L‘évolution du capitalisme ? Quels modèles pour analyser l’assujettissement contemporain ?

, par Philippe Coutant


Suite à l’abandon du projet de transfert de l’aéroport de Nantes, nous interrompons cette semaine la publication de notre abécédaire pour, en guise de clin d’œil et d’hommage, publier à nouveau un texte de Philippe Coutant, l’ami d’Ici&Ailleurs qui s’était tant investi dans la lutte de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, avant sa disparition subite en mars 2015. On pourra lire également sur le Réseau de philosophie plébéienne son texte sur la métropolisation à Nantes.

Ce texte a servi de base à une intervention au Colloque “ La philosophie dans tous ses éclats ”, du 21 et 22 septembre 2013 à la Ferme Courbet de Flagey (25). Suite aux remarques et discussions lors de cette séance, j’ai apporté quelques modifications et ajouté quelques précisions.
(première publication en octobre 2013)

Pour essayer de comprendre, pour sortir de l’impuissance et de la tristesse, nous avons besoin de modéliser pour agir.
Nous sommes dans un cas de figure marqué à la fois par la rupture et la continuité :
Du capitalisme industriel au néolibéralisme, la notion de néo-libéralisme est admise pour marquer la différence avec l’ancien capitalisme qui était le libéralisme antérieur,
De la société disciplinaire à la société de contrôle,
De la force de travail à la gestion du capital humain,
De la prise du corps à la captation de la subjectivité et à l’esprit dans les machines !
Il n’existe pas de vision unitaire et achevée, c’est un impossible, la seule unité c’est le réel, il existe des logiques, des lignes de forces, des tendances, des contradictions, des conflits : l’importance de la concurrence. La mise en avant de la concurrence est considérée comme la caractéristique principale du néolibéralisme, il y a aussi des évolutions, des invariants, des reconfigurations, …
Donc, nous n’avons à notre disposition que des modèles incomplets, il en faut plusieurs, chaque approche étant limitée, ce sont des modèles à réactualiser, à articuler, imbriquer les uns avec les autres, …
Nous sommes inclus-es dans ce monde, il n’existe pas de vision externe, nous sommes concerné-es par ce que nous décrivons. Par exemple : le mode de vie, la consommation, les activités économiques, les activités sociales, l’usage des téléphones portables, Internet, la recherche d’une place, … On peut essayer de résister, mais à un moment ou à un autre nous sommes happé-es par tout cela, il y a toujours une bonne raison pour justifier cela : la nécessité pratique, le lien aux enfants, etc.
La postmodernité ? Une notion qui permet de comprendre que nous avons changé de période, que les jeux de langage sont omniprésents dans notre situation, que nous vivons dans une société informatisée, que les machines sont partout, que nous sommes pris dans de multiples dispositifs, que nous pouvons nommer cela : la méga-machine.
Le néolibéralisme peut être vu comme une utopie, comme une construction, mais c’est surtout un réel et pas seulement une idéologie. La notion d’utopie néolibérale vient de Hayek juste après la seconde guerre mondiale, Hayek était anti-communiste, contre les syndicats, contre toute idée de gestion collective. Pour lui, le seul savoir nécessaire à la vie était celui fourni par le marché, la seule morale sociale légitime c’était celle du marché. Aujourd’hui, c’est une utopie qui est en train de gagner partout dans ce monde, c’est le résultat d’une lutte de classe multiforme de la part des dominants pour garder et accroître leurs privilèges, leurs pouvoirs.

Notre Dame des Landes et Zad ?

La Zad est l’acronyme bureaucratique qui parle d’une Zone d’Aménagement Différée, pour les opposant-es au projet d’aéroport c’est devenu une Zone à défendre. Il s’agit d’une lutte qui s’affronte à ce monde, le notre : le capitalisme, ses aéroports, ses banques, ses multinationales, sa surveillance, son système sécuritaire, ses répressions, ses métropoles, ses États, ses partis politiques, ses gestionnaires, ses technocrates, ses citoyennistes, ses médias, ses ordinateurs, ses réseaux, sa technologie, ses égos, ses jouissances, son maintien, son développement, ses dispositifs, ses technologies de pouvoir, sa biopolitique, sa gouvernementalité, sa mise en avant de la culture et de l’écologie, …
La Zad est un témoin du changement dans les luttes, une façon de militer inédite, ce n’est pas une utopie, ce n’est pas dans le futur, ni séparé du monde. On peut vite noter deux points clés : les modes de vie et les réseaux, c’est un engagement en situation qui concerne toute la vie. La puissance affirmative du non ! Ici et maintenant, ce n’est pas négociable !
Il ne s’agit plus de faire grève, d’arrêter de produire, de sortir ou d’entrer dans un lieu fermé, c’est la vie impliquée dans un espace ouvert, où les choses se recomposent régulièrement. La mobilité et les réseaux sont très importants. On retrouve la notion de désertion développée dans le monde des squats dès les années 2000. C’est un refus de vivre selon les normes officielles, une sorte de fuite vis-à-vis du monde que le capitalisme veut construire pour inventer en situation, se rendre incontrôlable et riposter de multiples façons. Cela concerne la vie elle-même, la parenté avec la notion de « grève humaine » proposée par Tiqqun a été évoquée, ce rapprochement est pertinent, même si, à ma connaissance, les zadistes ne se réfèrent pas à ce mot d’ordre. Cela provoque des changements dans la reproduction du système et dans sa circulation. La réaction des autorités est très violente, les accusations montent vite en intensité, la notion de terrorisme affleure très rapidement. L’incompréhension des réformistes vis-à-vis de ces méthodes accentue la séparation. Le déploiement de force policier peut-être massif, le traitement des personnes et des choses sur la Zad par le ministère de l’Intérieur ressemble à celui réservé aux sans-papiers et aux Roms : blessures, arrestations, décisions de justice très répressives, destructions et confiscations des biens, chasse à l’homme, arrêtés préfectoraux spécifiques limitant le contenu des transports comme le bois ou les carburants, surveillance y compris avec des survols répétés d’hélicoptères, contrôles divers et variés, occupation militarisée de la région, etc.
C’est bien un changement dans les méthodes de luttes en rapport avec l’évolution du capitalisme. Ce n’est plus une seule catégorie de population qui est concernée, ni un seul lieu ou une seule forme de mobilisation. La transgression de l’interdit disciplinaire n’est plus au centre de cette vie et de ces actions, ce sont des sortes de machines de guerre, à la fois multiples et toujours en devenir. Les anciens modèles de luttes sont réinterprétés dans un nouveau contexte et de fait bouleversés, où le fait de construire et d’habiter une cabane devient un acte de résistance.
Ce qui est en jeu : le rôle des politiques, une vision du développement et la politique comme interface avec Vinci ou Bouygues, la métropolisation, un capitalisme vert très culturel, …
Les questions en débat : le développement durable du capitalisme, l’urbanisation, l’aménagement du territoire, l’agriculture, la consommation, les transports, la démocratie, l’écologie, la culture, …

