Séminaire : De la traductibilité des « Lumières chinoises »

, par Sylvie Parquet


Un séminaire a eu lieu le mardi 21 mai
A la MSH Paris Nor

Avec Julien Quelennec :

De la traductibilité des « Lumières chinoises »
Dans cette présentation, il s’agira de reposer la question des Lumières comme problème, non comme doctrine, ou comme moment historique, à travers un détour par ce que l’on appellera provisoirement l’expérience chinoise de la modernité. Nous disons provisoirement car ce qui nous semble être à la source de nombreuses difficultés, c’est la détermination nationale de cette expérience. La question de la traductibilité est précisément avancée dans la mesure où elle permet de reconsidérer la forme d’évidence teintée d’ignorance avec laquelle le qualificatif de chinois est accepté. En fait, l’expression « Lumières chinoises » est déjà une traduction, ou plutôt est déjà inscrit dans un processus complexe et multiple de traductions. Le terme chinois pour Lumières est qimeng (啟蒙), de la même manière qu’en allemand on utilise le mot Auflaklarung, et en anglais Enlightenment. Il est de plus issu d’une transposition du kanji japonais. C’est une traduction de traduction de... Ce que nous proposons, c’est de reconsidérer l’idée de diffusion des Lumières en tant qu’elle s’agence au présupposé de son origine européenne, c’est-à-dire à une histoire universelle occidentale. Cela ne signifie pas que l’origine des Lumières est chinoise. Il ne s’agit pas de remplacer un euro-centrisme par un sino-centrisme. Un tel mouvement ne ferait que reproduire un modèle d’équivalence et de transparence présupposant un universalisme apriori des Lumières. Or, ce qui nous intéresse, c’est de penser un rapport aux Lumières qui s’élaborerait autour d’une différentiation non réductible à une unité supérieure. C’est en cela que les Lumières deviennent problème. De sorte que les « Lumières chinoises » ne se résument pas à une version chinoise des Lumières mais permettent peut-être de comprendre un peu mieux le fonctionnement du tropisme opéré par ce terme, en particulier dans la manière dont il participe à la production du savoir, et dans notre cas du savoir sur la Chine. N’étant pas sinologue mais découvrant ce champs de connaissance, c’est aussi une réflexion sur le sens de « mon » expérience chinoise qu’il s’agira de problématiser.

Et Jean Claude Noël :

Le corps comme virtualité et spatialité

On sait tous la place du corps dans l’œuvre de Sade. Celui-ci avec le concept de nature occupe en effet une place de choix notamment dans Les 120 journées. Dans ce roman inachevé que le divin marquis considérait comme son chef-d’œuvre, tourne – et tout y tourne d’ailleurs – autour de la question du corps, dont il faut saisir le mystère, c’est-à-dire la nature. Dans ce traité des passions que constitue Les 120 journées des passions, le corps est à la fois virtualité et spatialité. C’est en effet parce que le corps est spatialité qu’il est virtualité, c’est-à-dire qu’il peut être objet politique au sens foucaldien du terme et s’inscrit ainsi au cœur de la biopolitique : le gouvernement des corps. Comprendre et décrire les passions (du corps) permet ainsi de le cerner en tant que possibilité (manipulable) et lieu d’expérimentation.