En attendant Blondie

, par Alain Brossat


[1ère publication : 16 mai 2021]

« Les paniques morales (davantage que politiques, à proprement parler) qui incitent à se rallier à un ennemi du peuple manifeste au prétexte qu’il serait le seul candidat susceptible de "faire barrage" à un ennemi du peuple plus manifeste encore, nous avons toujours dit que ce geste panique autant que réflexe et somnambulique est la plus pure expression qui soit du renoncement à toute capacité propre du quelconque dans nos sociétés, que ce soit au plan de la pensée ou à celui de l’action. Non pas le geste qui sauve mais celui de l’abandon en rase campagne de toute espèce de puissance politique par le sujet populaire – individuel ou collectif. »

De retour au bercail après une longue absence, N. s’alarmait fort de ce que les gens de son pays s’avèrent, à l’évidence, aussi peu préparés à se tenir devant l’avènement annoncé de Blondie qu’ils avaient pu l’être à affronter l’épreuve de la pandémie. C’était un an tout juste avant que se célèbre la grande messe inévitable de la démocratie du spectacle, et N. avait arpenté les allées d’un aéroport déserté, comme arrêté dans le temps, toutes boutiques duty-free ouvertes, illuminées et abandonnées en toute hâte après une attaque de zombies ; ceci avant d’embarquer dans un avion tout aussi vide pour une longue nuit entre les mondes ; alors, le film coréen postapocalyptique du moment (Peninsula) lui était apparu comme une bien innocente bluette en comparaison de cette évidence de la fin du monde qui l’avait frappé lorsqu’il avait effectué ce parcours irréel entre ces lieux désertés où se tenaient immobiles, de ci de là, quelques fantômes de vendeurs et vendeuses en uniformes, comme saisis par un sortilège.
A l’arrivée, il avait replongé, sans transition, dans le trop-réel des approximations et de l’impéritie à la française : une police aux frontières qui ne transige pas sur les tests PCR et des agglutinements, aux postes de contrôle, de voyageurs de toutes provenances, quelle qu’y soient les conditions sanitaires ambiantes. La main gauche qui ignore ce que fait la droite, comme principe intangible de la « gestion » de la pandémie.
De retour au pays, flairant, observant, écoutant (et s’étonnant de tout comprendre sans effort – hélas !), aux aguets, N. succombait peu à peu au plus déprimant des pressentiments ; toutes les conditions n’étaient-elles pas remplies, se désolait-il, pour que se produise ce très redoutable enchaînement – celui qui conduirait, sans transition, de l’interminable calamité de la pandémie au couronnement de Blondie ? Ressassant ces idées noires, il s’étonnait de ce goût particulier, prononcé, que les gens de son pays semblaient manifester, ces temps derniers comme en d’autres circonstances passées, pour les désastres obscurs et les étranges défaites.
Il n’en finissait pas de s’interroger sur cette sorte de flottement, de distraction tenace que manifestaient ces anesthésiés face à ce qui, selon toute apparence, leur pendait au nez : après le virus, Blondie, les démo-fachos aux affaires, du maelström de la pandémie au cataclysme Blondie. Il s’affligeait de ce ton vague, pâteux et blasé de leurs conversations portant sur ces lendemains annoncés qui, fatalement, déchanteraient, ce pire toujours plus probable – mais dont ils peinaient manifestement à imaginer qu’il pût vraiment aggraver le perpétuel empirement d’un présent à la dérive. Il les voyait submergés par le grand dégoût, par cette immense fatigue accumulée au fil des mois et des mois d’errance dans le tunnel de l’épidémie sans fin, sans direction ni petite lumière au bout. Il les voyait résignés face au nouveau désastre dessiné sur la ligne d’horizon, tétanisés, découragés d’avance de se projeter dans l’avenir immédiat déserté par toute espérance politique. Quand s’évanouit l’imagination d’un autre scénario possible que celui qu’incisent dans la chair du présent les exterminateurs en tous genres – (celui d’une sorte de Juin 1940 endogène – une Occupation par un envahisseur intérieur), alors le nihilisme prospère et impose ses conditions.
Tout ce que N. entendait avait l’accent de cette radicale désorientation, de ce fatalisme au goût de cendres – rien à espérer, rien à battre et que survienne ce pire qui ne fera guère que renchérir, à peine, sur le pire du jour et qui, du moins, fera le show et électrisera l’ambiance... Le plus grand nombre, lui, ne ménageait pas ses efforts pour penser à autre chose et éviter de se poser la seule question qui importât à cette heure : et maintenant ? A quelle croisée des chemins nous trouvons-nous ? Qu’est-ce qui se tient face à nous, tout proche ? Qu’est, en réalité, déjà en train de nous arriver et dont les signes sont si nombreux, si manifestes ? Que signifie, prélude, promet si l’on peut dire, l’échéance – l’événement – qui se tient devant nous ?