Penser le changement est devenu indispensable parce que les modèles antérieurs ne fonctionnent plus très bien. Pour essayer de comprendre, il est possible de partir des effets sur la subjectivité, notamment avec la captation du désir dans l’injonction de jouissance du capitalisme contemporain. Nous proposons une hypothèse : nous sommes face à une nouvelle norme : “ Gérer sa vie ! ”

Proposition de 4 modèles qui essaient d’approcher la multiplicité de ce monde :
* Efficacité économique et domination politique,
* Trois logiques fondamentales : le capital financier, l’immatériel, l’apartheid social,
* Les trois écologies de Félix Guattari,
* Un modèle personnel : l’œil, le désir et le logos (langage, logique et raison).

Ces différents modèles sont intriqués les uns dans les autres, un ensemble complexe et très diversifié, nécessité d’une vision ouverte.
Des flux, de toutes sortes, le paradigme gestionnaire, la notion de projet : tout est entreprise, le capital humain, l’implication subjective, une bonne image de soi avec l’action à distance, la soumission sans contrainte ouverte ni décision volontaire, des mouvements qui font évoluer le système et des structures qui se réorganisent en permanence.
Une sorte de métacapitalisme : un ensemble qui chapeaute tout le reste, une sorte de surdéterminisme non mécaniste, souple et ouvert qui influe sur toutes les composantes de la méga-machine, qui ramène tout à une question de profit et de pouvoir.
Une hétérogénéité dans le réel et dans les analyses :
1 / par exemple entre l’approche qui insiste sur l’organisation autour du flux tendu, “ Le flic est dans le flux ” selon JP Durand, où il y a toujours un peu moins de personnel qu’il ne faut avec comme conséquence que les salariè-es sont en permanence en train de courir.
2 / et celles qui privilégient le développement de la sphère de l’immatériel comme dans le capitalisme cognitif,
Donc des divergences entre différents éclairages, mais un point commun dans le même monde : l’informatique et sa gestion des flux, la façon de gérer la traçabilité et les humains.
Hétérogénéité également : entre les États sur les sphères d’influence, sur la construction européenne et la prééminence du dollar au niveau financier, entre les États et les multinationales et des tensions assez fortes autour de la fiscalité, ...
Une méga-machine qui intègre tout, désintègre et recycle, qui fonctionne par inclusion, ... La différence ne crée pas de rupture comme on le croyait dans les années 70.
Une permanence : profits et pouvoirs, des motivations essentielles chez les dominants, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif, en particulier en politique.

I / Efficacité économique et domination politique,

Utilité et docilité, profits et soumissions
Un rapport social qu’on retrouve dans la marchandise et le spectacle, au travail, au supermarché mais aussi à l’école et partout ailleurs.
Modèle que l’on trouve plus ou moins développé chez les anarchistes, les radicaux, en partie chez Marx, présent explicitement chez Foucault.

1 / Efficacité économique : exploitation, utilité, surprofits

* Exploitation du travail salarié, la plus-value, le salaire n’est pas le paiement du travail mais celui de la reproduction de la force de travail ;
* Exploitation par le paiement de l’intérêt suite à un crédit accordé par les banques,
La base de ce mécanisme c’est la création de la monnaie ex-nihilo, le droit de créer de la monnaie, droit garanti par l’Etat, l’argent-dette ;
* Exploitation liée à la propriété privée immobilière : terre et logements avec le loyer ou le fermage, extension à la propriété des œuvres culturelles, droit d’usage des logiciels, ...
* Exploitation liée à la rente et aux monopoles, les matières premières avec la possession ou au contrôle des minerais du pétrole, le contrôle et la distribution de ressources comme l’eau, le gaz, l’électricité, le téléphone, Internet, l’accès à certains services comme la gestion des déchets, contrôle des accès et les péages comme les parkings, les autoroutes, les redevances, …
* Profit commercial, taxes et impôts divers et variés, obsolescence programmée, changement de normes techniques, spéculations diverses et variées, corruption, travail des enfants, normes sociales inexistantes, refus des syndicats, esclavage, pillage, déforestation, violences diverses et variées, ...
* Privatiser les profits, socialiser les pertes afin de les faire supporter par toute la collectivité. Aujourd’hui, c’est le capital financier qui dicte sa loi. Il essaie de faire de l’argent avec l’argent, une surproduction de capital de fait.
Le capitalisme financier transforme tout en marchandises et en spectacle. Il aspire en lui et tend à intégrer toutes les autres formes de capitalisme : commercial, terrien, industriel, immobilier, médiatique, culturel, communicationnel, agro-alimentaire, médical, assurantiel, mutualiste, sportif, sexuel, touristique, sécuritaire, militaire, humanitaire, logistique, celui des transports, des loisirs, celui de l’éducation scolaire, des enseignements supérieurs et de la formation permanente, des bureaux d’études, des agences de toutes sortes, des services de diagnostic, la prison, le carcéral, l’industrie du sécuritaire, etc.

