De la défection

, par Alain Brossat


L’avantage de n’avoir plus aucune réputation à perdre - le mien, donc - , c’est de pouvoir énoncer tranquillement ce genre d’énormité : le plus grand traité des Ages classique et moderne réunis, en Occident, ce n’est pas le Léviathan, ce n’est pas Le contrat social, ce n’est pas davantage L’esprit des lois - c’est Instructions aux Domestiques de Jonathan Swift, 1725 (1).

Cet ouvrage conduit de bout en bout de ce ton pince-sans-rire qui est la signature de Swift est un impeccable traité de défection adressé à l’armée anonyme autant qu’innombrable des serviteurs de toutes catégories. Un traité de résistance d’intensité variable à l’autorité des maîtres et à leurs ordres. Les conditions d’un soulèvement ou d’une insurrection n’étant pas remplies, la fragmentation de la catégorie des serviteurs de maison en maison ne se prêtant guère aux grandes entreprises collectives et aux coalitions de forces, c’est une insoumission subreptice voire sournoise mais ininterrompue que préconise Swift. La durée en est l’élément, la constance la modalité subjective. Les moyens de la résistance sont obliques plutôt que frontaux. Il ne s’agit pas de se rebeller, de refuser d’exécuter les ordres, de défier l’autorité du maître, mais plutôt de se dérober autant qu’on le peut, de ne pas entendre les ordres, de traîner, oublier, faire les choses à moitié, cultiver une perpétuelle rétivité - mais qui n’expose pas celui qui la pratique à la colère du maître et à des représailles vives. Exemple : « Ne venez jamais que vous n’ayez été appelé trois ou quatre fois, car il n’y a que les chiens qui viennent du premier coup de sifflet ; et quand le maître crie : qui est là ? ; aucun domestique n’est tenu d’y aller ; car qui est là n’est le nom de personne (2) ».

Les Instructions sont un traité de désobéissance et d’insoumission à l’usage de ceux et celles qui ne sont pas en situation de secouer impétueusement le joug des maîtres et de faire valoir les conditions de l’égalité – c’est dire si elles nous sont précieuses en ces temps d’eaux basses de la lutte pour l’émancipation ; dans ce présent où l’arrogance des patriciens s’affiche sans réserve. C’est un traité de longue patience aussi, à l’usage de ceux qui savent que l’inertie peut être, pour les humbles, une arme formidable, c’est un éloge de la stratégie de l’épuisement dans les conditions où celles de l’affrontement direct ne sont pas remplies – ne faites jamais que le strict minimum de ce qui est exigé de vous, et même un peu moins si vous pouvez, dépouillez le maître à loisir mais ne vous faites pas prendre, querellez-vous avec vos collègues autant que vous voudrez mais n’oubliez jamais que vous avez un ennemi commun - le maître - , ne ménagez aucun effet pour diviser l’adversaire en montant les familles auxquelles vous appartenez les unes contre les autres, sabotez le travail quand vous le pouvez, de préférence d’une manière qui discrédite ou ridiculise vos maîtres, rendez coup pour coup, insidieusement, à ceux négligent de vous graisser la patte, traitez sans considération la progéniture de cette espèce ennemie, etc.
Autant la circonspection, la dissimulation, la prudence doivent s’imposer dans la mise en œuvre de la résistance, autant l’horizon de l’affrontement est clairement désigné : celui d’une lutte infinie, inexpiable entre deux espèces ennemies. En témoigne distinctement ce conseil adressé à la nourrice : « S’il vous arrive de laisser tomber l’enfant et de l’estropier, ayez soin de ne pas l’avouer ; et s’il meurt, tout est sauvé ».

On remarquera que les « Instructions » de Swift nous incitent à nous situer au delà de l’opposition entre l’actif et le passif. Son texte n’est pas un traité de défense passive, purement passive, c’est un guide adapté aux conditions dans lesquelles les dominés ou, dans le vocabulaire de Foucault, les gouvernés sont pris dans des relations de pouvoir où tout un espace s’ouvre pour des contre-conduites ou pour ce qu’on pourrait appeler une politique implicite des corps indociles – mais où il n’est pas question de casser la machine de pouvoir, de rejeter en bloc la règle du jeu, de changer le régime même des relations entre maîtres et serviteurs. On peut dans une certaine mesure inverser l’énergie du pouvoir en rendant constamment litigieuse la relation de commandement, en faisant en sorte qu’une proportion variable des ordres donnés aux serviteurs aille se perdre dans les sables de leur inertie... Ce faisant, comme le dit Foucault, les corps indociles des serviteurs récusent l’utilité à laquelle les vouent les maîtres en tentant de les enfermer dans la discipline, ils résistent à leur devenir-utile, en se rendant aussi inutiles que possibles. Bien avant que le capital réclame des corps utiles et que les gouvernants fassent de la disponibilité de ceux-ci à leur « utilisabilité » une question de principe, une question morale, les maîtres d’Ancien régime cherchent à plier les corps subalternes au même règlement, en liant docilité et utilité. S’extraire de ce champ, y faire des brèches, chercher des lignes de fuite, faire défection – le programme ironique que Swift assigne aux serviteurs -, ce n’est pas simplement « réagir », c’est-à-dire adopter un comportement réactif qui demeure captif du diagramme établi par les maîtres, c’est bien faire des expériences avec la liberté.

