« Les femmes sont des enfants méchants, c’est des bêtes inférieures à l’homme, et il faut s’en faire craindre, car la pire des conditions pour nous est d’être gouvernés par ces brutes-là »
Balzac, La Rabouilleuse (1842)

1- Le chat le plus con de la terre ? [1]

2- « Plus jamais ça ! » est une formule aussi inepte que « Pour toujours ! ». On pourrait dire, à la rigueur : « Plus jamais ça ! » et « Pour toujours ! » sont des injonctions et des objurgations toujours ineptes. Ou encore : plus jamais de « Plus jamais ça ! » ni de « Pour toujours ! ».

3- Moins les grands vieillards sont gâteux, plus ils aiment à passer pour séniles et mieux ils s’entendent à mimer le gâtisme, à la perfection. C’est qu’ainsi, ils s’établissent en état de pleine irresponsabilité. L’irresponsabilité est, en l’occurrence, une forme de souveraineté dont on peut tirer force bénéfices secondaires. Une sorte de jouissance de rattrapage.

4- Pour avoir énoncé d’un ton badin sur le plateau d’une émission de télé populaire en tant qu’abjecte, et réciproquement : « Je n’ai rien contre les femmes qui ont les fesses plates – c’est juste qu’elles me dépriment... » – 600 euros d’amende, plus un stage de citoyenneté en trois séances. Pas volé, tiens.

5- Nul ne saurait dire si Mohammed Deïf, le cerveau de l’attaque conduite en territoire israélien par la branche armée du Hamas, le 7 octobre dernier, a lu L’Art de la Guerre de Sun-Tse, tout particulièrement ce passage :
« Quelque critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c’est dans les occasions où tout est à craindre, qu’il ne faut rien craindre ; c’est lorsqu’on est environné de tous les dangers, qu’il n’en faut redouter aucun ; c’est lorsqu’on est sans aucune ressource, qu’il faut compter sur toutes ; c’est lorsqu’on est surpris, qu’il faut surprendre l’ennemi lui-même » [2].
En tous cas, à supposer qu’il ne l’ait pas lu, force est de constater qu’il l’a réinventé, réimaginé et relancé, à ses propres conditions, et avec la manière.
On peut en revanche penser raisonnablement que Yoav Gallant, officier général de l’armée israélienne et actuel ministre de la Défense dans le cabinet de Netanyahou a, eu, lui, l’occasion de se familiariser avec le traité de Sun Tse au cours de ses solides études à l’Ecole de guerre. Mais force est de constater qu’il est passé complètement à côté.

6- Plus ils avancent en âge, et tant qu’ils sont encore en état de marcher, plus les grands vieillards passent leur temps éveillé aux chiottes. Ils se transforment inexorablement en usines à merde, destin aussi peu riant et avouable que possible.

7- La prémisse des prémisses, si l’on veut envisager sérieusement une issue au conflit israélo-palestinien, est d’imaginer un avenir dans lequel aurait été levée l’hypothèque de l’Etat juif entendu dans son sens exclusiviste, ethnocratique, sectaire actuel. Il ne s’agirait pas de « jeter les Juifs à la mer », mais de les reconduire à l’humanité en les babélisant un peu. Le tribalisme, même étatisé à mort, n’est pas l’avenir d’Israël/Palestine.

8- Toutes les polices de France étaient lancées sur les traces de N. depuis qu’il s’était risqué à proposer à ses étudiants la devinette suivante à la fin d’un cours : quelle est la différence entre une commode d’occasion et une blonde de seconde main ? [3]

9- Un intrigant paradoxe : plus on assiste à une spectaculaire décrue du désir sexuel dans les sociétés d’Occident (les journaux ne parlent que de ça), et plus nous sommes envahis par les nouvelles se rapportant à la délinquance sexuelle de personnages en vue, tant dans le monde du spectacle que dans ceux de la politique, de la communication, du sport, etc. Un mystère qui ne se dénoue que si on le rapproche de la thèse fondamentale de Foucault, à propos du « dispositif de sexualité » dans l’Occident moderne : « le sexe », c’est avant tout une question de bavardage, le dispositif de sexualité, c’est avant tout un enjeu de discours – l’éréthisme, le prurit discursif par excellence. D’où l’excitation perpétuelle des médias, en tant qu’ils sont l’organe légitimé du bavardage perpétuel sur le présent, au ras du trottoir.

10- Trait de l’époque : les idées (re)peintes en blanc, teintes en blond, peroxydées.

11- Le chat le plus con de la terre (bis) ? [4]

12- Christoécologie : chaque clou planté dans un arbre l’est, en vérité, dans la paume du Christ – encore et encore. Cela fait deux millénaires que les chrétiens plantent avec ardeur des clous dans les arbres.

13- Outre le conformisme et le manque d’imagination, l’une des raisons les plus fortes pour lesquelles les gens continuent à se marier est patent : c’est là l’un des moyens les plus simples, les plus sûrs et les plus durables de baiser sans capote. Mais ce motif, dans son prosaïsme même, est inavouable. Alors on continue à se marier « par amour » (LOL).