2 / Domination politique, docilité, sous-pouvoir, domestication

Affaiblir politiquement, limiter les capacités de révoltes, intégrer au fonctionnement, sécuriser, surveiller, produire les êtres dont on a besoin, gérer de façon séparée, administrer de manière différentielle, ...
Il faut faire en sorte que tout soit perçu comme normal, il est nécessaire d’affaiblir politiquement les personnes soumises et les groupes dominés. La domination se décline sous de multiples formes dans différents domaines.
Ici, nous pouvons remarquer que les diverses oppressions sont liées structurellement à la domination politique de notre temps. Si l’on conteste une forme particulière de domination, c’est la politique qui se manifeste pour essayer de clore l’affaire. Dans ce cas de figure, le pouvoir propose souvent une réformette et / ou un dispositif technique pour résoudre un problème social.
L’articulation entre utilité et docilité est évoquée de plusieurs manières dans Surveiller et punir et La volonté de savoir. Le lien entre sur-profits et sous-pouvoirs est abordé explicitement dans Michel Foucault La vérité et les formes juridiques, Dits et Écrits, tome II, texte n°139. (Conférences à l’Université pontificale catholique de Rio de Janeiro, du 21 au 25 mai 1973.).
“ … pour qu’il y ait sur-profit, il faut qu’il y ait sous-pouvoir. Il faut que, au niveau même de l’existence de l’homme, une trame de pouvoir politique microscopique, capillaire, se soit établi, fixant les hommes à l’appareil de production, en faisant d’eux des agents de la production, des travailleurs. ” cf. http://1libertaire.free.fr/MFoucault194.html

II / Trois logiques de fond, 3 lignes de force
Il y a, ensuite, la recherche des logiques à l’œuvre, où au moins trois lignes de force sont repérables dans l’utopie néolibérale :

1 / Le capital financier et ses exigences :

L’intérêt dû aux banques est plus important que la vie humaine et la nature. La ronde infernale de la dette et du crédit passe par la création de monnaie par les banques, cette fuite en avant est destructrice. La création de la monnaie la plus importante est celle dite “ ex-nihilo ” qui a lieu lorsqu’une banque vous accorde un crédit. L’argent ne vient pas des comptes des déposant-es, mais d’une création pure, c’est un résultat de l’histoire, les banques ont obtenus ce droit en échange du financement des rois, ce qui a été nommé “ l’argent dette ”. C’est la principale source de création de monnaie dans notre société.
Le Trading haute fréquence, cf. la revue en ligne Article 11 et la discussion avec Alexandre Laumonier, les procédures d’achat et de vente sont automatisées dans des systèmes informatiques qui fonctionnent dans des échelles de temps du millionième au millième de secondes. Cette façon de faire représente de 50% à 70% des transactions boursières dans les pays du Nord. Les incidents liés à ces méthodes de spéculation se multiplient.
La finance de l’ombre pèse plus que le système bancaire officiel : environ 70 000 milliards de $. Le shadow banking est au cœur de la crise financière, le but est d’échapper à tout contrôle pour spéculer sans entraves, y compris les règles du système lui-même comme : “ il est interdit de créer de l’argent pour soi-même ”, il faut l’emprunter à d’autres, donc il faut produire ou spéculer pour le rembourser.
On peut considérer cela comme un processus qui permet de créer à partir de rien, dommage que cela finisse toujours dans les limbes de la monnaie immatérielle du capitalisme financier et que cela ait autant de conséquences néfastes pour la nature et les humains.
La forme “ marché ” et la concurrence se déploient partout. Le capitalisme financier passe au-dessus des États, il est globalisé et mondialisé. Exemples d’Amazon et de Google avec les impôts : Cf. “ Google : des milliards de profits sans impôts ” Le Nouvel Observateur le 13 mars 2013. http://Papouasie-Nouvelle-Guinée/le-dossier-de-l-obs/20130313.OBS1716/google-des-milliards-de-profits-sans-impots.html
Mais, les États jouent un rôle important, ils sont à la fois des acteurs importants du cycle emprunts crédits et la garantie que le système ne s’effondre pas. Si besoin, ils sont sollicités pour renflouer les banques comme en 2008.
Autre exemple : en Europe, la BCE ne peut pas prêter directement aux États, ils doivent passer par des banques. C’est donc aux banques privées que nous devons rembourser les intérêts liés à la dette publique. C’est un choix institutionnel récent typique du néolibéralisme.
C’est le triomphe des méthodes de Goldman-Sachs dont le responsable de la BCE est des anciens dirigeants pour l’Europe : Mario Draghi. Son fils est trader, le problème ce ne sont pas les affaires qu’ils pourraient faire en famille, à partir d’informations secrètes, mais les finalités et les méthodes employées. Ce n’est pas un conflit d’intérêt qui serait scandaleux, mais de fait il s’agit d’une complémentarité d’intérêts quant aux moyens mis en œuvre, où le profit financier des banques est central.
L’idée de séparer les activités bancaires entre banques de dépôt et banques d’affaires peut sembler séduisante, mais elle ne remet pas en cause le droit de créer la monnaie et de percevoir les intérêts liés au crédit bancaire.