Je fais ici référence à cette impeccable définition de la liberté que propose Rousseau à la Sixième promenade des Rêveries : « Je n’ai jamais cru que la liberté de l’homme consistât à faire ce qu’il veut, mais bien à ne jamais faire ce qu’il ne veut pas ». Ce qui caractérise le serviteur qui se défile, dénature la commande du maître, ce n’est donc pas qu’il est d’emblée « piégé » dans une relation monolithique et violemment asymétrique, mais au contraire qu’il peut multiplier les occasions d’expérimenter sa liberté et d’infléchir, ce faisant, le cours des choses. La liberté, dirait Foucault, n’est donc pas du tout en premier lieu ce qui a vocation à être institué et à se monnayer sans fin sous la forme de libertés particulières, entendues comme droits, mais plutôt ce qui n’existe et ne se « prouve » qu’en s’éprouvant – le fondement de la liberté, dit à peu près Foucault, c’est la liberté elle-même. Toute pratique de la liberté entendue en ce sens produit un trouble dans les relations de pouvoir et descelle le gouverné de la position qui lui est assignée par le gouvernant, elle le dés-assujettit et le déplace vers une autre position, une autre subjectivité aussi. Faire défection est donc, en ce sens, le geste même, le geste premier qui s’associe à la liberté.
Le jeu des gouvernants est habituellement de désigner la défection non pas comme un acte ou un geste mais comme un absentement coupable, entièrement situé du côté du manque, de la défaillance, de la paresse, de l’inconstance, etc. L’exemple classique et récurrent, c’est l’abstention aux élections. Mais c’est bien sûr une façon d’ignorer que celle-ci peut bel et bien, dans certaines circonstances, être, disait le militant marxiste et théologien de la libération colombien Camillo Torrès, « active, belligérante et révolutionnaire ». D’ailleurs, dans son roman en forme de fable ou d’apologue, La lucidité, le romancier portugais José Saramago imagine une situation dans laquelle les gouvernants doivent bien prendre acte de cette transfiguration du geste de défection – aux lendemains d’élections municipales où 83% des électeurs ont voté blanc.(3) Dans ces conditions, leur approche de la défection va se transformer complètement : elle cesse pour eux d’être un effet de l’inertie d’une partie des catégories populaires pour devenir l’effet incontestable d’un complot anarchiste, international de préférence. Dès lors qu’elle fait masse et apparaît comme relevant d’un dessein collectif, la défection prend aux yeux des gouvernants une tournure subversive. Tout rapprochement avec une actualité récente serait naturellement le fruit d’une imagination dévoyée.

