Peut-on éduquer sans discipline (s) ?

, par Philippe Roy


L’association “Voyons où la philo mène...” organise une rencontre

les vendredi 4 mai au soir, samedi 5 et dimanche 6 mai 2012

sur le thème :

PEUT-ON EDUQUER SANS DISCIPLINE (S) ?

Argumentaire :

La question mérite d’être posée à un âge où tend à prévaloir le motif de la sévérité entendu comme remède souverain aux facteurs de crise et de désordre. Où il est devenu courant d’entendre que tout mouvement d’insubordination, toute rétivité à l’ordre scolaire ou familial recèle, en vérité, le désir masqué de la Loi dont la sanction serait le visage naturel.
Pour autant, épingler le trait d’époque que recèlent ces passions punitives ne suffit pas à épuiser la question, tant il est vrai que, comme Foucault l’a montré, les disciplines, en tant qu’elles sont tout sauf réductibles au simple motif punitif, font partie intégrante du procès de formation des sujets modernes. Mais pour autant, tout projet d’une éducation non disciplinaire, en tant qu’éducation à la liberté ou projet d’autonomie, se voit-il réduit à la condition d’utopie inconsistante, anti-moderne ?
Comme on le voit, ces journées ne se donnent pas comme objet la sempiternelle question pédagogique, elles n’ont pas pour but de revenir une fois encore sur le malaise des enseignants. Elles se donneront l’ambition plus haute de reprendre, sur de nouveaux frais, à partir d’auteurs connus (Fourier, Deligny, Rancière, Foucault etc.) ou moins connus (Amy Shua…) , mais aussi bien à partir des expériences et réflexions de chacun(e), la question des conditions d’une éducation, des appareils d’éducation dans une perspective où le destin de celle-ci serait indissociable de celui de l’émancipation – et ce dans ce présent même où tout tend à en abaisser les ambitions à force d’en faire une police de l’emploi et de l’ordre social.

Programme :

Vendredi 4 mai

 : accueil au gîte à partir de 19h30 avec repas en continu.

Samedi 5 mai

 :

Chaque intervention sera suivie d’une discussion.

9h45 Film « En rachâchant » de Huillet et Straub (durée 7 min).

« Apprendre sans recevoir de leçons » Philippe Roy

Le court-métrage des Straub présente un enfant sur lequel la discipline scolaire n’a plus prise. Désactivé, le geste éducatif scolaire-et-parental de nos sociétés disciplinaires (au sens de Michel Foucault) apparaît alors comme en suspens. Tel un rapace tournant à vide dans les airs, il ne sait plus comment retomber, nous offrant une position idéale pour l’analyser. Mais l’enfant est imprenable, car il est porteur d’un geste éducatif propre, celui de rachâcher, dont il laisse entendre quelques traits, incompatibles avec l’école. Son geste permet aussi de produire une vue acérée sur le geste éducatif, qui lui est frappé de cécité. Propriété asymétrique quasi filmique que le geste cinématographique des Straub ne manque pas d’exprimer.

11h « L’enfance du désir » Laurence Bouchet

L’Harmonie sociale dont rêve Fourier et dans laquelle à peu près toutes les valeurs de la « civilisation » que nous connaissons sont renversées ne pourra s’établir en reproduisant le modèle patriarcal sur lequel repose cette dernière. Modèle conforté par une éducation hypocrite qui vantant la morale, ne fait qu’attiser l’intérêt égoïste et entrave toute forme d’épanouissement véritable.
Pour rendre possible une autre organisation, le philosophe propose donc de s’appuyer tout particulièrement sur les enfants plus à même d’ouvrir de nouvelles voies. En attendant la prochaine métamorphose sociale, dans la Théorie des quatre mouvements Fourier suggère : « Faites des enfants : il n’y aura rien de plus précieux au début de l’ordre combiné que les petits enfants de trois ans et au dessous ». L’enfance servira de « boussole sociale » ; c’est par elle que nous découvrirons des possibilités nouvelles. Fourier la considère comme un terrain idéal d’expérimentation. L’enfant doit permettre d’opérer un écart absolu ; comment les désirs se développent-ils lorsqu’au lieu de les figer dans une éducation univoque et normative on leur donne la possibilité de se déployer par la multiplicité des contacts et des échanges ?

12h30 Repas

14h30 Ballade dans les environs

16h Film-documentaire sur Pédagogie Nomade « Le gai savoir » (durée 70 min)

« Singulière ethnie » Benoît Toussaint

Fin des années 1970, Fernand Deligny entame la rédaction d’un texte réflexif, sur le pouvoir, le vouloir, articulé autour de l’expérience de vie menée avec des enfants autistes dans un hameau des Cévennes, hors de tout : de l’institution, de l’argent, du monde.
Ce texte saisissant tourne sur lui-même, et autour d’axes obsessionnels : La Boétie et la Malencontre, Clastres et les Guayaki, Levi-Strauss et les Boroboro…
De 2008 à 2011, Pédagogie Nomade, école expérimentale, a fonctionné, au cœur du réseau officiel de la Communauté Française de Belgique, sans autorité ni sanction, un peu en dehors de tout également, et avec les mêmes références, les mêmes obsessions. Cette école s’adressait aux élèves en différend avec l’institution scolaire.
Voyons voir s’il n’y a pas moyen de relier les deux expériences, et d’illustrer les tentatives théoriques de Deligny avec le récit de l’expérience de cette petite école secondaire, fermée d’autorité par la ministre de l’enseignement, pour motif impardonnable d’impertinence, d’esquive obstinée de la malencontre, cette charnière historique où les êtres humains, inexplicablement, choisissent l’obéissance au lieu de la liberté.

18h30 « La maman tigre et les disciplines » Alain Brossat

Dans un best-seller dont le ton de légère auto-dérision n’abuse personne, Amy Chua, une professeure de droit états-unienne d’origine chinoise fait l’éloge d’une éducation des enfants dans le cadre familial directement inspirée de la tradition chinoise. Les principes en sont simples : naturellement désireux d’agir pour le bien et le bonheur de leurs enfants, les parents chinois se sentent bien fondés à exercer sur leurs enfants les contraintes les plus rigoureuses, à leur imposer des disciplines draconiennes, des privations parées de supposées vertus pédagogiques. Le but naturel de toute éducation étant de faire des enfants « les meilleurs » et de promouvoir leur ascension sociale, l’autorité parentale tend à se transformer en tyrannie - ceci au nom d’une idéologie du réarmement moral qui tire davantage ses ressources du néo-conservatisme en vogue aux Etats-Unis que des sagesses chinoises ancestrales.
Amy Chua : Battle Hymn of the Tiger Mother, Penguin Books, 2011

20h Repas

Dimanche 6 mai

9h45 « La passion de l’égalité » Alexandre Costanzo

Il s’agira pour moi de présenter cette oeuvre majeure qu’est Le Maître ignorant de Jacques Rancière pour fixer d’un côté la façon dont s’y noue le rapport entre autorité et éducation mais surtout pour appréhender cette pensée de l’émancipation.

12h Repas

Tarifs : 110 euros avec hébergement et repas, apéros, petits-déjeuners compris.
80 euros pour les samedi, dimanche sans hébergement avec repas, apéros compris.

au gîte “le Closet” 25330 Fertans (17-19 grande rue).
Site du gîte (avec plan d’accès) : http://www.gite-lecloset.com

Renseignement(s) et inscription auprès de Philippe Roy :
voyonsoulaphilomene@gmail.com ou 06 51 38 43 45