2 / Le passage du corps à la subjectivité

Ce parcours va de Foucault à Gorz.

1 / La féodalité et le territoire, la terre comme source de richesses et base de la souveraineté, le lignage et le sang de la noblesse.
Les grands féodaux ont besoin d’une masse d’humains qui les fasse vivre et qui fasse la guerre pour eux, mais les individus singuliers du bas peuple ne sont pas vraiment importants pour les dominants de la société féodale. Les contrôles sont massifs, les mailles du pouvoir sont assez lâches.

2 / La modernité et la mise en place du capitalisme :
Le passage au capitalisme implique de mettre le corps au travail, la source de richesse change, la discipline parce que les humains étaient rétifs au travail, la société disciplinaire et le capitalisme industriel se développent à partir de là.
Une transformation sur période assez longue qui se caractérise par la mise au travail des corps : surveillance et discipline, dispositifs d’encadrement, les corps pris un par un, cf. les exemples de l’armée, de l’atelier et de l’école, etc.
Les mailles du pouvoir se resserrent sur l’individu, cette forme de pouvoir devient cellulaire comme dans la prison. Nouvelle définition des illégalismes et des pénalités, l’illégalisme lié aux biens est redéfini et la répression dans ce domaine renforcée, celui concernant les droits est minimisé, le premier concerne le peuple, le second les propriétaires.
Ensuite, apparaît au fil du XVIIIème siècle la biopolitique des populations, la santé comme préoccupation du pouvoir, utilité des statistiques et définition d’une normalité statistique.
Changement, différence entre le traitement de la peste et celui utilisé pour la lèpre, la variolisation un siècle avant Pasteur, la gouvernementalité, la production des sujets conformes, l’aménagement des villes, différence entre Nantes et Richelieu, l’hôpital qui devient un lieu de soin, avant c’était le salut des âmes qui était fondamental, …
La société disciplinaire et le capitalisme industriel du XIXème siècle :
* la norme du travail salarié, la sacralisation de la valeur travail ;
* la figure du sujet révolutionnaire : la classe ouvrière, un héros mythique : le prolétaire, la mythologie du progrès, la promesse du communisme qui justifie le sacrifice au présent pour un avenir meilleur, la notion d’avant-garde qui amène la lumière au peuple, la confiance dans la science et la technologie.