Dans un passage tout à fait limpide du Livre premier de son Histoire des guerres civiles de la République romaine, Appien fait découler la naissance de l’institution des tribuns du peuple d’un geste caractérisé de défection. Je vous cite le texte en question : « Chez les Romains, le peuple et le sénat eurent de fréquentes altercations au sujet de la rédaction des lois, de l’abolition des dettes, du partage des terres et des élections aux magistratures. Mais ces altercations ne dégénéraient point en guerre civile. On n’en venait point aux mains (…) Dans une circonstance où l’on avait fait prendre les armes au peuple pour marcher contre l’ennemi de la république, il profita de l’occasion, non pas pour tourner ses armes contre ses oppresseurs, mais pour se retirer les armes à la main sur le mont qui prit de là le nom de Sacré. Là, sans se livrer à aucun acte de violence, il créa des magistrats spécialement destinés à veiller à la conservation de ses droits. Ces magistrats furent appelés tribuns du peuple. Leur principale attribution fut de mettre un frein à l’autorité des consuls, qui étaient nommés par le sénat seul, et d’empêcher qu’ils n’exerçassent un pouvoir absolu dans la république. Dès lors le sénat et le peuple se partagèrent entre les consuls et les tribuns. Cette division enfanta des rivalités, des animosités, des haines. Selon que ces magistrats prenaient le dessus les uns sur les autres, la prépondérance passait ou du côté du sénat, ou du côté du peuple »(4).
Bref la vie politique romaine se trouvait placée sous le signe de cette tension ou division perpétuelle dont Machiavel dit, dans les Décades, qu’elles furent le fondement de la grandeur et de la puissance romaines...
Gracchus Babeuf, dans son Manifeste des plébéiens, publié le 17 brumaire de l’An IV de la République, rappelle à ce propos que son propre journal intitulé Le Tribun du peuple, avait été, dès sa parution qualifié par ses détracteurs de « brandon d’anarchie et de pomme de discorde jetée parmi les patriotes », lui-même, son rédacteur, étant traité de « factieux, de séditieux, de perturbateur, d’agitateur », épithètes « prodiguées à tous les tribuns », et à lui particulièrement, « parce qu’il veut être ce qu’ils furent presque tous » depuis la retraite sur le Mont-Sacré, en passant par les Gracques...
Plus loin, dans le Manifeste, Babeuf décrit la sécession des plébéiens comme un véritable acte fondateur, faisant ce commentaire dans une note : « On ne célèbre ordinairement que deux Brutus, celui qui expulsa les Tarquin [dernière dynastie royale de Rome], et celui qui poignarda Jules César. Il est surprenant qu’on parle moins de celui qui, s’étant fait chef du Peuple au Mont-Sacré, obtint l’abolition des dettes, fit instituer le tribunat, et fit condamner Coriolan à l’exil »(5). Ce qui est important ici, c’est le rattachement de l’épisode bien connu du bannissement de Coriolan à la sécession des plébéiens. Coriolan, en effet, nous enseigne le drame de Shakespeare, c’est celui qui incarne du côté des patriciens la haine et le mépris de principe de la plèbe et la préconisation des moyens les plus violents pour la tenir en lisière. La dictature de l’aristocratie sur la masse populaire. Sa condamnation à l’exil marque ici une sorte de palier : non pas la disparition des préjugés des patriciens contre la plèbe, mais du moins la manifestation de la capacité de la plèbe à faire valoir son humanité et sa capacité politique contre l’acharnement de ce préjugé. Le Tribunat, pour Babeuf, quelle qu’en soit la forme, c’est ce qui permet de combattre « l’atroce barbarie », sans cesse renaissante, du patriciat. Et la menace d’une défection collective de la plèbe est l’un des moyens par lesquels celle-ci est appelée à lutter pour l’égalité (non pas tant celle des citoyens que celle des groupes –à montrer, donc, que les plébéiens sont les égaux, comme « espèce », des patriciens), ce qui fait de l’égalité un motif puissant aussi bien dans la lutte contre l’oppression politique que dans celle qui oppose les pauvres aux riches. Vers la fin du Manifeste, Babeuf a cette envolée : « Faut-il, pour rétablir les droits du genre humain et faire cesser tous nos maux, faut-il une retraite au MONT-SACRE, ou une VENDEE PLEBEIENNE ? Que tous les amis de l’Egalité s’apprêtent et se tiennent déjà pour avertis ! »

Comme on le voit bien ici, la défection peut se manifester sur un mode éminemment actif, mieux, elle déploie des puissances collectives. Si l’on partage le diagnostic selon lequel l’un des travers majeurs de la démocratie contemporaine est la perte de toute puissance d’agir (agency en anglais, c’est une notion que mobilise Judith Butler dans son Gender Trouble)(6) aussi bien individuelle que collective du côté de ceux que les uns nomment les citoyens, les autres la masse, les masses, d’autres encore le peuple, d’autres les gens , la multitude, la plèbe (etc.) (7), alors nous pouvons nous demander si la défection n’est pas l’un des moyens ou l’un des gestes par lesquels nous serions susceptibles de renouer avec cette puissance d’agir (qui nous a été confisquée, pour les uns, que nous avons abandonnée, pour les autres – les deux ensemble, selon toute probabilité).

L’une des critiques majeures que nous pouvons articuler à l’endroit de la politique dite gauchiste des années 1970 (révolutionnaire, avant-gardiste, marxiste-léniniste, trotskyste...) est la suivante : tout à son souci de composer une force qui compte, dans le but de briser le monopole des appareils réformistes sur la classe ouvrière et de préparer les affrontements décisifs avec la bourgeoisie, cette politique réinvestit, remet en selle, réintensifie selon ses modalités propres toutes sortes de gestes et de formes qui ont partie liée avec la domination et les pratiques de pouvoir de l’ennemi. Cette mimétique subreptice, inconsciente, est particulièrement à l’oeuvre dans les dimensions de l’organisation (la forme parti), la hiérarchisation (la constitution d’élites dirigeantes dans les partis révolutionnaires), les enjeux de sexe et de genre, la circulation du savoir et des connaissances, l’usage des disciplines, etc. Par bien des traits, les appareils politiques du gauchisme organisé sont des caricatures de ceux des partis bourgeois, dans la mesure même où leurs modèles institutionnels et organisationnels entretiennent une bien trop grande proximité avec ceux de leurs ennemis. Ce n’est pas par hasard qu’à l’heure où s’amorce le reflux de la vague gauchiste, dans les années 1980, nombre de cadres de ces micro-bureaucraties peuvent opérer leur reconversion dans les partis bourgeois ou les appareils syndicaux sans grande difficulté d’adaptation. Ce n’est pas par hasard si l’une des plus actives, de ces organisations, des plus aptes à fonctionner comme intellectuel collectif révolutionnaire, la LCR a pu, nonobstant toutes ces qualités, se transformer sans heurt en microparti croupion de la démocratie parlementaire lorsque le reflux de la lutte des classes dans ses formes post-soixantuitardes est devenu manifeste.
La « ruse de l’histoire », donc, qui était à l’oeuvre dans la configuration de l’après 68 où ces organisations et la mouvance très mobilisée qui l’entourait s’opposaient aux appareils réformistes et à l’autorité étatique, c’est que l’on avait là une situation de vive opposition, de division ouverte sur toutes sortes de plans et de fronts, une stasis tantôt ouverte, tantôt larvée - mais dans laquelle les gestes de défection étaient amplement neutralisés par tout ce qui était de l’ordre de la reterritorialisation des conduites dans des formes qui épousaient les schèmes du gouvernement autoritaire et disciplinaire des vivants – ordre, discipline, soumission à l’autorité des chefs, dogmatisme, division du travail, etc.

