Avant l’excommunication

, par Cédric Cagnat


Ça faisait une paye que mon pote Philippe Roy m’avait mis au jus. Sur le programme qui se manigançait. Cogiter à plusieurs sur les « philosophies plébéiennes » et comme quoi ils étaient en train de fabriquer un Centre là-dessus. Lui et d’autres habitués des méninges au turbin. Pros dans les complications du ciboulot. Il m’a demandé Philippe si ça me disait de participer et j’ai dit oui. Que ça pouvait être chouette. Alors plus tard quand il a fallu que je trouve quelque chose à raconter pour aujourd’hui ma première idée ça a été de ressortir tous les papiers rapport à ce projet de Centre que j’avais déjà imprimés avant de m’y mettre sérieux. Il y avait d’abord le texte d’Olivier Razac. Une sorte de manifeste qui explique ce que c’est ces histoires de philosophie plébéienne. Et puis pas mal de courriers électroniques, des commentaires du manifeste qu’ont fait les copains et les copines qui participent au groupe et quelques discussions qu’ils ont eues entre eux. Il y avait des textes d’Alain Brossat aussi que j’avais dégotés sur le site Ici&ailleurs et mis de côté parce qu’ils parlent pile poil de la plèbe et des plébéiens et puis ce qu’ont écrit Philippe Roy et Alain Naze sur le dernier bouquin de Brossat encore. Un livre qui tripote les mêmes questions et pas qu’un peu. J’ai tout lu et ma foi c’était pas désagréable. Au début bien sûr je voulais surtout me mettre en appétit. Arriver à savoir à peu près leurs opinions et leurs intentions aux gens du Centre. Voir si au moins je me sentais d’humeur kif-kif en gros. Mais c’était encore plus pour chercher ma sauce à moi sur ce que je pouvais dire comme inventions. Et pourtant j’arrivais pas à décoller de ce que j’avais sous les yeux. Plein de tracasseries qui me retenaient dans ces fafiots. Des certaines que j’avais l’impression de comprendre de traviole, d’autres que j’avais tout compris mais qui abondaient pas dans mon avis et puis du baragouin en pagaille qui partait dans tous les sens contraires. Dans un sens ici dans l’autre là tout à l’opposé. C’est pour ça que j’ai décidé de rester sur ces papiers et d’y remuer ce qui va et ce qui va pas ensemble et pour que ceux qui sont juste là pour écouter puissent savoir l’histoire comment tout ça s’est goupillé petit à petit. Vous allez voir qu’ils se grattent pas pour y mettre chacun sa fantaisie dans leur marotte à tous : la plèbe ! Rien à voir presque les uns les autres. Ils s’en foutent de pas être d’accord on dirait et que c’est même tant mieux pour pas faire comme les bourres et les culs-bénis et les richards avec leur pignon sur rue qui sont toujours bien du même tonneau correct pas un pli et rien qui dépasse. C’est qu’il faudrait pas virer troupeau ! On verra bien. Mais il y a le risque qu’on soit refait dans l’autre sens ! Comment ça va se passer si il reste que dalle dans le pot commun ? En termes de gamberge je parle... Ça serait exagéré ! La séance pas fameuse. Un coup à retourner chacun dans ses pénates sans avoir rien ramassé comme bonne idée. Pas joye en plus à remâcher les deux jours et quelques foutus en l’air et pas de revoyure à l’horizon. Peut-être même les engueulades fatales ! Jusqu’à en virer deux trois !