3 / La postmodernité, notre période :
La société de contrôle, la montée des technologies informatiques,
Le développement de la sphère immatérielle, les jeux de langage,
Le projet, l’implication subjective, la récupération des méthodes anti-autoritaires pour reprendre l’offensive, le nouvel esprit du capitalisme, des méthodes organisationnelles comme le flux tendu,
Le capitalisme cognitif, le capitalisme linguistique, le capitalisme sémantique,
La fabrique du consentement par les médias, …
Le marketing, les technologies de captation du désir, l’injonction de jouissance, la production du consommateur, la baisse tendancielle du taux de profit et le besoin de maîtriser le désir pour vendre.
Intégrer la subjectivité : les smartphones, le web 2.0, Facebook, Twitter, etc.
Exister dans le système, le narcissisme au service du capitalisme.
Le relativisme où « tout se vaut ! » hormis sa position individuelle et le maintien de la structure asymétrique de la société.
Après le corps, la subjectivité comme matière première du système et la place du mental dans tous les processus sociaux.
La subjectivité humaine est devenue une donnée de base du capitalisme d’aujourd’hui : capitalisme cognitif, dématérialisation, flux d’informations, économie de l’immatériel, instrumentalisation des émotions et du désir pour vendre ou nous faire participer aux événements du système, ...
Deux grandes idées saturent notre horizon : “ Tout comme une entreprise ! ” de Friedrich Hayek, “ Le capital humain ” de Gary Becker. Le paradigme de la gestion, l’individu comme l’entreprise de réalisation de soi, nous les rencontrons sous deux formes : la notion de projet et le management.
L’épuisement du modèle fordiste, fin du compromis où l’augmentation de la productivité servait en partie à financer le compromis social et l’élévation du niveau de vie. La recherche de nouvelles méthodes pour dépasser les limites du fordisme : luttes des Os, attaques des petits chefs, difficultés pour obtenir une meilleure productivité, ... Lutte de classe du point de vue des dominants pour mettre fin au compromis fordiste et reprendre l’offensive, ce qui conduira au triomphe actuel de l’utopie néolibérale.
Le nouvel esprit du capitalisme, les mots via les médias, la captation du désir, le marketing, la publicité, la consommation de masse, le flux tendu, la gestion, l’évaluation, la notion de projet, la méthode par projet employé dans le marketing, ...
Aujourd’hui, la subjectivité et le mental pour le capitalisme : articulation entre le désir, l’œil et le logos cf. dernier modèle.
Changement dans les symptômes psys, de la névrose liée à l’interdit à la dépression, où le sujet s’effondre parce qu’il se sent incapable d’être à la hauteur de la nouvelle norme d’efficacité. Un monde sans limites, discours de la science, errances, addictions, marquage du corps, sports extrêmes, conduites à risque, jouissance d’objets, l’objet tend à remplacer l’idéal, difficultés avec la conscience de son désir, difficulté pour passer du statut d’individu à celui de sujet, la personne qui réfléchit pour elle-même en s’écartant des injonctions du système, etc.
Maintenant travailler c’est aussi “ se produire ”, l’individu comme une entreprise. L’employabilité comme ressource avec la notion de capital humain qui a remplacé celle de force de travail.
Le pouvoir existe toujours comme relation, ce relationnel est fondamental, c’est de notre place dans divers système de rapports de pouvoir qu’il s’agit. Le désir est une forme de production, ce n’est pas seulement un rapport au manque. Le capitalisme contemporain utilise le relationnel et le désir pour nous intégrer à son fonctionnement et asseoir sa domination.
La production du consommateur est un des axes de la méga-machine. Cela passe par la promesse d’une plus-value narcissique si on consomme les bons produits. Autre élément : la psychologisation des rapports sociaux. En complément : des politiques sociales aux politiques de l’individu, c’est l’individu qui est responsable de son malaise et de ses difficultés. Sans oublier les tentatives toujours répétées de naturaliser de façon dramatique les difficultés du capitalisme.
Le management par le stress est devenu banal, il est enseigné dans les écoles de cadres, la souffrance au travail est un phénomène massif, le passage de la fatigue physique à la souffrance psychique.
Un changement de norme : du collectif à l’individuel, un devoir « gérer son autonomie ! »
L’injonction de jouissance, l’importance de la norme pour produire des sujets conformes.
L’évaluation, l’envers de la gestion, le coté sombre de la force qui sanctionne et détruit les humains.
La gestion et le projet ont besoin de l’implication subjective : le management comme mode de pensée dominant.
Un universel : la méthode par projet, un concept, puis travail en équipe pluridisciplinaire, études préalables dans divers domaines, tests, reprises, découpage en petites tâches, planification et calendrier pour les étapes, logiciel de suivi de projet, budget prévisionnel, études des résultats, boucle rétroactive si nécessaire, adaptation aux conditions particulières, études pour savoir comment présenter le projet, un nouveau mot : l’acceptabilité, la communication sur le projet et ses avantages, mise en avant de son aspect positif pour les différents acteurs, insistance sur l’aspect et “ innovant ” du projet et demande très forte pour obtenir la nécessaire implication des individus dans la réussite du projet, … Cette méthode était appliquée en partie par Sarkozy à chaque nouvelle réforme ou annonce, elle continue de l’être sous Hollande. Le choix des mots est fondamental pour la construction du monde.
La notion de projet permet de déclarer l’individu libre et responsable de l’avancement du projet, ce qui lui échappe c’est l’objectif à atteindre, sa progression et le découpage des tâches, l’évaluation.
Au départ, il y a un aspect non autoritaire dans la notion de projet, on est libre d’organiser son travail au sein du projet. C’est dans un second temps où les choses peuvent aller mal, parce que l’exigence du “ toujours plus ” revient régulièrement : objectif 100 une année, puis 110, 120 ... Comme on a accepté la liberté du projet, on se retrouve bel et bien piégé-e.
Le paradigme technique qui est inclut dans la vision gestionnaire du monde : les experts, le discours de la science, le système technique, la méga-machine. La vie quotidienne est enveloppée par les machines.
Le virtuel, le narcissisme mondial sur les réseaux liés à Internet.
Amuser, occuper, divertir pour dominer, proposer régulièrement des fêtes biens encadrées.
Le marketing indispensable au capitalisme contemporain, d’où la récolte massive tous azimuts des données personnelles en particuliers les tendances d’achats et les centre d’intérêts.
Le capitalisme linguistique, capitalisme sémantique, exemple de Google.
La multiplication des dispositifs comme celui de l’autoroute : confort, sécurité contre notre soumission à cet ensemble presque clos, un monde séparé du monde habituel avec contrôle, surveillance, péage, sens unique, un langage symbolique spécifique univoque.
La saturation de la situation avec la sécurité, enquête, mise en place de dispositifs et de discours, puis évaluation et perfectionnement. Mais ce principe est contredit régulièrement par le désir de profit, exemple des lasagnes au cheval roumain après l’interdiction européenne d’utiliser la traction animale pour les transports sur la voie publique.
Le principe de précaution est souvent invoqué pour justifier l’intervention de l’Etat et son contrôle, sa domination.
La politique est vue comme une gestion technique, ce qui permet d’évacuer la politique comme dimension collective de la communauté humaine. Cette disqualification de la recherche du bien commun sur le plan politique peut également passer par la mise en avant de la culture et de l’écologie, par la réponse aux demandes de confort et de santé, …
Un travail pour créer les êtres, une insistance sur la norme avec une figure majoritaire : les individus hédonistes gérant leur vie.

3 / L’apartheid social.