De quelle espèce cette échéance est-elle ? Péripétie électorale, une de plus, peu propre à ce titre à altérer véritablement le cours des choses, le spécifique de la politique institutionnelle étant, dans le temps de la démocratie informe et plastique, d’être placée sous le régime du plus ça change, plus c’est la même chose ? Tel était en effet le dangereux sophisme inspiré par cet horrible bon sens, celui du fatalisme démocratique ; celui-là même qui, à cette croisée des chemins, portait le plus grand nombre à accueillir d’un soupir résigné (d’un haussement d’épaules accablé, ce qui revient au même) le couronnement annoncé de Blondie : s’il est constant et vérifié que la politique institutionnelle et les variations intervenant dans son champ ça ne remue que l’humus, les couches les plus superficielles de la vie commune, alors rien de ce qui s’y renouvelle ou s’y déplace ne saurait affecter nos vies en profondeur ni les bouleverser vraiment – tel était le raisonnement désastreux qui irriguait ces dispositions.
La politique institutionnelle étant placée sous le régime général de la malfaisance gouvernementale (la grande bêtise du pouvoir), celui, en quelque sorte naturel de l’empirement perpétuel – alors, rien ne pouvant être substantiellement ou qualitativement pire que le pire, le triomphe plus que possible, prévisible, de Blondie ne serait finalement qu’une péripétie du pire trouvant tout naturellement sa place dans l’ordre relatif de la sinistrose démocratique et de ses fluctuations. Rien, donc, qui soit de nature à éveiller ou soulever un peuple (réduit à la condition de population administrée (et maltraitée), à le tirer de son apathie. De Blondie, on finirait bien par s’accommoder, en se bouchant le nez, comme on s’était accommodé du reste, à défaut d’alternative.
Tel était l’enchaînement tout entier placé sous le signe du grand dégoût, cette version allégée et courante du nihilisme contemporain que N., tant soit peu effaré, voyait prospérer sous ses yeux. Le haussement d’épaules exténué, la moue de l’écœurement apparaissaient ici non pas comme ce qui viendrait résister, tant soit peu, à l’activisme des militants du nihilisme conquérant des exterminateurs, toujours plus nombreux et notoires ; c’en était bien plutôt la lugubre musique d’accompagnement, du côté du peuple en lambeaux. Cette sorte de flegme de mauvais aloi (qui est la contrefaçon du sang-froid), cette obstinée absence au présent, à une actualité surpeuplée déjà des signes avant-coureurs de ce basculement – Blondie et sa désormais solide cohorte survoltée, piaffant d’impatience de s’installer aux commandes de l’Etat, d’en coloniser les appareils, d’occuper les lieux de pouvoir et d’y faire prospérer ses infinis appétits de puissance sous le drapeau de la grande Bêtise, du grand appétit de nuire démo-facho [1].
C’est qu’en effet ce serait, s’échauffait N., non certes pour le temps et les temps, mais à coup sûr pour cinq ans, voire une décennie, une vraie conquête du pouvoir, c’est-à-dire de la puissance de l’Etat, de tous ses moyens de nuire au premier chef, dans tous les domaines, la rue, les espaces publics, les établissements d’enseignement et de recherche, les moyens de communication et d’information, les lieux culturels et l’expression de la pensée, les pratiques artistiques... Cette conquête du pouvoir (à commencer par les moyens de l’exécutif) rencontrerait immédiatement les dispositions de fractions entières (si ce n’est majoritaires) de la police [2] et, comme l’a illustré un tout récent épisode, de l’armée, réveillant tout un esprit revanchard – l’avènement de Blondie comme l’occasion si longtemps attendue de rejouer le match de la guerre d’Algérie perdue et de prendre une revanche, toute imaginaire (à défaut de pouvoir faire tourner la roue de l’histoire à l’envers) sur les défaites et les humiliations subies par la France impériale dans les temps de la décolonisation.