Nous devons donc aller jusqu’au bout, me semble-t-il, dans la critique de la relation qui s’établit ici entre les processus dynamiques de la composition de forces et l’annulation des capacités ou puissances défectives du mouvement. Nous devons concevoir que toute politique ne se réduit pas aux conditions de ce modèle guerrier selon lequel seuls comptent, au fond, les rapports de forces (ce qui est, parfois, la tentation d’un certain Foucault). Ce ne sont pas seulement les forces de l’ennemi qui doivent être combattues et défaites, ce sont aussi ses gestes et, avec eux, ses « raisons », les schèmes d’intelligibilité sur lesquels s’établit et selon lesquels se conduit sa politique.
Ce qui veut dire que nos propres gestes politiques doivent inclure perpétuellement le ferment critique, c’est-à-dire ce qui défait le geste de l’ennemi. C’est cela que j’appelle défection. Ce qui va permettre aux subjectivités politiques de se déprendre du geste de l’ennemi non pas seulement dans un jeu de forces (pouvoir/contre-pouvoir, pouvoir/résistances – Foucault), mais aussi en présentant l’envers du geste de l’ennemi, son point d’effondrement, en faisant apparaître la possibilité d’un extérieur irréductible à ce geste – alors même que le propre de ce geste, comme geste de gouvernement, comme geste hégémonique, c’est d’envelopper les sujets dans la croyance à l’absence de toute alternative, de toute position d’extériorité possible.
Si l’on veut passer du plan de la critique à celui de la prescription, on avancera, par exemple, le motif de la grève humaine. Ce motif, dans sa généralité, a pour but d’attirer l’attention sur le fait que la défection, comme geste politique, peut se décliner dans les domaines les plus divers. Elle va consister, pour un auteur qui voue à son travail un peu d’estime à ne pas paraître au stand de son éditeur au Salon du Livre, à ne pas faire de la figuration dans l’émission de télé de fin de soirée, mais bien à expérimenter dans d’autres lieux, sur un autre mode, d’autres relations avec des gens qui ne soient pas assignés à la condition de public, mais de discutants ou d’usagers de ses livres.
Elle consistait, pour quelqu’un comme Guy Hocquenghem, à chercher le point de rupture, dans des écrits que l’on pourrait dire d’exécration, de sécession ouverte, dans lesquels il prenait à parti les ralliés au temps de la restauration générale, à pratiquer une espèce de saccage axiologique d’une vivacité telle que la marque de l’insupportable serait fermement apposée par les vainqueurs provisoires de l’histoire sur son œuvre et ses conduites (8). Le geste de défection est au cœur de la façon dont Hocquenghem « publie » (rend publique) et transporte dans le débat public son homosexualité comme révolte ou insurrection de conduite. Inversement, on voit comment, au temps du mariage pour tous, l’écart, le jeu avec la différence, l’effet de scandale de l’homosexualité, comme domaine de conduite, se trouve annulé dès lors qu’elle vient se couler dans des gestes qui sont ceux-là même de l’institution sociale, familiale : le conjugalisme, la respectabilité, les droits liés à la condition, etc.
Dans l’affrontement de forme traditionnelle, les « raisons » de l’autre peuvent être respectées, son statut peut être reconnu. Ce sont des intérêts qui sont aux prises, des puissances qui s’affrontent, des jeux stratégiques. C’est le topos inépuisable des adversaires qui se combattent sans merci mais se respectent, comme dans La grande illusion. Des aviateurs de souche aristocratique, comme par hasard... La défection trouve sa place dans un espace tout autre : elle est animée, comme geste actif, par la conviction que l’emprise à laquelle il s’agit de se soustraire est mauvaise, que les raisons sur lesquelles se fonde la puissance dont il s’agit de se dégager sont mal fondées. La défection ouvre un « espace autre », elle est à ce titre intrinsèquement « hétérotopique », si l’on veut. Elle nous fait découvrir tout un monde qui est, précisément, le hors champ de cet espace dans lequel ce qui exerçait sur nous son emprise ou sa tutelle visait à nous enfermer.

