Discussion autour du livre d’Alain Brossat Les serviteurs sont fatigués (les maîtres aussi)

, par Alain Naze


Le nouveau livre d’Alain Brossat peut être envisagé comme la reprise et le prolongement d’une réflexion entamée naguère, quant à la relation maître/serviteur, dans le cadre d’un précédent ouvrage, Le serviteur et son maître. Essai sur le sentiment plébéien . Nous aurons l’occasion d’évoquer les modifications d’inflexion entre ces deux moments, dont on pourrait dire qu’ils mettent en scène deux époques bien différentes de ce rapport. C’est qu’Alain Brossat envisage en effet le rapport maître/serviteur, comme un « invariant », en tant que « principe d’intelligibilité » , qui, traversant des types de rapports diversement identifiés, constituerait leur commun, malgré tout, c’est-à-dire lors même qu’on n’identifierait pas, a priori, ce commun. Autrement dit, si le rapport maître/serviteur est bien de l’ordre de l’immémorial, il ne manque de s’insinuer, également, dans les rapports entre capitalistes et prolétaires, quand bien même la pensée marxiste considérerait le rapport maître/serviteur comme dépassé pour l’essentiel dans le cadre de la modernité. A négliger cette dimension d’immémorial, rétif à toute substantialisation dans un type de rapports sociaux déterminés, le risque alors serait évident d’ouvrir la voie à une sorte de Grand Récit de l’émancipation des opprimés à partir de la figure du prolétaire, en faisant passer par pertes et profits les luttes plébéiennes du serviteur ingouvernable. Qu’on songe seulement à la violence de Marx à l’égard du Lumpenproletariat. Or, à insister sur le caractère immémorial du rapport maître/serviteur, le nouveau livre d’Alain Brossat laisse entendre qu’un petit récit, têtu, ne cesse pourtant de s’inscrire dans les marges de l’Histoire – petite musique plébéienne que l’orchestration dialectique de l’histoire tend à étouffer, mais qui parvient pourtant à percer, par intermittences, dans notre modernité, et selon des modalités différenciées. Et c’est bien là l’objectif affirmé de ce livre : « Tenter de discerner la façon dont l’immense continent perdu de la lutte qui oppose le maître au serviteur affleure constamment, dans le moderne et le contemporain sous le vocabulaire fossilisé de la lutte des classes, dans les failles du discours hégémonique de la cohésion sociale [...] » . Or, une telle attention est celle que requièrent les surgissements inopinés, intempestifs de la plèbe elle-même – dont on pourrait alors dire que, pour surgir éventuellement dans le cadre d’un rapport de classes de type capitaliste, elle le déborde cependant, dans la mesure même où dans cet affrontement il en va d’une actualisation du rapport maître/serviteur. Cette nécessité de discerner ce qui fait signe, dans notre présent, vers ce rapport immémorial, c’est ce qui conduira l’auteur à rapprocher, dans une certaine mesure (c’est-à-dire aussi à opérer les différenciations nécessaires) la figure de l’émeute de celle de l’argumentation, cette dernière dont les personnages de Figaro et de Jacques (le fataliste) avaient alors permis de cerner les contours.

Que l’émeute soit aujourd’hui devenue le théâtre de l’irruption, sur la scène publique, d’une voix discordante, brisant le consensus, échappant aux conditions du « dialogue social », c’est pourtant ce qui doit se penser dans un rapport de continuité – certes paradoxal, contrarié – avec l’ancienne capacité du plébéien à faire triompher sa cause au moyen de l’argumentation. C’est que le fond de la cause défendue reste le même, celui de l’affirmation d’une « appartenance au commun », celui qu’Alain Brossat énonçait ainsi dans Le serviteur et son maître, c’est-à-dire lorsqu’il envisageait l’inscription du plébéien sur le terrain, non de la bataille, mais de la parole : « Le jeu du plébéien est très précisément celui qui consiste à mettre en place un dispositif stratégique dans lequel l’égalité, le principe d’équivalence universelle de tout humain avec tout autre sera présenté comme cela même qui est l’objet du litige, cela même qui fait l’objet d’un déni et d’un refoulement obstiné de la part des maîtres » . Se situant alors sur le terrain de la parole, le plébéien (Figaro chez Beaumarchais, Jacques, chez Diderot) participe bien alors des formes de pacification propres au processus de démocratisation moderne, mais comme un pôle de résistance, dans le cadre d’une relation maître/serviteur sans cesse en cours de recomposition, à la manière d’une « réserve de légitimité inépuisable » . Sur cette base de la maîtrise de la langue, il suffira alors à un serviteur de parler et raisonner (comme tout être humain en a la capacité) « pour brouiller la relation immémoriale – en apparaissant comme maître de la langue face à un maître emprunté » .