Blondie aux affaires, se disait N., ce serait non pas juste un tour de vis supplémentaire, bien plutôt une sorte de guerre civile plus ou moins ouverte, larvée, sporadique ou généralisée, une guerre déclarée par les exterminateurs hissés sur le pavois contre ceux qui, aujourd’hui déjà, sont désignés plus ou moins explicitement par les gouvernants comme les ennemis de l’Etat et qui, dès lors, seraient, comme groupe et catégorie, activement traités comme tels ; rapidement seraient mis dans le même sac et traités à l’identiques ceux qui, protestant contre ces persécutions, deviendraient à leur tour des ennemis de l’Etat, ceci selon la dialectique courante du « terroriste » et du « sympathisant » (pendant la guerre d’indépendance des Algériens ou bien encore en Allemagne pendant la campagne contre la Fraction Armée Rouge).
Blondie aux affaires, raisonnait N., ça ne sera(it) pas, comme l’imagine la classe moyenne blanche et parfumée aux Lumières, offusquée d’avance par la faute de goût de l’électorat populaire (forcément...) qui l’aura(it) adoubée, simplement une provisoire « nuit de l’esprit », une « honte » nationale face à l’étranger, la France risée du monde civilisé – l’occasion de s’exercer une nouvelle fois à se boucher le nez d’un air outré en attendant que ça passe ; Blondie aux affaires, ça sera(it) l’affect policier et vindicatif de la toute-puissance éradicatrice en pleine expansion, la police du ressentiment et de la haine de tout ce qui s’associe au post-colonial en premier lieu, au populaire rétif à la démocratie en battle-dress en second ; ce sera(it), du côté de l’armée, l’activisme néocolonial et antisubversif des héritiers spirituels de l’OAS en quête de restauration d’une « grandeur nationale » indistincte, aujourd’hui comme hier, de l’esprit de conquête colonial et des présomptions néo-impériales – au Sahel, en Syrie ou ailleurs.
Blondie aux affaires, ce ser(ait) un ton, un style, un déjà-vu – la petite musique infâme des années noires, d’un post-néo pétainisme abject et dérisoire – mais pas moins nocif pour autant – avec ses cohortes de personnages familiers (et qui, déjà, peuplent et polluent les espaces publics dans l’attente du moment rêvé où ils pourront donner leur pleine mesure) – le délateur (le corbeau), le collabo, le profiteur de la guerre (de cette sorte d’état de guerre contre le peuple que serait l’occupation de l’Etat par Blondie et ses légions) ; ce serait aussi le temps des vigilantes, ces milices d’ordre et de répression, sans statut légal mais dont les violences ciblées et hors-la-loi seront, seraient, comme celles de la police, constamment couvertes par les autorités légales ; ce serait, inévitablement, quand la situation en viendrait à se tendre, que prendraient consistance des foyer de rébellion et d’insoumission, le cortège des répressions sanglantes, des morts suspectes et des disparitions, des exécutions extra-légales (ciblées), des provocations grossières – dont l’avant-goût nous a été donné par les incidents survenus à la fin de la récente manif du 1er Mai sur la place de la Nation ; le temps des escadrons de la mort à la française, peuplées d’exécuteurs des basses œuvres issus, entre autres, des secteurs ultras de la police et de l’armée.
Ce serait tout ça et bien d’autres choses encore, renchérissait N., Blondie aux affaires, et pas seulement les uniformes scolaires, le lever des couleurs et la Marseillaise chantée en chœur dans les établissements d’enseignement, matin et soir. Ce ne serait pas une farce électorale de plus, plutôt une sorte de Juin 40 auto-infligé ; non point un faux-pas, un épisode malheureux dont la parenthèse se refermerait au soulagement de tous et sans laisser de trace, au gré du calendrier électoral ; bien davantage un signe d’époque : celui d’un évanouissement, une disparition, un renoncement collectifs affectant un peuple perdu en et pour lui-même, « paumé », égaré dans le labyrinthe de son propre présent. Ne sachant plus dès lors ni ce qu’il serait en propre ni où il irait, ni à la hauteur de quoi il lui faudrait se tenir ; un peuple déchiré entre les dispositions, les velléités les plus contraires. Et ayant basculé, à cette croisée des chemins, dans le grand dégoût de tout, succombant à la tentation du pire, juste « pour voir », pour la joie maligne de toucher le fond, appelé par les plaisirs obscurs de l’abjection.
Blondie aux affaires, ça ne serait pas un simple lapsus, l’accident de l’histoire, le peuple qui rate la marche et trébuche avant de se relever promptement ; ce serait plutôt, vitupérait N., une ordalie, une épreuve de vérité, l’occasion d’un impitoyable diagnostic en situation sur l’histoire d’une déréliction – celle d’un peuple qui aimait à se raconter qu’il avait un pacte avec l’esprit d’insoumission.