L’apartheid social interne et externe : xénophobie d’Etat, Europe forteresse, précarité, gestion différentielle des populations, le sécuritaire, la force de l’ordre, l’ennemi intérieur, ...
A la fois un résultat du fonctionnement spontané de la société et d’une volonté de gestion différentielle. Société de contrôle, surveillance dans un contexte ouvert, à la différence de la société disciplinaire qui était fondée sur des ensembles clos : caserne, usine, école, hôpital, …
Les chiffres de la pauvreté peuvent expliquer pourquoi il faut surveiller et encadrer une partie de la population. En 2011, 8,7 millions de personnes, soit 15% de la population, vivaient sous le seuil de pauvreté qui est officiellement de 877 Euros par mois. Le nombre de pauvres augmente d’année en année, l’écart entre les riches et les pauvres s’accroît. En 2012, le nombre de foyers percevant le Rsa est de plus de 2 millions, 6 millions de personnes sont concernées par ces aides. Le Rsa c’est 480 euros mensuels par adulte.
D’autre part, un des effets de l’apartheid social c’est le nombre de gardes à vue, il s’élève à environ de 100 000 personnes par an, si on inclut les délits routiers ;
Le maintien d’un régime disciplinaire dans une partie de la société continue : 67 000 personnes en prison, 78 000 personnes purgeant des peines de probation et 10 000 personnes condamnées à porter un bracelet électronique.
Parmi les méthodes de l’apartheid social, la plus visible est la domination policière, en particulier c’est la répression exercée par des corps de police spécialisés avec les techniques proactives : les “ Bac ” et “ La force de l’ordre ” cf. le livre de Didier Fassin. Les Bacs ne sont pas là pour résoudre un problème de sécurité, mais pour être la force de l’ordre social, pour son maintien.
De plus, toutes les luttes ou révoltes sont contenues et réprimées par les Crs ou les Gardes mobiles. Il est de plus en plus difficile d’occuper un lieu plus de deux heures. A chaque fois, si on ne quitte pas les lieux calmement, on prend des coups. On se fait aussi brutaliser souvent quand il n’y a pas d’incident, nous sommes qualifié-es d’être violent-es quand on se fait cogner et maltraiter, ce constat tend à se répéter régulièrement.
La seconde méthode concerne les différentes facettes du contrôle social administratif : les politiques de l’individu où les usagers sont vus comme des fraudeurs potentiels. Une évolution récente dont la violence est systématique.
Dans la situation de restrictions budgétaires, les allocataires des aides sociales tendent à devenir des fraudeurs a priori. La question des “ trop-perçus ” ou “ indus ” est devenue une question très sensible. L’arrêt des versements est immédiat. Les personnes se retrouvent sans aucun revenu et doivent attendre deux mois pour que le dossier soit étudié et qu’ensuite, si tout est conforme, les paiements puissent reprendre.
Ce n’est pas une mesure policière ou juridique mais une mesure administrative appuyée sur des logiciels et le croisement des fichiers qui font ressortir régulièrement les dossiers à contrôler. L’application de la réglementation est intégrée à la technologie informatique. La violence et l’efficacité de cette méthode sont redoutables. Une des conséquences c’est l’immolation par le feu de chômeurs, le mal-être et le suicide de salarié-es de ces organismes. Pôle Emploi est à cran, mais on ne change pas les règles à la source du problème, on renforce simplement la surveillance et la répression dès l’accueil dans les Ccas, les Cafs, Pôle-Emploi,etc.
Le présupposé c’est que si l’individu est en difficulté, c’est de son fait, il faut alors le booster, c’est ce que recouvre la notion de « politiques de l’individu ».
La précarité tend à se généraliser ave un turn over dans les emplois mal payés : nettoyage, bâtiment, hôtellerie restauration, grande distribution, maraîchage, …
La xénophobie institutionnelle, le mal logement, la séparation pour les banlieues participent de cet apartheid social.
Sont concernés les groupes sociaux dits « à problèmes » :
- La France de la « diversité », « les minorités visibles », les réfugiè-es, les sans-papiers, les immigré-es, les enfants d’immigré-es avec la question combien faut-il de générations pour être considéré comme intégré : une, deux trois générations ?
- Les Manouches, les Roms, …
- Les handicapé-es, les cassé-es de la vie, …
- Les radicaux, les gauchistes en tout genre, les anarchos-autonomes, les squatteurs, les habitants des logements non standard : tipis, yourtes, …
- Les chômeurs et chômeuses, les précaires au Rsa, …
- Les délinquants avec l’enfermement disciplinaire sous toutes ses formes, en général en laissant les délinquants financiers agir, la définition des illégalismes est toujours en débat, …
- Les usagers de substances illicites comme le cannabis. Par contre, la cocaïne et l’ecstasy c’est pour le show-biz ou les acteurs du monde des affaires et des grandes sociétés du Cac 40, là la répression de l’usage reste exceptionnelle … L’addiction généralisée au consumérisme et au système médiatique, elle, est encouragée sous toutes ses formes. C’est une façon de prendre l’existentiel humain dans les filets du système.

III / les 3 écologies de Guattari

1 / L’écologie comme rapport à la nature, écologie au sens classique, écologie environnementale, le productivisme enchaîne et domine les humains et les animaux, il les maltraite et détruit la nature. L’humain et la méga-machine continuent de vouloir se rendre maîtres et possesseurs de la nature sans se soucier des conséquences en espérant que la techno-science trouvera des solutions.
De plus, si tout se recycle, il n’y a plus de problème, le capitalisme vert est une bonne solution pour le développement durable du capitalisme. La montée en puissance du capitalisme vert montre une nouvelle fois la souplesse, la diversité et l’adaptabilité du capitalisme. Ce qui est assez inquiétant, parce que la solution technique du recyclage généralisée va certainement bloquer la nécessaire prise de conscience collective pour changer l’organisation de la société et remettre en cause le productivisme et permettre à le fuite en avant de continuer.

2 / L’écologie sociale et politique, écologie comme rapport des groupes sociaux entre eux, exploitation et domination sont la règle, de nouvelles modalités apparaissent sans arrêt. Une façon de parler de la lutte de classe, de l’exploitation et de la domination comme un système écologique, qui prend en compte des relations entre les différents éléments de l’ensemble et de considérer le social comme le milieu vivant des humains. Cet écosystème social et politique étant basé sur l’exploitation et la domination, il y a des groupes sociaux qui vont bien et d’autres qui sont maltraités, c’est structurel.