Je vais essayer de donner une tournure plus pratique à ce raisonnement, à l’aide d’un exemple : celui de l’antimilitarisme dont je me suis beaucoup occupé à une certaine époque. L’antimilitarisme, surtout lorsqu’il est politisé, révolutionnaire, se manifeste par un certain nombre de gestes forts – la mutinerie, la fraternisation avec l’ennemi, le refus d’obéissance, le désarmement des officiers, la manifestation de soldats, etc. Lorsque ceux qui se sont dressés contre l’institution militaire, se sont rebellés (etc.) sont traînés devant des tribunaux militaires, une justice d’exception à la main lourde par excellence, comme André Marty, après les mutineries de la Mer Noire au lendemain de la révolution bolchévique, ou certains de nos amis après les manifestations de rue des soldats du contingent, dans les années 1970 (procès de Draguignan, 1975), ils profitent de la tribune que leur offre le procès pour dénoncer le fonctionnement de l’institution militaire, dénoncer les buts de guerre, critiquer le militarisme en général ; mais d’un autre côté, en termes de gestes, ils rivalisent de virilisme avec cela même qu’ils affrontent, ils ont à cœur de montrer qu’ils ne sont pas les lâches ou les tire-au-flanc que disent leurs juges, ils se conduisent face à ceux-ci, en hommes, en vrais hommes, avec cran, bravoure et abnégation. Leur défection est donc enveloppée dans ce geste viril qui les renvoie du côté de leurs détracteurs, ce qui a pour effet que leur procès est le théâtre de l’affrontement de virilités adverses.
L’an dernier a eu lieu aux Etats-Unis le procès d’un soldat américain, Bradley Manning, accusé par l’armée d’avoir transmis à Wikileaks plus de 700 000 documents confidentiels concernant notamment les guerres sales conduites par les Etats-Unis de parle monde, en Irak, en Afghanistan, etc. A l’issue de son procès, Manning a été condamné à 35 ans de prison et enfermé au pénitencier de Leavenworth, au Kansas. Quelques jours après que la sentence a été rendue, Manning remettait à son avocat le communiqué suivant, que celui-ci lut alors sur la chaîne de télévision NBC : « Je suis Chelsea Manning. Je suis une femme ». Il/elle ajoutait que, demandant à être appelé(e) désormais par son nouveau prénom, il/elle entendait passer « à la prochaine étape de sa vie », ajoutant : « Compte tenu de ce que je ressens et ai ressenti depuis l’enfance, je veux commencer un traitement hormonal dès que possible ». L’armée qui prendra en charge sa détention « ne fournit pas de traitement hormonal ou d’intervention chirurgicale de changement de sexe », a commenté un porte-parole militaire en réponse à cette annonce.
Le Monde (24/08/2013) qui annonce cette nouvelle ajoute ce commentaire : « La question de l’identité sexuelle de Bradley Manning, qui occulte désormais le débat sur son statut de « héros » ou de « traître », a été présentée en filigrane tout au long des audiences. Un expert psychiatre est venu à la barre affirmer que le soldat américain, âgé de 25 ans, souffrait de troubles liés à son genre. La défense avait d’ailleurs mis en avant cette fragilité, génératrice de stress et d’isolement, pour expliquer l’état d’esprit du jeune analyste du renseignement en Irak lorsqu’il avait contacté l’organisation de Julian Assange. Une photo de lui portant une perruque blonde et du rouge à lèvres, cliché qu’il aurait envoyé à son supérieur, a même été diffusée au procès et circule sur internet ».
Eh bien, il me semble qu’en faisant défection sur ce mode aussi radical qu’inattendu et inédit, Manning fait davantage qu’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de l’antimilitarisme – jamais geste aussi puissant et expressif n’aura été, dans les sociétés modernes, opposé au virilisme militaire. En opposant cette sorte d’innocence supérieure qui consiste à couper l’herbe sous le pied à ses détracteur en ripostant – « Mais je ne suis pas celui que vous pensez, je suis Chelsea E. Manning ! », notre mutant(e) invente un geste absolument inédit, et qui n’en a pas fini de creuser son sillon. Ni traître ni héros – juste une femme ! Essayez d’imaginer : si au lieu de se prêter, en grand uniforme, à la sinistre cérémonie de sa dégradation dans la Cour des Invalides, le capitaine Dreyfus s’y était présenté en robe à crinoline !
Le régime d’histoire dans lequel s’opèrent les gestes glorieux de l’antimilitarisme révolutionnaire est assez distinctement énoncé par le couplet de l’Internationale qui dit ceci : « S’ils s’obstinent, ces cannibales/A faire de nous des héros/Ils sauront vite que nos balles/Sont pour nos propres généraux », un couplet que les staliniens avaient mis en veilleuse et que nous, par conséquence automatique, entonnions avec d’autant plus d’allant lors des manifs du Premier Mai et autres. Un de nos plaisirs favoris, lorsque le mouvement antimilitariste était à son acmé, dans les années 1970, était de livrer chaque semaine au Canard enchaîné un document « confidentiel défense » que l’un de nos camarades appelé avait fauché dans le bureau du colonel dont il était le secrétaire, étant instruit et de bonne famille. Bradley/Chelsea Manning, lui, elle, a fauché, je vous le rappelle, 700 000 documents d’une tout autre importance (d’où la lourdeur de sa condamnation) et les a transmis à Wikileaks qui les a à son tour remis à tous les grands journaux de la planète, les a postés sur internet, etc. Autres temps, autre sphère communicationnelle...
Mais si l’on voulait jouer ici à « On connaît la chanson », histoire de rendre hommage à Resnais au passage, ce n’est évidemment pas dans le registre héroïque et guerrier de la chanson antimilitariste du XX° siècle qu’il faudrait aller puiser pour trouver la musique d’accompagnement adéquate à la geste du soldat Manning ; ce serait plutôt du côté de Sylvie Vartan et Sheila (une lesbienne notoire soit dit en passant), une chanson, donc, dont tous les vrais francophones de souche connaissent l’immense succès populaire : Comme un garçon. Comme un garçon, donc, je porte un blouson (militaire), comme un garçon, j’ai siphonné l’armée américaine de milliers de documents dans lesquels s’exposent ses turpitudes au cours des plus récentes de ses guerres asymétriques, comme un garçon j’ai été jugé pour haute trahison et jeté en pâture à l’opinion états-unienne, mais au fond, bien sûr, « je ne suis qu’une petite fille/et quand tu me prends dans tes bras/tu fais ce que tu veux de moi ».
Avouez que, dans le genre défectif, ça a tout de même une autre gueule que toutes ces histoires de cannibales et de pauvres généraux à aligner le long d’un mur...

