Quatrième rencontre, sur le thème : dette et don

, par Philippe Roy


Les vendredi 28 septembre au soir, samedi 29 et dimanche 30 septembre 2012

au gîte “le Closet” 25330 Fertans (17-19 grande rue).
Site du gîte (avec plan d’accès) : http://www.gite-lecloset.com

Argumentaire :

A l’heure où les Etats s’activent à régler leurs dettes, dont tout porte à penser que celles-ci sont infinies, ne sommes-nous pas sommés de penser la fonction de la dette ? d’autant plus qu’aucun modèle de croissance ne vient proposer d’horizon. Nous assistons à une fuite en avant : les ménages sont surendettés, l’économie familiale est emportée par les spirales de la crise du gouvernement des vivants et de la course à l’abîme des marchés. La généralisation des échanges marchands tendrait-elle en plus à faire disparaître la part du don ?

La dette est un concept au croisement de la morale, du religieux, de l’économie et du social. Ainsi, le mot « schuld », la faute, veut dire également « dette » en Allemand, on peut rappeler le rôle que Nietzsche lui donna dans la généalogie de la morale. Le motif de la dette infinie va même jusqu’à être un fondement de la condition humaine pour certains philosophes (Kant, Levinas, Jonas). La dette étant déjà accumulée par celui qui naît, envers les parents, les ancêtres, ceux qui ont peuplé et bâti le monde humain et la civilisation avant lui.

Pourquoi la dette occupe-t-elle alors cette place dans les politiques actuelles ? La « confiance » qui vacille fait réémerger la figure de « l’homme endetté », comme un personnage conceptuel central de la reconfiguration des rapports de pouvoir. Nous sommes gouvernés à l’endettement, c’est une nouvelle forme de dépendance à l’endroit de l’Etat et des puissances financières. Mais pourquoi le devoir de régler ses dettes serait-il plus vertueux que celui de leur suppression par les créanciers, surtout si elles ont comme fonction de nous asservir ? Supprimer une dette c’est donner. Pourquoi la dette et pas le don ?

Peut-on même inverser la perspective : le don présuppose-t-il nécessairement la dette ? Ne faut-il pas essayer de penser l’articulation entre dette et don ? La psychanalyse a su la mettre au jour dans la constitution psychique d’un sujet. Que serait une morale, une économie, une politique du don, indépendamment d’un rapport premier à la dette ? L’anthropologie nous convie elle aussi à penser la relation entre le don et le contre-don (Mauss). Penser dans ces voies serait, de toute façon, se prémunir contre les sirènes de tous ces créanciers qui nous gouvernent. On ne se bouche bien les oreilles qu’en les débouchant, déjà le temps d’un week-end.

Programme :

Vendredi 28 septembre : accueil au gîte à partir de 19h30 avec repas en continu.

Samedi 29 septembre :
Chaque intervention sera suivie d’une discussion.

9h45 « Le double langage de la spoliation » Christiane Vollaire
Le vocabulaire de la dette est, dès ses origines, indissociable d’un régime de spoliation. Il n’est pas seulement une euphémisation de la violence économique, mais il en pervertit les représentations, en inversant la position du débiteur. Une simple analyse des objectifs portés par le FMI met en évidence cette fonction politique de l’émergence des concepts de « dette » et de « crise » dans le double langage de la domination.

11h15 Sylvain Pasquier, membre du MAUSS (sous réserve, sinon une autre intervention sera programmée)

12h45 Repas

14h30 Balade dans les environs

16h Film « Journal d’un curée de campagne » de Robert Bresson

18h « Morale de la dépense – l’économie à la renverse » Mathilde Girard
Il semble que toute pensée de l’économie soit désormais prise en étau entre la possibilité qui serait accordée à chacun de consommer sans contrainte et celle qui ferait que cette possibilité soit partagée par tous ; entre la nécessité d’accompagner le développement et celle d’assurer la survie de l’espèce et le maintien des ressources énergétiques. Les possibilités humaines se heurtent aux limites de l’environnement, et la mauvaise conscience donne le ton d’une morale soumise à la souveraineté des créanciers. La déroute est économique autant que morale, qui rassemble la communauté internationale dans la culpabilisation de ceux qui n’ont pas su compter. Et quand la politique interférait encore dans cette alternative diabolique, la course aux énergies et les promesses de catastrophe font de chacun les serviteurs d’une économie du moindre mal et de la moindre dépense.
Les êtres pourtant n’ont d’autre destin que celui de la dépense. L’idéologie de la dette semble leur intimer la nécessité de s’en justifier, et les contraindre à rendre, à restituer, à rembourser. En faisant de la dette le nouveau vecteur d’une mauvaise conscience généralisée et soutenue par la virtualité des capitaux financiers, la souveraineté des Etats s’est établie sur le pouvoir d’être solvables et d’être remboursés. L’emprise est le nom de cette nouvelle gournementalité, qui pervertit la promesse de la culture en culte de la survie.
Ne faudrait-il pas inverser la tendance, ou du moins l’imaginer ? Dans le sillage de Nietzsche, de Bataille, de Sade et de Freud, notre propos tentera de revenir sur les prémisses morales d’une telle construction économique. Il s’agira de prendre la mesure de la nécessité humaine de dépenser, la mesure de l’inutile ; de rappeler des formes de souveraineté établies sur le pouvoir de perdre ; et d’imaginer quelle place accorder à l’incommensurable économique – ou, suivant les termes de Bataille, à « l’économie générale ».

19h30 Repas

Dimanche 30 septembre

10h « Equivoque "don de soi" » Alain Brossat

ll s’agira, en s’arrêtant sur le Journal d’un curé de campagne - le roman de Bernanos et le film de Bresson - de s’interroger sur les équivoques du don de soi. Le jeune curé d’Ambricourt se voue entièrement à ses paroissiens, il s’active sans relâche au service du salut de leur âme, ceci au point de s’oublier lui-même, en dépit de sa santé défaillante. Il pratique un ascétisme sacrificiel et affiche, avec son dénuement, l’humilité la plus entière.
Mais ce "don" sans limite est suspect aux yeux de son collègue plus expérimenté le curé de Torcy qui détecte dans ses excès la marque d’un orgueil ou d’un fanatisme inavouables. De quelle présomption ce don est-il le masque, de quel droit ce trop zélé agent du pouvoir ecclésial s’immisce-t-il dans l’intimité de ses paroissiens - et qu’a-t-il donc au fond à donner ?
Avec le roman de Bernanos et le film de Bresson, on devient sensible à l’équivoque constitutive du don : à quel titre celui-ci pourrait-il être inconditionnel, "gratuit" et totalement désintéressé ? On est porté alors à s’intéresser à tout ce qui passe, transite avec le don...

12h Repas

Tarifs : 110 euros avec hébergement et repas, apéros, petits-déjeuners compris.
80 euros pour les samedi, dimanche sans hébergement avec repas, apéros compris.

Renseignement(s) et inscription auprès de Philippe Roy :
voyonsoulaphilomene@gmail.com ou 06 51 38 43 45