site de Chilhac est très attrayant pour les gens d’Extrême Orient, souligne Alain Brossat. Ils sont arrivés aujourd’hui et sont complètement sous le charme. Et ils ne sont pas les seuls ! ». Japonais, Chinois, Taïwanais, Turcs, Haïtiens, Allemands, Américains et même Français prennent en effet le temps de découvrir les majestueuses gorges de l’Allier depuis la terrasse de l’ancienne école des soeurs où se tiendront pendant une semaine conférences, tables rondes et travaux à partir de divers objets culturels.
TOUR DE BABEL
Le « différend » est une notion importante dans la philosophie contemporaine. « Nous allons essayer de travailler autour de cette idée : que se passe-t-il lorsqu’on essaie de parler ensemble ? poursuit Alain Brossat, que ce soit entre gens de cultures différentes ou ayant des points de vue, des opinions ou des intérêts divers ». Tout échange semble se heurter inévitablement à un désaccord fondamental qui donne souvent le sentiment que « parler ne sert à rien ».
Nos existences désormais mondialisées procurent l’illusion que nous pouvons enfin nous entendre puisque nous disposons des mêmes outils de communication comme l’Internet. Mais malgré la multiplication monstrueuse des échanges et l’homogénéisation des normes culturelles, le différend demeure. « Pourquoi avons-nous tellement de mal à nous entendre ? interroge Alain Brossat. Il s’agit pour nous de prendre à contre-pied un discours assez convenu de métissage culturel et de tout communicationnel. Ce rassemblement est l’occasion rêvée de travailler sur cette question avec des gens qui ont des enracinements culturels très divers ».
C’est ainsi que Chilhac devient, une semaine durant, une tour de Babel où, par-delà les diversités, tous tenteront de parler la même langue (traducteurs aidant) en procédant sur eux-mêmes à la périlleuse expérience de l’échange sans entrave et sans litige, « comme Pasteur, conclut Alain Brossat, expérimenta sur lui-même le vaccin contre la rage... ».