3 / L’écologie comme rapport à soi-même, écologie existentielle. Écologie subjective, la subjectivité est intégrée au capitalisme par le travail, le projet, la consommation, le spectacle, internet et les Ntic : Facebook, Twitter, les smartphones, … À chacun son petit ordinateur relié au réseau mondial qui nous intègre au capitalisme de l’immatériel et qui permet également de nous surveiller très facilement, …
Cette modélisation montre l’importance de ne pas séparer les 3 sphères : nature, société, et subjectivité. Guattari parlait de CMI : Capitalisme Mondial Intégré dès les années 80. Cette notion de Capitalisme Mondial Intégré permet de comprendre que la captation de l’existentiel fait partie de la grande machinerie capitaliste.
Ce modèle fonctionne bien puisque le capitalisme joue sur ces trois plans en même temps et que nous non plus nous ne pouvons pas les dissocier dans notre action.

IV / L’articulation de l’œil, le désir et le logos (raison, discours et logique). Modèle personnel

L’œil :
L’œil des médias qui nous regardent, qui transmet la norme.
L’œil de la construction du monde avec les images et le langage.
L’apparence, la bonne image, le spectacle.
L’œil sur nous-mêmes, les autres.
L’œil pour être séduit et séduire.
L’œil qui comprend vite le langage corporel, le rapport de force.
L’œil de la surveillance et du contrôle, des dispositifs humains et techniques qui font que l’œil est partout : vidéo-surveillance, fichiers informatiques, traçabilité, cartes bancaires, téléphones portables, biométrie, puces en tout genre, etc.
L’œil pour se rendre visible, pour être présent-es dans la sphère publique, pour faire apparaître l’intolérable ou ce qui est invisibilisé.
L’œil pour observer nos adversaires, donc pour voir et se faire voir.

Le désir.
La captation du désir pour faire acheter. Les promesses de plus-value existentielle par le marketing et la publicité. La marchandise et le spectacle qui nous valorisent, qui créent des communautés, …
Le désir inclus via le projet partout notamment au travail par l’implication subjective dans le projet.
Le désir d’avoir une bonne image de soi, d’être utile socialement.
Le désir de dominer, le désir d’exploiter.
Le désir de jouissance, le désir de posséder et de “ n’en rien vouloir savoir ” des conditions de possibilités et des conséquences, ce qui aboutit à une sorte de perversion sociale.
Le désir de sens, le désir de trouver sa place et d’adhérer à un discours. Donc, inventer sa place avec les mots et les activités qui vont avec. Cela revient à construire sa soumission comme sujet en étant créatif, intelligent et libre, mais inclus dans la méga-machine et en lui fournissant de nouvelles modalités de développement.
C’est une articulation du relationnel comme rapport de force au désir productif via l’existentiel.

La raison, la logique et le langage : le logos.
La LQR, maîtriser les mots pour construire le monde, pour effacer les conflits liés à la lutte de classe.
Le logos pour le bénéfice de Google et des autres, le capitalisme linguistique ou sémantique.
Le langage pour obtenir le consentement.
La raison et le logos pour les textes législatifs et réglementaires.
La raison administrative, l’institution et ses discours, ses niveaux hiérarchiques, la distribution des places, sa langue de bois.
La raison pour organiser, rationaliser partout.
Le paradoxe de l’appel permanent à la raison dans l’ensemble irrationnel et chaotique.
La raison dans un système peu rationnel, la recherche du profit joue contre la raison, la concurrence qui détruit les industries et les administrations utiles au bien commun. Le chaos est inclus dans le capitalisme, on ne peut y échapper. La gestion propre et rationnelle est une illusion rassurante.
La science comme discours et orientation de la recherche, la technique appliquée au social, Les experts qui ont le savoir et qui nous disent comment vivre, les solutions de nos problèmes seraient techniques ...
La raison instrumentale, la raison technique et le système machinique.
La raison comptable, la raison pour faire du profit.
La raison pour gérer, contrôler, surveiller, pour inventer des dispositifs, des systèmes techniques, des interfaces hommes / machines, ...
Le discours et la raison pour aménager, pour penser le développement, se projeter dans l’avenir, les mots et le capital symbolique pour dominer.
Exp : Nantes, sa métropole, sa culture, son écologie, le label vert de Nantes Capitale Verte au niveau européen. Les politiques ont une place, clé parce qu’ils sont le maillon indispensable entre la collectivité humaine et le capital financier comme Bouygues et Vinci (nouvelle prison pour le premier et projet d’aéroport pour le second et l’immobilier pour les deux). Comment comprendre ce label Nantes Capitale Verte, alors que le projet pas écologique du tout de construction d’un second aéroport est prévu très prochainement ? C’est un jeu de langage postmoderne, où la dénonciation de l’hypocrisie n’a quasiment aucune efficacité face à la communication spectaculaire.
La recherche de renforcement pour faire face à la concurrence entre les régions au niveau de l’Europe et dans le capitalisme mondial. La métropolisation cf. Lille, St Étienne, Montpellier, Marseille, Caen, Nantes, Lyon, Paris, etc.
La métropolisation rime avec gentrification, c’est un réaménagement, une recomposition, une déconstruction et des reconstructions.
Il y a bien un débat au sein des opposants à ce projet d’aéroport. Europe Ecologie les Verts soutient officiellement la lutte anti-aéroport, mais illes ont choisi de participer à la gestion de Nantes Métropole. L’aéroport de Notre Dame des Landes est prévu pour être l’aéroport de la métropole nantaise. Le soutien et la participation à la métropolisation revient à soutenir le projet d’urbanisme lié à cette construction, c’est une contradiction que nous ne pouvons accepter.