Or, cette rétivité, cette ingouvernabilité vont devoir se redéfinir, lorsqu’aux « échanges verbaux » du Mariage de Figaro et de Jacques le fataliste vont se substituer, comme c’est le cas aujourd’hui, « le dispositif général de la communication » . Dès lors, en effet, les enjeux de cette lutte immémoriale entre le maître et le serviteur vont devenir confus, rendant ainsi impossible une maîtrise plébéienne sur le terrain du langage. Comme l’indique Alain Brossat, « la “communication” est ce qui permet à la langue des maîtres de reprendre barre continuellement sur les dispositions, les pensées, les paroles et les gestes des serviteurs en les enveloppant dans des façons de dire, des syntagmes brevetés, des régimes de répartition du vrai et du faux, des formules “correctes”, des “éléments de langage” - bref tout un régime d’infiltration et d’emmaillotage de leurs modes de pensée et d’agir destinés à produire une sorte de maximum de conformité discursive et donc de docilité » . La pacification démocratique prend alors la forme du « consensus anomique » , ce qui signifie alors que l’entente entre serviteurs et maîtres se déplace sur le terrain de l’impensé – cet accord est au fond extorqué à travers les syntagmes faussement descriptifs par lesquels règnent les maîtres, en ce qu’à les employer, fût-ce dans une intention critique, on en reproduit nécessairement la logique aliénante : « la crise », « le terrorisme », « le dialogue social », « les flux migratoires », « la sécurité », etc . On comprend que la parole ne peut plus dès lors constituer, pour les plébéiens, le moyen d’une affirmation du principe d’égalité selon lequel un homme vaut un homme : « Les plébéiens d’aujourd’hui sont écartelés entre les idiomes qui les enferment, les épinglent, les dévalorisent, les ethnicisent ou les folklorisent (le langue des cités) et la parole standard de la “communication” - le sabir du pouvoir et des élites mis en partage par les médias” . Dans ces conditions, on comprend bien que ce sont dès lors les corps qui, dans leur surgissement, viennent exhiber l’insupportable, et non plus le langage qui vient le présenter – à ce moment, “l’émeute se substitue à l’altercation” .
