A l’auberge du chien qui clope
« Au réveil, je me suis un peu emporté contre ma femme quand elle me raconta qu’elle s’était procuré de l’urine de jeune chien et qu’elle s’en servait pour sa toilette »
Samuel Pepys, Journal, 8 mars 1664.
1- Pour vivre dans les grandes villes aujourd’hui et supporter le spectacle de la rue, la descente quotidienne dans le métro, il faut être équipé d’une épaisse carapace d’insensibilité ; laquelle s’avère fort utile, par la suite, pour s’accommoder du malheur du monde – Gaza devient tolérable.
2- Superstition : se moucher dans le slip d’un mort porte malheur (variante : rend impuissant).
3- Contre l’inculpation de Netanyahou par la CPI : génocide glatt kasher, génocide déjà plus qu’à moitié pardonné !
4- Se réveiller chaque matin anéanti à l’idée qu’on ne sera jamais ni le roi d’Angleterre, ni le mauvais rhume qui emportera Retailleau.
5- Le procès de Mazan tel qu’il se raconte dans les journaux est entièrement placé sous le signe du mépris social. Le « salauds de mecs ! » d’époque remplace le « salauds de pauvres ! » de naguère – et comme il se trouve que ces salauds de mecs sont aussi des pauvres en tous genres, pauvres types, pauvres cons, pauvres d’esprit, pauvres tout court, ça tombe bien. La flagrante tournure d’exorcisme de ce procès en expose la fausseté et l’hypocrisie. On ne se pose pas de questions (mais où ces égouts du sexe qui se déversent dans l’actualité à l’occasion de ce procès ont-ils donc leur source, toute cette misère sexuelle devenue folle et dévastatrice ?) – on brûle les démons en effigie, on envoie les monstres cramer en enfer et on installe le culte de la nouvelle sainte. Salauds de mecs ! Le féminisme carcéral, une nouvelle fois, s’en donne à cœur joie, avec ses bûchers, ses feux de joie.
6- Si les écharpes tricolores protégeaient des bronchites parlementaires, ça se saurait.
7- Recommandation : à l’occasion d’une soirée cinéma dans un camp naturiste, programmer successivement L’île nue (Kaneto Shindô, 1960), puis Les nus et les morts (Raoul Walsh, 1958).
8- Encore une blague antisémite ! Un type rencontre son copain au coin de la rue.
– Quoi de neuf ?, dit le copain
– Rien... ou plutôt si : j’ai décidé de me convertir au judaïsme !
– Ah bon... et pourquoi ?
– Je vais émigrer en Israël !
– Ah bon... et pourquoi ?
– Je veux aller vivre en Judée-Samarie !
– Ah bon... comment ça ?
– Dans une colonie, juste au-dessus de Hébron !
– Ah bon, et qu’est-ce qui t’a décidé ?
– Je viens d’attraper la varicelle !
9- Grâces soient rendues au vieux soixante-huitard étincelant, jamais repentant/repenti – dans cet océan de renégats ! Il n’est pas tombé sur les barricades, certes. Mais de là à mourir en EHPAD... On hésite ici entre deux qualifications : faute de goût caractérisée, sortie magistralement ratée.
10- Pas besoin d’Umschlagplatz, encombrée d’amas de valises (Le pianiste) ni de trains de déportation vers les camps d’extermination pour transformer la bande de Gaza en ghetto de Varsovie – l’aviation israélienne et le blocus y suffisent. Quand une juridiction internationale inculpe les ingénieurs de ce crime contre l’humanité exposé à la face du monde, les intéressés s’exclament : c’est l’Affaire Dreyfus qui recommence ! – et ce ne sont pas les puissants soutiens qui leur font alors défaut – ici comme ailleurs. Il faut prendre la juste mesure de ce qui en en jeu dans cette scène : pas seulement « le monde à l’envers », comme on dit couramment, mais comme une parodie infernale de l’inversion de toutes les valeurs prônée par le divin moustachu.
11- Ils sont en couple avec la mort, l’odeur du sang les enivre, les ruines fumantes, le décompte des massacres, les images d’apocalypse, dans le sillage des bombardements... Alors, forcément, ils kiffent à mort Netanyahou, Gallant et leur séquelle, Israël dans tous ses états... Leur cohorte est interminable, leurs noms de pèlerins du néant brillent au firmament de l’actualité.
