Thème de l’Université


Cette université d’été vise, à travers la mise en évidence des dispositifs politiques d’instrumentalisation du corps, à mettre l’accent sur la puissance de résistance des corps, leurs usages contre-politiques. Le projet est donc centré sur l’actif plutôt que sur le réactif ; sur le projectif plutôt que sur le descriptif. C’est ce recentrement projectif, dont l’analyse est un moyen, qui pourrait orienter l’ensemble des échanges. Ce questionnement se fera dans un sens radicalement pluriculturel, ouvert à des concepts du corps et du soin multiples et différenciés, par la diversité aussi bien d’origine que d’acculturation des différents intervenants et participants. La dimension comparatiste y sera donc fondamentale. La question de ce que peut le corps engagera ainsi à renouveler les problématiques éthiques.

La question des politiques migratoires en sera un objet commun, avec les processus de discrimination dont elles sont vectrices : les enjeux contemporains du marquage des corps, leur dimension juridique et punitive et, en particulier la biométrie, devront y être abordés. Les échanges d’informations concernant les données biométriques entre compagnies d’aviation et gouvernements, mais aussi idée d’une carte biométrique des individus pour l’accès aux services sociaux, seront analysés, dans leurs enjeux de pouvoir comme dans la manière dont leur repérage s’offre à l’intervention critique. Le corps, cible d’abus politiques massifs tels que l’universalité de la torture dans la diversité de ses pratiques, est aussi la cible de ce qu’on appelle la "gestion des ressources humaines", dont la visée est d’intervenir au plus secret, depuis les projets d’ "évaluation" des enfants afin d’y détecter le délinquant en herbe, jusqu’à la double face de cet usage politique ultime qu’est le suicide au travail. Si ce questionnement ne prétend pas faire l’économie de la pensée foucaldienne, il n’en demeure pas moins intégralement ouvert à des pensées médicales, philosophiques et politiques qui lui échappent, quels qu’en soient les continents d’origine.

Plus généralement, il conviendra de considérer l’immense investissement techno-scientifique du corps (de la diététique et la médecine « méliorative » au mixage entre électronique et neuronique), qui bouleverse le statut même de ce qu’on croyait être un « corps » (humain, vivant), jusqu’à prétendre en rendre le concept obsolète. La dérégulation y engendre de nouvelles formes de normativité. Dans cette configuration s’intègrera la question du genre, et les processus de différenciation ou de domination qui y sont liés, par la biologisation du féminin en particulier. Mais aussi le rapport structurel et subjectivant à la question de la norme, et aux régimes de pouvoir qu’elle induit par la racialisation des corps et les modalités politiques de sa réfutation. Dans cette perspective critique, les usages esthétiques du corps permettront d’ aborder les usages politiques de l’art. Puissance du corps comme force de résistance, et pouvoir sur le corps comme instrument de manipulation, y seront interrogés. Cette question relie notre statut biologique aux processus linguistiques de subjectivation et d’acculturation, et peut par là donner prise à la légitimation des diverses formes de pouvoir autant qu’à la dénonciation de leurs abus.

A ces usages politiques appartiennent évidemment les revendications liées à la jouissance, à un usage des plaisirs, dont les revendications homosexuelles sont emblématiques. Par opposition à la manière dont ceux-ci deviennent instruments de manipulation économique, à travers l’extension de la mass-médiatisation du sport, ou des réseaux de prostitution. Enfin, il serait souhaitable d’aborder la question de la place du corps dans l’environnement, des pouvoirs économiques qui s’y exercent et des revendications politiques qui en sont le lieu.