Dehors les moutons galeux ! Allez voir chez les patriciens si j’y crèche ! Les plébéiens qui se mettraient à ostraciser comme les curetons ! Tout à l’envers qui fout le camp ! J’aime mieux pas y penser... Mais ça ira sûrement pas jusqu’à là. Parce que c’est pas si grave finalement les problèmes qu’on cause. Ça vaudrait pas le coup. On doit le sentir comme ça au fond. Les gens ils s’engueulent pour de vrai que quand on touche au porte-monnaie. Là ils deviennent féroces... Sur le reste on peut toujours s’entendre...On repartira encore copains... Probable...Alors. Le texte de Razac en preum’s. C’est moi qui décide un peu au pif. J’aurais pu attaquer par un autre bout. Les textes de Brossat par exemple vu que ça fait des berges qu’ils existent. Mais c’est bien à partir de Razac d’après ce que j’en sais que l’idée du Centre a commencé à se pointer et qu’on s’est mis à tailler des bavettes. Ce texte il commence par agonir une certaine manière d’agitation du bocal. Pour bien insister qu’on a rien à voir avec ça et expliquer pourquoi. D’emblée il trace la ligne en remettant le couvert avec le partage des Romains. Les vieux d’avant. La plèbe d’un côté les patriciens de l’autre. Même si c’est plus pareil il y a encore quand même ceux qui commandent et qui font les marioles à la télé avec tout le pognon et des gratte-papier guignols, des Frickelkraut et des Bléachèles pour dire comment les gens doivent gamberger et quoi. C’est le signe pour les reconnaître. L’engeance et leur philosophie. Ils font les chefs. L’autorité, Môssieur. Celle qui a pas besoin de forcer les foules. Tout le monde pressé d’obéir... Pas de bâton ! Juste parce qu’on nous a appris à être d’accord sans rechigner. D’un bout à l’autre. On a bu la soumission avec le lait de la darone. Bénis oui-oui de souche ! Ah ? Et en quel honneur ils se fardent commandants dans la haute ? C’est Razac qui les engueule... Ils ont mis le bon dieu de leur côté. Copains comme cochons. Pas à chipoter. Grandes orgues et tralalas descendus tout droit du ciel. Rien à redire ! Au pas camarade ! On suit la cadence ! Réglée recta depuis la saint-Glinglin ! Gloire aux ancêtres ! C’est comme ça... Pas de question. Et vous les avez vus ? Fieffés crâneurs ! Ils se la jouent noblesse oblige et plastrons qu’il enrage, Razac. Plein la vue ! Majesté bien en évidence. Pas le tout-venant attention ! La cuisse à Jupiter ! Et qui porte beau ! Parfumé ambroisie le foutre au daron. Ça en impose ça ! C’est la cause qu’ils marchent au pas les pas grand-chose. Tout éblouis de superbe les comptés pour rien. Et tout pareil leurs scribouillasses savants péroreurs. Aux commandants. Du kif au même les nantis enculeurs de mouches squatteurs de télévision et nababs décorés amphithéâtreux ! C’est ceux-là que Razac il abomine à vomir. C’est eux le coup de main aux cagots. Les toges ! Tromblons bigleux barbus ! Grigous à diplômes qui ânonnent la vérité vraie sur la place des gens et des choses... Il faudrait voir à arrêter de se faire piétiner les arpions nonobstant ! Apprendre à plus gober tout ! Pas rester dindons ! Gamberger droit sans le toutim pré-mâché ! Comme des grands. Plus attendre le nan-nan. Quoi ? C’est grand-papa qui l’a dit ! Pas touche !... Fini ça ! Qu’est-ce qui se passe là. Sous les mirettes. C’est ça qui turlupine maintenant. Au boulot ! On se magne de lui repenser la ganache au monde ! La bouille retapée du train-train des choses ! Plus de c’est normal qui tienne ! Varier les manigances... Tenter des bafouilles pas rebattues. Et la frime aux oubliettes ! Terminée la palabre costume trois-pièces ! Le papotage queue-de-pie ! Déboutonnés ! Détendus ! Pas besoin de savoir où on atterrit. Et on a le droit de se marrer. Tout le contraire, quoi ! Vous cogiterez plébéiens ou pas du tout... Voilà le topo. Seulement le décor en vrac à gros traits... Razac rideau pour l’instant. En attendant chose promise due. Chez Brossat c’est pas la même. Un peu plus coton d’aller pêcher la description nette... Déjà c’est pas souvent qu’il fulmine. Le ton pas pareil. Tout en dents grinçantes subtil par-dessous des rictus qui taquinent amer... Genre foutage de gueule en douce. Il en tire plusieurs des portraits de son plébéien... Ça tangue jamais définitif d’un côté l’autre... La plèbe elle a l’ubiquité facile. Faut voir la galerie qui