« Mais, il n’y a rien de nouveau dans ce que tu racontes ! Qu’est-ce qui est nouveau ? 
L’emprise sur l’être humain, c’était déjà le cas avant. »

Oui, c’est exact l’emprise sur les humains n’est pas nouvelle et l’esprit est mobilisé depuis longtemps dans le fonctionnement capitaliste, à la fois par le dressage comportemental et par la diffusion de l’idéologie qui se doit de transmettre les idéaux au logis. Il ne s’agit donc pas réactiver le faux débat sur le dualisme entre le corps et l’esprit. C’est l’utilisation de la liberté et du mental pour dominer et exploiter qui a évolué.
Aujourd’hui, les humains sont déclarés libres, c’est la différence avec XIXème siècle disciplinaire ou le moyen âge, moment où toute la vie était réglée par la religion. C’est l’adhésion, l’intégration qui s’est approfondit :
- dans la consommation notamment, c’est également le cas pour le calcul des droits : chômage, Rsa, retraite, …, nous sommes invité-es à devenir des acteurs et actrices du système,
- cela mobilise l’image se soi dans la société et le système relationnel subjectif, la notion de projet et l’implication subjective sont de chevaux de Troie du capitalisme, l’idée de liberté est rarement mise en cause,
- on peut voir cela comme un passage du collectif à l’individuel, où c’est la nouvelle norme “ gérer sa vie ! ” qui prévaut,
Il s’agit bien de “ l’évolution du capitalisme ”. Ce n’est pas un surcroît de religiosité, ou un chemin vers la spiritualité, mais un parcours vers une plus grande captation, une insertion de la subjectivité dans le capitalisme et cela concerne tous les affects et le mental humain. Lors de son étude sur la mise en place du capitalisme Foucault parle « des moyens du bon dressement » des humains, à l’époque il s’agissait principalement du dressage du corps. La domestication est toujours à l’ordre du jour, maintenant il s’agit plutôt de la subjectivité dans toutes ses dimensions.
Le machinisme a évolué vers une informatisation généralisée de la société. De nombreux processus sans sujet se sont développés comme le Trading haute fréquence. C’est ce qui se passe avec l’emploi des drones pour faire la guerre par les Usa va dans ce sens, cf. le livre de Grégoire Chamayou, “ Théorie du drone ”, éditions La Fabrique.
Dans nos pays, le travail immatériel prend de plus en plus de place et concerne de plus en plus de personnes, parmi celles qui ont un travail stable. Ce phénomène concerne également la militance où l’existentiel est fondamental, comme la recherche d’une place et d’une bonne image de soi.
Le profit lié à l’économie de l’immatériel, dont fait partie le capitalisme financier, devient très important, par exemple :
« La marque à la pomme a annoncé avoir vendu plus de 9 millions d’unités de ses Iphones 5s et 5c, seulement trois jours après leur lancement. Ce chiffre record dépasse largement les prévisions des analystes. » Source du 24 09 2013
http://www.lerevenu.com/bourse/actualites/valeurs-en-vue/2013092452414a726dd14/apple-le-nouvel-iphone-bat-tous-les-records
L’organisation est elle-même facteur de productivité comme le flux tendu et la notion de projet.
Ceci ne veut pas dire que le travail des corps a disparu, les ouvrières et ouvriers sont toujours là, leur travail utilise souvent des systèmes machiniques sophistiqués, mais il existe des secteurs où le travail n’est pas informatisable : le maraîchage, le nettoyage, le bâtiment, l’hôtellerie restauration, les services à la personne, une partie de la grande distribution, etc. et là c’est la précarité qui gagne, puisqu’en général les salariè-es n’acceptent de travailler dans ces secteurs que contraint-es.
Tous ces changements ont une incidence sur nos modèles d’analyses, nous devons y intégrer la domination mentale et l’exploitation de l’immatériel, dont la base est l’intégration de la pensée dans les machines.
Ce qui a changé ce n’est pas la prise de tout l’être humain par le capitalisme, mais la manière dont cette captation s’opère. Le capitalisme se complexifie, le poids du capitalisme financier est dominant, l’utilisation des humains a tendance à évoluer du corps à la subjectivité toute entière et l’apartheid social gère la séparation entre les classes sociales.
D’un côté, le capitalisme attaque la vie humaine et la nature, d’où ses choix en terme de partenariat public privé ou de concession comme chez Bouygues et Vinci et, de l’autre, tout doit être vu sous l’angle de la gestion, nous devons gérer notre vie, où nous sommes devenu-es du capital humain, exit la force de travail.
Si nous critiquons l’individu, c’est surtout celui qui se croit libre, ce qui est caractérisé comme le mythe de l’individu, c’est l’individu produit par la méga-machine, c’est l’individu conforme qui ne met pas en cause les illusions véhiculées par le capitalisme postmoderne qui nous pose problème. La base de la critique ou de la non reproduction, c’est toujours l’individu, la personne, le sujet, même si l’emploi de ces différents termes provoque des débats. Si c’est l’individu qui reste important, c’est celui qui questionne les injonctions contemporaines sur la gestion, sur la jouissance consumériste et nous savons également que nous n’avons aucune garantie.
Notre conclusion : le capitalisme contemporain est une biopolitique qui prend toute la vie et par voie de conséquence notre militance également, puisqu’il faut beaucoup d’énergie pour vivre sans être tout le temps dans la reproduction et l’extension du système, nous sommes donc dans le cadre d’une autonomie fragile et limitée qui a besoin de la critique pour exister.

Philippe Coutant, Nantes le 7octobre 2013