14- Dans ces hangars à retraités aisés que sont les villes de la Côte d’Azur, le commerce des prothèses auditives prospère, à côté de celui des lunettes et autres verres de contact. Mais on peut compter sur les progrès de l’intelligence artificielle pour mettre à notre portée, bientôt, une nouvelle génération de prothèses auditives : celles qui nous permettront de n’entendre que ce que nous avons envie d’entendre. Il suffira pour cela de les régler selon le programme désiré – plus de blagues sur les blondes ou sur les Noirs, plus de noms d’animaux en forme d’insultes, plus de météo pluvieuse et surtout, surtout : plus de ces nouvelles déprimantes de Gaza qui ne font que nous gâcher notre petit déjeuner et nous déprimer inutilement, avant même de partir au boulot.

15- Pour rester en bonne santé, il faut faire travailler son cœur régulièrement. On y parvient essentiellement par deux moyens : en tombant éperdument amoureux ou en faisant du vélo. Mais il faut choisir : les amoureux qui se déplacent en vélo sont, selon une étude récente publiée dans le supplément « Santé » du Monde, deux fois plus exposés au risque d’un accident cardiaque que les cyclistes normaux. L’espérance de vie des amoureux fous qui se rendent au boulot à bicyclette ne dépasse pas la trentaine.

16- Le problème avec les journaux est que le seul air qu’ils respirent, la seule atmosphère qu’ils connaissent, c’est l’air du temps. Au temps de la Révolution culturelle, le correspondant du Monde à Pékin, Alain Bouc, était un maolâtre de première bourre. Depuis des années, ses successeurs au même poste sont des orwelliens antitotalitaires de stricte obédience. Sic transit gloria ephemeridis...

17- Avis à la population : la traduction officielle et déposée de la formule sanitaire « All cops are bastards » (ACAB) est, désormais : « Tous les poulets sont des boulets ». Toute autre traduction sera considérée comme frauduleuse et passible de sanctions.

18- Dans le même ordre d’idées, un acronyme populaire dans les milieux militants londoniens, au cours de la décennie précédente, était AJAB – « All journalists are bastards ». Ce qui nous renvoie directement au § 16.

19- Le plan de Netanyahou et de la bande de furieux qui l’entoure, ce n’est pas de reconquérir Gaza, mais de rendre ce territoire définitivement inhabitable par les 2,5 millions de Palestiniens qui y survivaient. Les moyens de parvenir à ce résultat sont désormais clairement dessinés : une partie de ces habitants ont d’ores et déjà été tués et d’autres le seront encore, une autre partie sera acculée à quitter le territoire, notamment en trouvant refuge dans le Sinaï, et la fraction résiduelle (100 000, 200 000 personnes ?) sera astreinte à des conditions de vie si misérables et exténuantes que tout esprit de résistance y sera brisé.
C’est là un monument de barbarie contemporaine qui est en train de s’édifier. Darmanin a, à sa mesure, le même objectif en vue, avec son opération policière Wuambushu destinée à rendre Mayotte inhabitable pour les Comoriens sans papiers qui y vivent dans des habitats précaires. C’est aussi bien ce que font l’Italie et la France avec leur politique d’attrition des migrants qui sont passés à travers les mailles du filet – leur rendre le sol européen inhabitable, par tous les moyens.
La production réglée de l’inhabitabilité de certains territoires par certaines catégories d’indésirables devient, pour les gouvernants des démocraties occidentales contemporaines, un moyen stratégique de sanctuariser les réduits où se confine l’autochtonie blanche. Ce sont là les habits neufs du fascisme qui vient, affublé du faux-nez de la démocratie libérale. Plus largement, ce geste trouve sa place dans la topographie de la production générale de l’inhabitabilité de la planète par les militants de l’économie et leurs consorts qui président aux destinées des pays du Nord global.

20- Survolant de très haut les destructions, massacres et déportations en cours à Gaza, la rabbine Delphine Horvilleur statue : « En Israël et en Palestine, une forme d’idolâtrie annihile tout esprit critique ». Et de gloser sur « la jeunesse décimée en Israël, les enfants morts en Palestine » [5].
Le tour rhétorique propre au philistin, à la philistine en l’occurrence, est ici celui qui consiste à établir un principe d’équivalence là où il n’existe aucune commune mesure. Tout est biaisé dans ces formules supposément inspirées par la familiarité avec le Livre – on est bien loin d’une jeunesse d’Israël décimée (un sur dix) par l’opération du 7 octobre – si l’on tient absolument à parler d’une jeunesse décimée, alors c’est plutôt celle de Gaza qu’il conviendrait d’évoquer ici ; de la même façon est entièrement fallacieuse l’opération consistant à mettre en regard, comme deux entités séparées, Israël et la Palestine : c’est que, précisément, le cœur du problème est là : Israël, c’est aussi la Palestine et la Palestine, c’est aussi Israël – hélas.

Basil Levrett