Ce que je veux dire avec cet exemple un peu limite n’en est pas moins distinct : le Che et ses pires ennemis, ceux qui le tuent et exposent sa dépouille comme un trophée de chasse ont, en termes de gestes et d’imaginaire politique beaucoup plus en commun qu’ils ne l’imaginent. Le culte ampoulé du Che, avant qu’il ne se dissolve dans l’eau tiède du trafic juteux des reliques planétaire, porte la marque de ce virilisme outrancier qui masque mal les impasses politiques de cela même qu’il s’agit de célébrer (je rappelle au passage que lors de la crise des fusées de 1961-62, le Che et Fidel encourageaient Khouchtchev à prendre l’initiative – décisive – de la première frappe nucléaire sur les Etats-Unis, meilleurs disciples en l’occurrence de Truman que de Marx...) (9).
La « dérobade » de Manning, en forme de « mutation », signale la fin d’une époque des gestes politiques, elle en inaugure une autre dans laquelle l’affrontement, sans rien perdre ni de sa violence ni de son caractère inexpiable, va prendre une tournure beaucoup plus complexe et variée que dans l’époque antérieure, incluant désormais toutes sortes de gestes de dérobade, de soustraction, d’échappée, de rétivité, de désertion, de désaffection – bref toute une panoplie gestuelle infiniment plus complexe et diverse que ce que Foucault avait un peu facilement tendance, peut-être, à subsumer sous l’unique motif de la « résistance » - comment nommer par exemple sous ce signe la contre-conduite de ces jeunes Français ou Belges musulmans qui s’en vont subrepticement faire le djihad en Syrie ?
J’ai parlé de Bradley, j’aurais aussi bien pu m’arrêter sur Julian Assange ou Edward Snowden qui, surtout le second, me paraissent être, dans la dimension du « global » qui prévaut aujourd’hui, des défecteurs exemplaires de l’ordre mondial et de l’hégémonisme occidental, tout sauf des héros, à l’évidence, ce qui ne veut pas dire des figures dépourvues d’exemplarité. A nous d’identifier leurs équivalents plus près de nous, dans les luttes et les mouvements qui nous touchent de plus près, à Notre-Dame-des-Landes ou ailleurs.

La défection est un geste qui requiert des formes de courage, de vaillance, d’endurance (etc.) qui s’apparentent bien davantage à ce que Foucault nomme le courage de la vérité et qu’il rattache à la parrhèsia qu’au courage de type militaire qu’exaltent les films de guerre. C’est un courage qui suppose une autre sorte d’exposition : moins celle de l’intégrité physique, moins le risque de la mort que celui qui consiste à passer le test de l’autonomie du jugement : faire défection, même si c’est dans une démarche collective, c’est toujours faire prévaloir l’autonomie du jugement sur la loi, la norme sociale, l’opinion du plus grand nombre. Dans nos société, le courage de la défection, c’est celui qui consiste à résister à la pression pratiquement irrésistible, souvent, qui s’exerce sur le sujet, lorsque se forme un consensus compact sans délibération ; un rassemblement informe agencé par la conjuration de l’autorité politique, des médias, des innombrables relais intermédiaires et formant la pâte gluante de cette espèce de vox populi qui statue que, bien sûr, il faut que « nous » intervenions pour sauver l’Etat malien, que, bien sûr, la sortie de la crise passe par la reprise économique, que, bien sûr, il faut contrôler l’immigration, renforcer les moyens policiers dans les banlieues, etc. Le courage de la défection, c’est alors celui qui consiste à soutenir le regard de cette sorte de Méduse de l’opinion et à lui lancer en peine figure : « Eh bien non, je ne suivrai pas, je ne plierai pas (nous, aussi bien), nous t’emmerdons et nous persisterons à penser autrement et à nous conduire selon d’autres règles".

