Appel en faveur d’un prolongement indéfini du confinement (confinement à durée indéterminée – CDI)


Les mesures (annoncées par le Président de la République) de déconfinement progressif, susceptible de se mettre en place dès le 11 mai nous jettent dans une profonde inquiétude.
Depuis le 17 mars, nous avons redécouvert les joies de l’oisiveté et les beautés du droit à la paresse.

Nous avons pris goût aux grasses matinées s’étirant jusque vers les midi, aux petits déjeuners tardifs, copieux et prolongés en brunches voués au doux papotage, aux siestes roboratives, souvent agrémentées de câlins et autres coquineries érotiques...

Nous avons très rapidement (dès le troisième jour en moyenne) oublié le chemin du bureau, de l’école, du lycée, de la fac - le chemin du boulot - et nos pensées affligées sont allées sans relâche vers ceux et celles qui n’avaient pas notre chance.

Nous avons retrouvé les joies simples : observer longuement, depuis notre fenêtre, le manège des pies occupées à nourrir leurs oisillons nichés dans les ramures du frêne prospérant dans le jardin voisin ; rafraîchir notre italien par la grâce d’un vieil Assimil retrouvé au hasard du ménage à fond rendu enfin possible par ces vacances forcées ; reclasser notre bibliothèque selon un principe inédit ; choisir soigneusement un film rare sur une plateforme en ligne, histoire de ne pas finir idiot(s) devant BFM ; exécuter de bénéfiques séances d’étirements, sans jamais y manquer un seul jour ; cuisiner longuement des nourritures saines et les déguster lentement ; lire enfin Moby Dick, de la première à la dernière page, vieux rêve d’enfance trop longtemps resté en souffrance ; engager de sérieuses et longues conversations à distance avec des amis négligés, perdus de vue depuis des lustres ; prendre le temps, aussi, de méditer sur le cours des choses...

Nous avons retrouvé l’inspiration délicieuse du désœuvrement lequel est l’opposé exact de l’ennui – nous sommes, dans notre désœuvrement même, terriblement occupés à faire, enfin, des choses intelligentes, et qui nous plaisent. Il nous arrive parfois, de plus en plus rarement, de songer avec consternation à ce que pouvait être, dans ce monde d’avant le confinement qui nous paraît si lointain, irréel, notre emploi du temps d’une journée – la somme de gestes inutiles, harassants, futiles, de corvées, d’actions mécaniques ou dégradantes dont il nous fallait remplir nos journées. Nous avons enfin pris la pleine mesure de notre radicale et bénéfique inutilité au monde, de sa grandeur – nous en rêvions, sans le savoir, depuis si longtemps !

Nous n’allons pas mentir, nous abriter derrière les faux-semblants de considérations sanitaires, principe de précaution et autres, pour justifier notre revendication du prolongement indéfini de cette providentielle bénédiction qu’est notre démobilisation en forme de confinement – non, l’unique motif qui nous rassemble et nous anime, nous signataires de cet appel, c’est notre désir irrépressible de voir se proroger sans fin notre actuelle condition aboulique : il aura suffi de ces quelques semaines pour qu’exercent sur nous l’empire sans limite d’une flemme sans nom, d’une allergie définitive au travail, à l’emploi, au salariat et toutes ces horribles choses...

Nous voici à tout jamais débranchés, inertes en apparence, plus alertes que jamais en vérité – le cadre sup hyperactif, le thésard à la bourre, la commerçante l’œil rivé sur son chiffre d’affaires – plus rien à battre !

Pour vivre heureux, vivons confinés ! Ne travaillez jamais plus ! A bas la production ! Glandeurs de tous les pays, confinez-vous !

Fainéantise et indolence sont les mamelles de la France !

Lockdown forever !

Confinés un jour, confinés toujours !

En un mot comme en mille : confinement, mon amour...

Premiers signataires

Adam Mouyé – secrétaire général de l’Association des amis de Vitezslav Nezval
Joachim-Bernard Glouton – ornithologue
Dan Schlong – agent secret
Andreas Flop – linguiste
Dominique Legratteur – écrivaine
Johnny Baklava – éleveur de chevaux
Hyacinthe Belmeuf – paysagiste
Miroslav Bimbo – marin-pêcheur
Dr Claude Glick – ostéopathe
Pr Mahmoud Grotius – philosophe
Iskander Rippemouille – artiste peintre
Valentin Musette – instituteur
Sixte Plumeau de Belchias – colonel d’artillerie CR
Cédrix Trochian – dessinateur de bandes dessinées
Jean-Roger de Bittur – éditeur
Adèle Mulot – comédienne
Mathilde Boulimix – boulangère-pâtissière
Sibeth Citron – porte-parole
Jerry Patata, légumineur psychotropique et sans les mains
Akel-e BoQ, non-binaire surtout dans l’anné-e bisexuel-le

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