Parce que jouer n'est pas faire semblant - commentaires Parce que jouer n'est pas faire semblant 2019-11-28T16:57:19Z https://ici-et-ailleurs.org/voyons-ou-la-philo-mene/article/parce-que-jouer-n-est-pas#comment57 2019-11-28T16:57:19Z <p>Je ne comprends pas d'où se déduit que les univers du jeu et du sérieux ne sont pas tout bonnement intriqués. <br class="autobr" /> Certes, penser c'est tracer des frontières. Mais est-il nécessaire d'avancer ses chevaux – de plomb, c'est bien compris – à coups de coquetteries militaires comme à un défilé du 14 juillet ?<br class="autobr" /> Car tout en se prémunissant d'une intention d'y mettre bon ordre (la modélisation de l'événementialité comme fantasme du sérieux), l'auteur agit ici à la manière des colonisateurs de fortune du <i>Congo</i> de Vuillard qui traçaient avec l'assurance du bien-fondé des frontières là où circulaient des peuples de langues différentes : si ni les uns ni les autres ne revendiquent un territoire, s'ils sont suffisamment ignorants les uns des autres pour s'entendre sur une territorialisation, alors je suis libre de dire que ce territoire, cet univers, est celui que je déclare.</p> <p>Parmi les définitions récurrentes du jeu, on trouve : ce que pratiquent les enfants, ce qui est reconnu par avance comme jeu par des partenaires qui décident d'être des joueurs pour un temps défini. Or ces délimitations posent problème.</p> <p>On peut admettre qu'il y a des gestes qui sont surtout sérieux, lorsqu'ils ont pour intention et pour effet de modifier l'univers du sérieux. Mais rien ne permet d'écarter totalement la possibilité que ces gestes constituent pour un autre un appui à son jeu. C'est quelque chose que l'on constate souvent, entre humains ou avec des animaux. Par exemple il arrive que je demande très sérieusement à mon chien de rentrer à la maison et que celui-ci adopte une posture de jeu et profite de l'enjeu (pour moi) pour s'offrir une partie de chat perché. Dans ce cas, le temps du jeu est indéfini, et même s'il arrive souvent que le jeu tourne mal ou finisse bien, on ne sait pas combien de temps il peut durer.</p> <p>Est-ce que le jeu de l'un transforme tout le réel, par suite de l'adaptation réciproque ? Cela dépend certes de la manière dont le recevant choisira de se prêter au jeu. De la même manière au théâtre le spectateur comprend qu'il est appelé à concevoir ce qu'on lui présente « comme si » c'était quelque chose de plus réel, de plus singulier et plus universel à la fois. Mais on ne peut accepter l'échange en refusant le pacte.</p> <p>Faire la part du jeu et du sérieux est un vrai problème, comme le dit l'auteur, pour celui qui revendique une position de puissance dans l'univers du sérieux. Car qui veut conserver une position de puissance doit s'assurer une maîtrise peut-être partielle mais le plus continuellement possible. Il découle de cet enjeu que tout geste qui peut faire effet dans l'univers du sérieux, c'est-à-dire tous sauf précisément par définition ceux des <i>infans</i>, est présumé sérieux. Comme en jugement de droit, cette présomption condamne le geste du fait que son auteur n'est pas reconnu comme enfant ou que le contexte probant n'est pas celui du jeu.</p> <p>Or si nous avons reconnu que le contexte pouvait varier de l'un à l'autre des protagonistes, effectuants et recevants, il reste à interroger la possibilité de se revendiquer de l'enfance. Le droit, la psychanalyse et tous autres univers du sérieux ont-ils légitimité à priver quiconque de sa part d'enfance ? Faut-il être présumé sérieux du fait d'avoir vécu ? A combien de cernes s'établiront alors les mesures de la culpabilité ? Si la raison se déduisait de l'âge, quels traceurs de frontières garderaient-ils légitimité dans leurs univers ?</p> <p>Parce que nous voulons jouer le monde, nous refusons que l'on nous assigne aux frontières. Et s'il en faut, qu'elles sachent reconnaître et protéger « ce pays qui nous réunit tous : l'Enfance » (manifeste du théâtre <i>Am Stram Gram</i>). Qu'elles s'élargissent à mesure des invitations au jeu ! <strong>Nous voulons jouer le monde !!!</strong></p>