Toute la question demeurant pendante de savoir comment, à partir de là, le geste de défection peut s’articuler ou s’enchaîner sur celui de la recomposition d’une force – puisqu’en fin de compte, il faut bien, si l’on ne veut pas se contenter de crier dans le désert, songer à recomposer une force... Or, cette recomposition ne peut s’effectuer aujourd’hui que dans des conditions et à des conditions tout à fait inédites. Dans le cycle précédent et dont nous demeurons orphelins, notre politique trouvait ses assises dans des conditions d’appartenance avant tout. C’est ce que montre avec une force inégalée un film de lutte des classes comme Adalen 31 qui retrace cette longue grève des dockers suédois qui, réprimée par l’armée, déboucha sur l’accession au pouvoir de la social-démocratie, pour plus d’un demi-siècle. Les corps des grévistes endimanchés forment une totalité indissoluble lorsqu’ils marchent, précédés de leurs dirigeants syndicaux, encadrés de leurs banderoles, soutenus par leur fanfare, une totalité qui ne se dissout même pas quand les militaires commencent à la mitrailler. Adalen 31 (10) évoque un monde social, culturel et politique dans lequel chacun se sait destiné par ses conditions d’appartenance et où les subjectivités se composent et s’opposent selon des lignes de partage que même les polarités affectives (les amours d’un fils de prolétaire avec la fille du patron) ne sauraient faire bouger. Dans les années 1970, et quoique notre politique révolutionnaire fût en délicatesse et même en vive opposition avec celle des courants dominants dans le dit « mouvement ouvrier », notre auto-positionnement en tant que composante de celui-ci constituait le fondement premier de ce que nous percevions et définissions comme notre identité propre et la condition de possibilité même de notre combat – tout comme chez Descartes l’existence de Dieu est la condition de l’opération du cogito, et donc de la possibilité d’asseoir un discours philosophique sur un terrain solide.
Dans une époque nouvelle où cette assise historique (métaphysique, théologique ?) n’en finit pas de se dérober sous nos pas, c’est-à-dire où les conditions d’appartenance ne nous offrent plus aucune « garantie », ce sont les gestes qui, dans leur caractère performatif, en viennent à opérer les partages discriminants entre ce qui « troue la membrane » (11), présente l’égalité, réintensifie les enjeux de la communauté et ce qui apporte de l’eau au moulin des stratégies patriciennes.