Que toutefois, à travers le langage et l’argumentation, jadis, et au moyen de l’émeute, aujourd’hui, on ait bien à faire au plébéien, aux prises avec son ou ses maître(s), c’est notamment ce qu’indique le fait que, dans les deux cas, il ne s’agit pas pour le serviteur de se transformer en maître – il ne veut pas le pouvoir, mais il cherche seulement à faire entendre son appartenance au commun. On se trouve bien ici, par conséquent, face au plébéien, qui ne s’identifie nullement au prolétariat, qui ne se sent investit d’aucune tâche historique – ce qu’Alain Brossat indique de cette manière : « [Le plébéien] énonce avec netteté, parfois véhémence, ce qui ne peut plus durer, mais son énergie ne s’investit pas dans un de ces ambitieux programmes de destruction/réédification que l’on a vu prospérer aux XIXe et XXe siècles. Il aspire à l’autonomie, à la reconnaissance de son intégrité (comme personne humaine), il n’est pas en marche vers la conquête du pouvoir » . En ce qui concerne notre temps présent, on dira que l’émeute n’est pas davantage la recherche d’une prise de pouvoir, et qu’ainsi elle maintient la violence plébéienne à l’écart de toute tentative qui chercherait à opérer une captation allant dans ce sens - mais il est vrai que les choses ont bien changé et qu’en passant du langage à l’émeute, la « condition ensoleillée du serviteur » a laissé place à un « corps souffrant » C’est qu’entretemps, la distance entre le serviteur et son maître s’est accrue comme jamais, ne serait-ce qu’à travers le fait de ne plus partager une langue commune. Des corps souffrants se substituent par conséquent à cette forme d’allégresse du serviteur, qui, sans même recourir à la violence vive, défaisait les prétentions immémoriales du maître, ou, comme l’écrit l’auteur, « évid[ait] la maîtrise en mettant les rieurs de son côté » . La figure du plébéien est par conséquent toujours présente dans celle de l’émeutier, mais c’est son inefficacité à enrayer le pouvoir de maîtrise qui nous frappe. La révolte de la servante, humiliée dans la suite 2806 du Sofitel de New York, ne trouve pas même à se dire sur le terrain de la justice institutionnelle – le mépris infini avec lequel DSK traite cette femme de ménage, noire, migrante d’un pays africain, se trouve redoublée par l’impossibilité de porter le litige sur la place publique. Comme le souligne Alain Brossat : « A ce mépris ne peut répondre qu’une fureur et une rage dont les moyens d’expression non violents dans les espaces publics sont à peu près nuls » . S’il est une tâche urgente pour notre présent, par conséquent, ce serait bien celle qui consisterait à trouver les moyens de faire déjouer les effets de pouvoir qui réduisent la plèbe à l’impuissance. Non pas pour que cette plèbe endosse un projet de domination (car alors elle se nierait comme plèbe, en se substantialisant), mais pour qu’elle développe de nouveaux moyens d’enrayer les processus de pouvoir produisant de l’humiliation.

Prolongeant cette référence à « l’affaire DSK », et pour ouvrir la discussion, on peut se pencher un instant sur la question du rapport maître/serviteur susceptible de traverser, de manière spécifique, la relation hommes/femmes. Il ne peut s’agir en cela, bien évidemment, de réduire le rapport hommes/femmes à une question de « rapports de sexes » calqués sur le modèle des rapports de classes dans le cadre de la théorie marxienne. Autrement dit, si les relations entre les hommes et les femmes sont susceptibles, partiellement, et selon des occurrences toujours singulières, d’être considérées à partir de cet immémorial qu’est le rapport maître/serviteur, c’est précisément parce que « la » femme, dans ce rapport, ne saurait être assimilée, sans autre forme de procès à « la prolétaire du prolétaire ». Disant cela, je pense en particulier aux situations dans lesquelles règne une forme d’égalité sociale à l’intérieur d’un couple homme/femme, sans cependant empêcher l’émergence d’une figure de la conjugalité comme domesticité, irréductible cependant au rapport bourgeois/prolétaire – la répartition des tâches domestiques au sein de ce couple, par exemple, pourra fort bien reproduire les modalités immémoriales de la division sexuelle du travail. Dans ces conditions, et en en restant à l’exemple de DSK, l’attitude de l’agresseur se trouverait surdéterminée en ceci que son mépris social à l’égard de la femme de chambre Nafissatou Diallo se