Prendre la mesure de cet événement annoncé, en prendre toute la mesure, se répétait N., ce ne serait en aucun cas ce qui devrait nous porter à remettre en selle le motif tous usages, destructeur du discernement politique par excellence – celui du moindre mal. Notre communauté furtive n’a cessé de le répéter au fil des élections présidentielles qui se sont succédées depuis le début de ce siècle (depuis, plus précisément, la commotion produite par l’irruption de Le Pen au second tour de la Présidentielle de 2003) : les paniques morales (davantage que politiques, à proprement parler) qui incitent, en ces circonstances à se rallier à un ennemi du peuple manifeste au prétexte qu’il serait le seul candidat susceptible de « faire barrage » à un ennemi du peuple plus manifeste encore, nous avons toujours dit que ce geste panique autant que réflexe et somnambulique est la plus pure expression qui soit du renoncement à toute capacité propre du quelconque dans nos sociétés, que ce soit au plan de la pensée ou à celui de l’action. Non pas le geste qui sauve mais celui de l’abandon en rase campagne de toute espèce de puissance politique par le sujet populaire – individuel ou collectif.
Nous l’avons dit, se rappelait N., au moment où il fallait le dire et avec suffisamment de force et de clarté pour que cela nous ait attiré notre lot d’injures et d’animosité, de mépris souverain , notamment lors de ces échéances de sinistre mémoire lors desquelles Hollande puis Macron ont bénéficié de l’horrible alchimie du moindre mal (l’un à la faveur du « tout sauf Sarkozy », l’autre du « tout sauf Le Pen ») ; nous l’avons dit et proclamé avec suffisamment de force en ces circonstances pour que cela nous ait valu toutes ces invectives aboyées par les militants, les crétins impensants du moindre mal, incluant plus d’un-e proche et ami d’hier. Des vitupérations proférées par des professeur-e-s de civisme sûr-e-s de leur fait, mais rapidement frappé-e-s de mutisme, au fur et à mesure que le sauveur du moment leur montrait, à l’épreuve du pouvoir, de quel bois le moindre mal qu’il était supposé incarner était fait...
Sur ce point, la conviction de N. était demeurée inébranlable : ce réflexe panique qui nourrit la rhétorique du moindre mal et vient aveugler le discernement de ceux-celles qui votent encore, invariablement, lors de chaque élection-reine, c’est le degré zéro de la politique, le stade suprême de l’aliénation de l’autonomie du sujet politique au leurre de la « représentation » – le triomphe du simulacre. Si des homoncules politiques comme Hollande ou Macron avaient quelque vocation que ce soit à représenter le sujet populaire dans ses dispositions et ses intérêts, en quelque occasion que ce soit, cela se saurait, cela se verrait, s’enflammait N. – et pourtant, de manière constante, à ce jour, ce tour de magie noire éculé a suffi à assurer, encore et encore, et en dépit de tout, la promotion de ces ennemis du peuple supposés moins pires que l’épouvantail hypostasié du moment.
Mais s’il devait s’avérer que ce tour a, désormais, enfin, épuisé toutes ses ressources ? Ce serait la providence de Blondie et N. n’était pas loin de penser que c’était là, précisément, le point d’inflexion du présent [3].
Il ne s’agirait donc pas de créer une panique en agitant le spectre de l’accession imminente de Blondie au trône républicain mais au contraire, de balayer une fois pour toutes la fantasmagorie du « faire barrage à... » consistant à s’agglutiner derrière le moins pire des ennemis du peuple dont il s’avérera rapidement à l’usage qu’il ne « fait barrage » à Blondie qu’en faisant du Blondie ; à cette fin, il conviendrait de commencer par prendre la mesure de la situation réelle, par l’identifier et la reconnaître dans ses traits propres – un désastre obscur.
C’est cela même que N. aurait aimé pouvoir, dans cet instant, crier, hurler sur les places publiques : moins que jamais l’heure est au dérisoire « vote utile », un crapaud dans la bouche une fois encore, elle est (l’heure) à tout autre chose – il va falloir s’apprêter à se battre, se mettre en ordre de bataille, et pour cela changer radicalement de dispositions. Ce que les Gilets jaunes ont commencé, il va falloir le redéployer, et à une toute autre échelle et dans des conditions infiniment aggravées. Ce sera une sorte de guerre, et si un nouveau peuple en émerge, ce sera dans l’épreuve, le sang et les larmes. Mais ce sera le peuple de l’émancipation retrouvé, par-delà la grande déroute de la pandémie.
Et ici N., emporté par son élan, n’hésitait pas à mobiliser Garibaldi au servie de la cause : « Je n’ai à vous offrir, proclamait le patriote italien à sa maigre cohorte de Chemises rouges affamée, traquée par les armées françaises et autrichiennes, rien que la faim, la soif, les marches forcées et tous les périls de la guerre. Que celui qui aime son pays avec son cœur et pas seulement avec ses lèvres me suive ».