C’est une épreuve terrible que celle qui nous est ici imposée – ne plus du tout indexer notre politique sur des conditions d’appartenance – au « mouvement ouvrier » et à son destin historique, au monde intellectuel et à sa supposée passion pour l’émancipation, à « la gauche » mariée au Progrès, aux Lumières et à la Démocratie, etc. Mais c’est dans cette épreuve même que s’ouvrent des espaces de pensée nouveaux, proprement inouïs : c’est dans cette brèche seulement que peut prendre tournure un énoncé aussi insupportable pour les gens de ma génération, mais pas moins véridique pour autant, comme celui-ci : dans un pays comme la France, aujourd’hui, la classe ouvrière en général occupe des positions plutôt réactionnaires pour tout ce qui concerne tout particulièrement les relations entre le capital et le travail : il est devenu courant en effet que, lorsqu’à l’occasion d’une fermeture d’entreprise, d’une restructuration industrielle, de plans de licenciements, etc., ceux que menacent ces décisions se manifestent spontanément comme « sujets » non seulement de leurs intérêts propres (leur emploi, leurs salaires, leur condition propre) mais tout autant de l’entreprise (sa viabilité, son utilité, sa qualité, etc.). Cette disposition est constamment relayée par les organisations dites représentatives (syndicats) qui s’activent, en cas de menaces de fermeture à démontrer que des « repreneurs » sont disponibles, que des alternatives industrielles et économiques au dépôt de bilan ou à la délocalisation existent – bref, qui entendent rivaliser de compétence avec les capitalistes incriminés – en se mettant, à rigoureusement parler à leur place.
Or, que peut-il arriver de pire à la classe ouvrière dont l’autonomie subjective face à la classe capitaliste constitue, selon Marx et les marxistes, la condition première de son émancipation, que de s’établir dans cette disposition où elle devient le ventriloque de son antagonique, ne cessant d’affirmer la parfaite compatibilité des intérêts du capital et du travail – que ce soit en matière de production automobile, d’abattage de poulets et de production d’acier ?
Cette colonisation de la subjectivité ouvrière par la subjectivité capitaliste et les intérêts qui la fondent, au temps de « la crise » (dont on voit bien ici le sens stratégique) vient couronner le long processus de son acclimatation aux conditions des modèles productivistes qui se sont imposés au cours des deux siècles derniers. Il est assez saillant que, sur ces questions décisives, où le courage de la vérité est appelé à se manifester par des gestes de défection forts, la dite « gauche de la gauche » demeure toute entière captive du geste opportuniste consistant à accompagner la plainte ouvrière énoncée aux conditions d’un capitalisme « à visage humain » – en pratique plus protectionniste, plus « social », plus étatique. Le stade terminal de cette évolution est atteint lorsque s’opère le rassemblement anomique du lobby nucléaire, des élus locaux, de la population des environs, de la CGT, de la gauche institutionnelle (implicitement ou explicitement), des gouvernants, donc, et des travailleurs du nucléaire pour s’opposer à la fermeture de la centrale vétuste de Fessenheim.
Le glissement électoral d’une partie de la classe ouvrière du côté du Front national, les positions obscurantistes adoptées par des fractions d’entre elle sur des enjeux sociétaux (mariage pour tous, éducation, libertés religieuses...) ne sont donc ici que l’arbre qui cache la forêt : c’est tout simplement que lorsque les plébéiens cessent de percevoir la ligne de fracture qui les sépare des patriciens, dans la sphère du travail notamment, tous les effondrements subjectifs, toutes les renégations et les abandons deviennent possibles. Le geste ouvrier si commun de nos jours consistant à se porter garant de la viabilité de « son » entreprise et donc à entrer de plain-pied dans une subjectivité capitaliste est, ici, ce qui s’oppose rigoureusement au geste défectif, lequel consisterait à rappeler sans relâche : ce que nous défendons, nous ouvriers, c’est notre statut, notre condition, nos moyens de vivre et, disons, notre dignité humaine. Les raisons pour lesquelles vous, capitalistes, qui trahissez la confiance sur laquelle est fondé le contrat passé entre nous, ne nous intéressent pas ; nous avons, nous, toujours rempli notre part du contrat. Nous nous battrons désormais contre vous, sans rien entendre de vos « raisons » qui ne nous concernent pas.

L’avenir est à l’invention ou à la réinvention de ce geste de différer, radicalement, quelle qu’en soit la déclinaison.
On évoque souvent à tort et à travers la phrase attribuée à Deleuze et Guattari à propos du « peuple qui manque » ; la question serait plutôt, selon moi, de comprendre le rapport qui s’établit entre « ce qui nous arrive », je veux dire ici le durable désarroi politique dans lequel nous sommes tombés (avec le besoin de refondation qui l’accompagne) et ce qui est arrivé à l’ouvrier menacé de licenciement et porté à faire front commun contre la « concurrence déloyale » de l’étranger avec la petite ou grande entreprise au service de laquelle il s’active - ceci en raison, notamment, du crédit de longue durée qu’il a contracté pour acheter son pavillon avec jardin... Plutôt qu’à donner libre cours à un ressentiment sans fondement contre ceux qui, après tout, ne nous ont jamais rien promis mais à qui nous avions confié la mission d’exécuter les verdicts de cette Histoire dialectique et prométhéenne qui fut si longtemps notre mythe (au sens sorélien du terme), nous sommes aujourd’hui appelés à nous demander ce qui est arrivé, politiquement, à cette figure ouvrière, comme cela nous est arrivé, à nous, doctes et clercs.
Le désarroi et les retraites successives en partage ne pouvant évidemment suffire à la recomposition d’un terreau commun entre ce qui persévère de l’espérance ouvrière et de notre passion pour l’égalité et la communauté.

1 Le livre de poche, 1959, traduit de l’anglais par Léon de Wailly.

2 Outis ! , en grec...

3 Traduit du portugais par Geneviève Leibrich, Seuil, 2006.

4 Cité in Claude Nicolet : Les Gracques, crise agraire et révolution à Rome, Archives Julliard, 1967.

5 Gracchus Babeuf : Le manifeste des plébéiens, Mille.et.une.nuits, 2010.

6 Judith Butler : Trouble dans le genre, le féminisme et la subversion de l’identité, traduit de l’américain par Cynthia Kraus, La Découverte 2006.

7 Cette dissémination des référentiels constituant un des problèmes majeurs pour la refondation d’une politique radicale aujourd’hui.

8 Voir par exemple : Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Albin Michel, 1986 ; La beauté du métis, réflexions d’un francophobe, Ramsay, 1979.

9 J’ai commenté cet épisode oublié dans l’article « En un combat sublime – Che, Fidel et la politique du héros », in La paix barbare, L’Harmattan, 2001.

10 Adalen 31, film de Bo Widerberg, 1969.

11 Philippe Roy : Trouer la membrane - penser et vivre la politique par des gestes, L’Harmattan, 2012.