trouverait redoublé par le fait qu’il s’agit d’une femme – en cela, il y aurait une modalité spécifique du rapport maître/serviteur qui trouverait l’occasion de s’actualiser, dans le cadre de certaines formes de rapports hommes/femmes. C’est en ce sens, me semble-t-il, qu’on peut saisir la remarque d’Alain Brossat, selon laquelle les figures féminines prises par le personnage du serviteur (« la bonne, la servante, la domestique ») nous enseignent que « les enjeux du genre sont ici […] cruciaux » . Plus précisément, lorsqu’il est question de « l’enjeu [de] la prédation sexuelle », la question du genre est évoquée dans ce livre en lien avec celle de la sexuation, et non pas en lieu et place de cette dernière : « Ce n’est pas seulement ici [la question de] la sexuation de la relation qui est en jeu, mais aussi celle du genre – le masculin comme composante de la maîtrise et le féminin comme accompagnement de la subalternité [...] » . Cet écart entre sexe et genre est donc bien ouvert par cette remarque, mais il me semblerait intéressant d’envisager un renversement d’accent dans la relation, en soulignant alors plutôt que dans « l’affaire du Sofitel », ce n’est pas seulement une question de genre qui est en jeu, mais aussi une question de sexuation (et pour éviter tout risque d’essentialisation à cet égard, précisons : les dites femmes et les dits hommes). Autrement dit, que le rapport homme/femme, sur le mode du rapport immémorial maître/serviteur ait suffisamment été pensé sous l’angle de la sexuation, pour devoir laisser à présent la première place à un questionnement sur le genre (entendu à partir de l’opposition masculin/féminin renvoyant à l’opposition maîtrise/subalternité), cela ne me semble pas aller de soi. En effet, le rapport de sexuation a bien souvent été plutôt considéré selon l’axe des « rapports de sexes », eux-mêmes envisagés sur le modèle des « rapports de classes », et par ailleurs, le modèle d’émancipation, pour les femmes, a surtout été celui d’une égalisation des conditions selon un principe universaliste, où l’universel, de fait, s’identifiait, pour l’essentiel du moins, au masculin. C’est par exemple le fait, pour les femmes, de travailler en dehors de l’espace domestique (à l’image de ce que faisaient généralement les hommes) qui fut valorisé, et si, en effet, c’était bien là pour elles le moyen d’acquérir, notamment, une forme d’autonomie financière, ce fut aussi souvent ce qui entraîna pour les femmes la nécessité de fournir une double journée de travail. Par ailleurs, cette valorisation du travail des femmes hors du milieu domestique n’a pas manqué d’entraîner un jugement négatif à l’égard des « femmes au foyer », au bénéfice d’une nouvelle normativité, comme si elles étaient nécessairement les tenantes d’un modèle archaïque, heureusement dépassé par les progrès de l’émancipation féminine. C’est le Grand Récit, là encore, qui menace d’étouffer les petits récits où peut-être, pourtant, se dirait quelque chose d’essentiel des modalités par lesquelles les femmes, dans le rapport maître/serviteur qui affleure au sein des relations hommes/femmes, inventent des moyens pour enrayer le pouvoir du maître. Les stratégies que les femmes, dans leurs rapports aux hommes, peuvent être amenées à utiliser pour subvertir le rapport maître/serviteur ne sont pas sans rapport avec les jeux d’argumentation que Figaro pouvait utiliser, si elles ne se confondent pas avec eux cependant – et, en cela, la figure de la plèbe qui se dégage ici revêt des traits incontestablement sexués, vers lesquels feraient signe ces mots de Pasolini, malgré leur dimension provocatrice : « Il est vrai que pendant des siècles, la femme a été exclue de la vie civile, des professions, de la politique. Mais en même temps elle a joui de tous les privilèges que l’amour de l’homme lui donnait : elle a vécu l’expérience extraordinaire d’être servante et reine, esclave et ange. L’esclavage n’est pas une situation pire que la liberté, elle peut au contraire être merveilleuse » . Bien sûr, l’esclavage est à entendre ici dans un sens métaphorique, la figure désignée à travers ces mots étant bien plutôt celle des femmes comme servantes des hommes. Dans ces conditions, les mots de Pasolini indiqueraient les possibilités de gestes discrètement subversifs dont cette figure de la servante serait riche – elle qui, à aucun moment n’envisage l’acquisition d’une position de maîtrise.