squatte ses bouquins au Brossat ! Sans compter ceux et celles qu’il dit pas noir sur blanc mais qu’on subodore... Qu’on se doute qu’ils iraient bien dans l’ambiance... Que ça collerait au paysage... Des rombières à la fête... Ratiboisées rasibus d’avoir bécoté le fridolin... Place publique ! Sous les rigolades ! Des barjos pas soignables hallucinés de la parlotte et toxicos cramés et clodos en cohorte rubiconds poisseux des trous plein les godasses le froc souillé chiasseux et le paletot qui coince rance ! Des assassins en gueule édentée ramassés au caniveau... Râclures de cagouinces abjects ! Tout ça à battre le pavé ! Les masses grondantes tirées au fusil des poulets ! Canaille à vacarme ! Des taulards pas bienvenus... Barbus fêlés métèques... Travelos ! tapins camés !... Des romanos et d’autres cosaques qu’on ramène pas au bercail du populo ! Qu’on bourre pas illico dans les cases au père Karl des prolos avec leur programme bien léché convaincus tout remplis d’apocalypses certaines !... C’est sûr c’est pas la même que les profs à Razac... Même bien en colère qui récalcitrent à fond... Même factieux en plein... C’est peut-être pour ça qu’il demande, Brossat... D’emblée qu’il s’interroge... Je dis peut-être ! Je veux pas mésinterpréter... Si on serait pas un peu gonflés nous autres... C’est écrit tel quel !... Dans les papelards !... Les courriers qu’il envoie aux copains !... Si on aurait pas bonne mine à s’intituler plébéiens nous qu’on a de l’éducation et qu’on est bien payés... Sur le site ! Vous avez qu’à aller voir... Devant tout le monde !... Vous pouvez y aller... C’est que la plèbe il l’envisage plutôt comme ceux-là qui ont nib... Que dalle ! Pas de drapeau pas de maison pas d’alloc ou juste un peu de tout ça juste pour la survie... Pas plus... Et encore... Et surtout moins que tout la place où déballer leurs discours... Aphasiques... Muets même. Ou qui gueulent leurs griefs dans le vide complet !... Alors que nous on colloque ! On séminarise à tout va ! A grands coups de subventions en veux-tu en voilà ! Dans des draps propres en plus... A s’en faire péter le bide !... Nous cartes de crédit et vacances à la mer ! De la culture plein les poches et tout, nous... Mais faut pas croire ! Razac il l’attendait celle-là. Déjà dans le manifeste il avait prévenu. C’est pas une affaire de blé. Ceux qui sont blindés ils ont pas le temps de philosopher patricien. Y en a d’autres qui font le boulot à leur place et des fois ils ont pas un radis !... Comme quoi ça veut rien dire... Dans le même genre, rebelote quand il a fallu qu’on se présente sur les plaquettes... La pub pour le colloque d’aujourd’hui... Les plébéiens sur-diplômés ça le fait ou pas ? Encore Brossat qui sème son bousin. On a dû décider... Philosophe pas philosophe ! Enseignant ? Chercheur ? Enseignant chercheur ? Écrivain ! Auteur ! Maître ! Centimètre ! Professeur machin et tutti quanti ? Si tout le monde croit qu’on est n’importe qui personne va venir... Les petits fours à la poubelle... Mais si on excipe de trop ça va pas coller... Accusés qu’on se la pète pour des plébéiens... Le dilemme... C’est dans la petite histoire ça aussi... Celle que je voulais vous raconter... Qu’était annoncée... Qu’est-ce qui s’est passé encore ? Je parle pas de la bisbille sur le rapport entre les idées et les gesticulations dans la politique pour de vrai parce que Philippe va vous faire un topo là-dessus. Voilà. Après, très rapidement ça a été surtout des courriels pour dire de quoi on allait parler tous. Et puis sur l’organisation les disponibilités la date du colloque et puis du séminaire qui est devenu plus tard "ateliers" au pluriel. Sur l’administration la promotion et la budgétisation... Etc... Alors je crois que j’ai bientôt fini... Je vais juste terminer en remerciant : le ministère de la Culture qui a attribué le label ethnopôle à l’ensemble du projet "Pays de Courbet, pays d’artiste" ; le conseil général du Doubs (CG25) qui a porté ce projet et va me rembourser mon billet de train grâce aux subventions culture attachées à l’ethnopôle versées annuellement sur programme ; l’administration du musée Courbet qui gère l’aspect financier du Centre dans le cadre de son fonctionnement administrativo-financier ; et enfin Gustave Courbet de s’être laissé labelliser. Merci bien de m’avoir écouté.