Alain Brossat

Notes

[1N. s’amusait en ces circonstances de la façon dont les médias et les gens de l’Etat affectaient de prendre au sérieux le motif de la « normalisation » de Blondie et sa horde, de son alignement sur la normativité démocratique. Pour qui serait soucieux de savoir ce qu’il en serait en vérité d’un tel ralliement, il suffisait, se disait-il, de prendre en considération ce qui, dans le paysage de la politique mondiale présente, constituait le socle référentiel de la politique de Blondie : Trump, Bolsonaro, Netanyahou, Poutine. On aurait dans l’instant la connaissance la plus réaliste de ce qu’il en serait, à l’épreuve du pouvoir, de la conversion de Blondie à la bienséance démocratiques.

[2Aujourd’hui, ce sont les gouvernants et les syndicats de police qui montent aux créneau pour dissuader les journalistes d’employer l’expression de « violences policières » – quand des policiers commettent des violences illégitimes et illégales, ils sont punis, donc on ne peut pas parler à ce propos de violences policières – tel est le sophisme burlesque qu’ils nous servent à l’occasion. Sous Blondie, les choses se passeraient de façon différente : l’emploi même de cette expression exposerait son auteur-e, quel qu’il-elle soit, à toutes les rigueurs de la loi.

[3Il n’est pas nécessaire de s’étendre ici longuement sur les raisons pour lesquelles Blondie a, cette fois-ci, toutes les chances de son côté : l’une d’entre elles, et non la moindre, est que le petit requin aux yeux bleus et aux dents acérées a liquidé la gauche institutionnelle, la gauche d’Etat, tout en échouant à refonder une droite conservatrice capable d’endiguer la marche au pouvoir de Blondie et son parti – le résultat étant que le requin aux affaires se trouve voué à « faire du Blondie », politiquement, idéologiquement, et toujours plus distinctement, sans être en mesure, naturellement, de s’en approprier le label. En ce sens, le requin est le parfait fourrier de Blondie.