Si la relation entre Julien Sorel et Madame de Rênal, est placée par Alain Brossat dans un rapport d’opposition avec celle que Marx entretenait avec sa bonne, et qui le conduisit à lui faire un enfant, c’est que cette opposition met bien en évidence une spécificité sexuelle, une dissymétrie, à travers laquelle un amour égalisateur des conditions s’avère possible entre Madame de Rênal et Julien, qui occupe pourtant à ce moment-là une position équivalente à celle du serviteur, alors que la seconde forme de relation, entre Marx et sa domestique, ne peut être que de prédateur à proie. Certes, mais en revanche, l’inscription de cette dissymétrie sexuée au sein d’une inégalité des conditions sociales, dans les deux cas, me semble empêcher de penser la relation immémoriale maître/serviteur (au-delà de la relation empirique maître/servante, donc) comme susceptible de s’incarner, sous certaines conditions, dans le cadre des relations hommes/femmes en tant que tel, indépendamment de la question du statut social. La tâche qui me semble encore à effectuer, de ce point de vue, serait celle consistant à isoler la relation sexuée pour en étudier les formes spécifiques que la relation maître/serviteur peut y prendre, en venant s’y incarner, avec les gestes de contre-conduites, eux-mêmes spécifiques, qui en découleraient.

Pour finir, j’aimerais évoquer un extrait d’un récit tiré du livre d’Afdhere Jama, intitulé Citoyens interdits. Les minorités sexuelles dans les pays musulmans, pour ce qu’il indique des stratégies que certaines femmes sont conduites à déployer, dans le cadre d’un rapport maître/serviteur, s’inscrivant ici dans le cadre des valeurs propres au patriarcat – gestes de contre-conduites qui, toutes spécifiques qu’elles soient, me semblent faire écho aux stratégies langagières de Figaro ou de Jacques, le personnage du roman de Diderot, mais aussi aux émeutes contemporaines, pour les corps souffrants que, parfois, ces stratégies conduisent à jeter dans la lutte. Il s’agit en l’occurrence de l’histoire de Fatma, femme libanaise attirée sexuellement par les femmes : « Quand elle eut dix-sept ans, son père la maria à un homme qui avait plus de deux fois son âge. Elle ne fut pas forcée mais elle se sentit contrainte par sa culture.
“Ce fut une situation très difficile à accepter au début parce que je savais que j’étais lesbienne, dit-elle avec des larmes dans les yeux. Je ne pensais pas que cela poserait problème. Je pensais “Je peux toujours faire semblant”. Après tout, je connaissais toutes ces femmes dans ma famille qui n’étaient pas satisfaites sexuellement”.
Pour Fatma, le mariage pouvait s’avérer être une chance en soi.
“Pour la première fois, j’allais obtenir une forme de liberté dans ma vie, dit-elle. J’avais imaginé pendant si longtemps une vie loin de mon père. Et même si j’étais lesbienne, je savais que la seule porte de sortie serait le mariage. Je sais que cela semble contradictoire mais en réalité, c’est la vérité. J’ai donc accepté le mariage dans l’intention d’avoir enfin une vie loin de ma famille” » .

L’idée d’introduire le principe explicatif constitué par le rapport maître/serviteur dans l’analyse des rapports hommes/femmes ne doit pas nous conduire à identifier les hommes, en tant que tels, à des oppresseurs visant à soumettre les femmes, bien évidemment. Il s’agit seulement d’indiquer un immémorial propre au rapport hommes/femmes qui n’est pas sans consoner avec l’immémorial rapport maître/serviteur. Ce qui n’exclut pas, de manière tout aussi évidente, qu’il y ait des hommes n’ayant aucune intention d’entretenir un rapport de domination à l’égard des femmes. Malgré tout, cela n’empêche pas, structurellement, que chacun de ces rapports immémoriaux parvienne à se frayer un passage, nolens volens. Il me semble que privilégier en cela une analyse en termes de genre, de préférence à une analyse en termes de sexuation, ce serait prendre le risque de dissoudre les modalités sexuées de l’immémorial rapport maître/serviteur dans les modalités socio-économiques de cet immémorial, et ainsi courir le risque de manquer le renforcement de la dissymétrie entre le maître et le serviteur, lorsque ce dernier est identifié comme une femme.