12- Il est épuisant de devoir affronter des gens (des puissances, des conglomérats de forces) qui avec constance et obstination font exactement le contraire de ce qu’ils disent. Qui s’acharnent à jouer les pèlerins de la paix, alors même qu’ils soufflent sans fin sur les braises de la guerre. C’est qu’on ne peut pas passer son temps à les démentir. On a mieux à faire, quand même.
13- Il suffit d’avoir fait l’expérience de quelques séismes, petits ou grands, pour savoir que la Terre, ce n’est ni une croûte, ni une enveloppe compacte, inerte, stable mais une peau – la peau de la planète, un épiderme vivant qui, inopinément frissonne, s’irrite, est parcouru de convulsions. Un colossal tigre endormi, en fait, qui, comme tous les grands fauves, passe l’essentiel de son temps à roupiller, mais, parfois, tenaillé par la faim ou une pressente envie de pisser, s’ébroue, se dresse sur ses pattes, s’élance... La Terre n’est pas du tout ce sol ferme sur lequel nous pourrions nous déplacer en confiance. A la moindre contrariété, sous l’effet du moindre caprice, elle est portée à se soulever et c’est alors tout notre petit monde qui part en morceaux.
14- A garder en mémoire : Netanyahou, Gallant, c’est quand même l’arbre qui cache la forêt : le crime contre l’humanité, c’est un boulot énorme, et ça demande des milliers de mains.
15- Milosevic et Netanyahou vont en bateau – l’un met à feu et à sang la Yougoslavie, l’autre le Proche-Orient. Cherchez la différence : les Etats-Unis, en deux temps trois mouvements mettent le premier hors d’état de nuire, là où les Européens étalent leurs divisions et leur impuissance ; les mêmes Etats-Unis arment, soutiennent et encouragent le second, obstinément, jusqu’au bout du génocide, et les Européens leur emboîtent le pas. Changement d’époque ?
16- L’ange exterminateur, ayant manifestement pété un câble : fusillez-moi toute cette engeance génocidaire, contre le Mur des Lamentations !
(ça tombe bien, elle est sur place...) [1]
17- On ne regarde plus les images, on les bouffe, on les consomme, on les ingère, on les absorbent et elles nous transforment – en sac à images, comme on dit sac à merde. Elles nous protègent illusoirement du réel en nous en éloignant. Nous sommes des zombies habités, surpeuplés – par les images.
18- Naguère encore, les chanteurs et chanteuses de la planète rock et punk rock mouraient jeunes, souvent, en pleine gloire. C’est qu’il.elles avaient un pacte faustien avec la mort – ils.elles dépensaient (mânes de Georges Bataille) leurs forces, leur beauté, ils.elles sacrifiaient leur intégrité (leur corps, leur santé mentale, à supposer qu’une telle chose existe) sur l’autel de l’inspiration, du succès, du génie, parfois. Voués à mourir jeunes, ils redonnaient des couleurs à l’image défraîchie du héros et consumaient leur courte existence (brûlaient leur vie par les deux bouts), au moyen de tous les excès – alcools, drogues, conduites « à risques » en tous genres ; ils.elles formaient des confréries légendaires de jeunes morts (le club des 27 – ceux qui sont partis prématurément à 27 ans, et qui rassemble tant de célébrités). Bref, La part maudite non pas seulement en chansons mais en parcours de vies tragiquement interrompues et placées sous ce signe terrible et sublime – Die young !
Aujourd’hui, les eaux de la chanson populaire sont devenues beaucoup plus calmes. Adèle a sa place déjà réservée en EHPAD.
19- Avez-vous déjà écrit une lettre d’amour (torride, enflammée) tout en piochant à la petite cuillère dans un pot de cancoillotte à l’ail ?
20- Les membres antérieurs de l’animal s’entendent comme ceux qu’il utilisa antérieurement, hier, par exemple. Les membres postérieurs comme ceux qu’il utilisera postérieurement, demain ou après-demain. Ce qui explique que, privé aujourd’hui de l’usage de ses membres, il demeure résolument inerte, vautré sur le canapé.
21- Chaque fois que le dénommé Roussel, Secrétaire général du Parti communiste, ouvre sa bouche, on se dit qu’il devrait, en matière de prénoms, exister un dispositif comparable à celui de la déchéance de nationalité : il devrait, une fois pour toutes, être interdit à ce social-traître calamiteux d’usurper le nom de guerre d’un héros de la Résistance – communiste, de surcroît. Il devrait, ce mauvais con, être déchu du nom de Fabien.
Valentine Chiard