En attendant la variole du singe

, par Jennifer Cobrah


1- Méluche, Méluche, c’est pas avec les loups, qu’il danse, lui – c’est avec les urnes. Même qu’on appelle ça la Transe insoumise... En attendant, faudrait voir à pas confondre un petit remous votif avec un soulèvement populaire.

2- « It’s too late for revolution
Brace for the final solution »
(Muse, groupe britannique de rock progressif, Thought Contagion – ne manquent que les majuscules pour que la contagion – ou confusion – mentale touche à son comble)

3- Ce n’est pas l’amour qui est intéressant – c’est ce qui vient après : quand la dame qui vient de perdre son mari, au terme de décennies de vie commune, peut lâcher dans un soupir : « Tiens, finalement, il aura été l’homme de ma vie... » Ou bien, féroce : « Putain, qu’est-ce qu’il aura pu me faire chier, celui-là – et jusqu’au bout, encore ! » – l’un ou l’autre, indifféremment, selon l’humeur du jour...

4- Inhabitable veut dire, en anglais, habitable. Comment s’étonner, avec ça, que les supporters anglais foutent la zone au Stade de France et obligent le nain de jardin à sévir ?

5- Ce matin-là, en préparant son café instantané, N. entendit distinctement cette voix qui lui disait : « Personne ne t’a mandaté pour sauver le monde. Occupe-toi donc de tes chats ! ».

6- Agamben et son délire autour de la pandémie covidienne : c’est là que l’on retrouve le parfait disciple de Heidegger : l’alliance indéfectible de la puissance de la pensée et de l’ineptie politique.

7- Mais tout de même, si je me teignais la moustache en noir et que je m’achetais un marcel – est-ce que je ne ressemblerais pas quand même un tout petit peu à Freddy Mercury, au temps de sa splendeur ?

8- Encore une expression à la con : sortir pour prendre l’air – et avec quoi tu vas le prendre, l’air, gros malin, un filet à papillons, une pince à épiler ?

9- Avec l’affaire ukrainienne, la guerre prend une nouvelle tournure : ce n’est plus tant sur le terrain qu’il faut la gagner que dans les mots. Comme on n’a plus trop les moyens de l’emporter par la force des armes, on se rabat sur les narratifs. Et là, un bon comédien vaut bien quinze généraux copieusement étoilés. On peut appeler ça le paradigme de Zelensky.

10- Vous êtes-vous déjà demandé sérieusement quel était l’être au monde qui vous déteste le plus ? Homme ou femme ? Humain ou animal ? Beau ou laid ? Grand ou petit ? Bien ou mal fondé à vous haïr ? Etc.

11- Il y a belle lurette que ce n’est plus la censure qui nous étouffe – plutôt les petits arrangements, la fatigue, les abandons. L’ennemi est salutaire, il en faut, il fait son boulot. On ne peut pas tout lui mettre sur le dos. La faute à qui si nos voix ne portent plus ?

12- On demeure quand même un peu incrédule quand on se rappelle la façon dont la propagande nationaliste et guerrière a embarqué les peuples européens en août 1914, pour un voyage de quatre ans « au bout de la nuit ». On se dit qu’on ne s’y laisserait plus prendre, que nous sommes désormais vaccinés contre le bourrage de crâne et les mouvements de foule. Et puis, avec l’Ukraine, ça repart pour un tour – « En voiture, Simone, pour la petite croisade anti-totalitaire ! ». Poutine, c’est le Kaiser, le Hun en version slave... On se laisse embobiner, à l’identique, et quand on nous le dit, on s’étrangle d’indignation : « Mais comment pouvez-vous comparer ?! Ça n’a rien à voir ! ».
Ça a tout à voir. La seule question est de savoir quand cela deviendra clair comme le jour.

13- La démocratie, c’est une formation historique d’aujourd’hui et qui n’entretient que de lointains rapports avec d’autres formations historiques qui, en d’autres lieux et temps, se sont éventuellement parées du même nom. La démocratie comme idéalité n’est que l’idéologie de la première. Le jour où les croisés de la démocratie globale auront achevé de plonger le monde dans le chaos d’une troisième guerre mondiale, les prosélytes de l’idéalité démocratique continueront de nous expliquer qu’il y a démocratie et démocratie et qu’il faut se méfier des imitations, d’autant plus qu’elles sont généralement inspirées par la haine de la démocratie (la vraie, celle dont le brevet est déposé dans le coffre de R.).

14- Beau comme une fusée nord-coréenne s’abîmant en mer du Japon.

15- Comme ils aiment à vivre au milieu des ruines d’eux-mêmes !

16- « L’Etat n’est pas fasciste, mais sa police l’est déjà » – Jean-Paul Sartre, 1970. Ah bon, déjà ?

17- Territoire palestiniens occupés par les colons et l’armée israélienne : décrire une guerre de conquête comme une suite d’opérations de police, hélas rendues nécessaires par le perpétuel penchant des autochtones pour le terrorisme. Tout à fait l’opposé de la guerre de conquête de Poutine en Ukraine.

18- Cosmétique des pouvoirs : si le maquillage dont ils se barbouillent le visage est si épais (les ors et les pompes), n’est-ce pas tout simplement que leur intrinsèque laideur réclame impérieusement cet expédient ? Il faut toujours commencer par étudier les pouvoirs comme galerie de tronches – tout le reste s’y enchaîne...

19- Kant se trompe du tout au tout quand il dit que la Terre est sphérique pour tout le monde et que cela constitue une invitation à y circuler. Pour la plupart, elle n’est ni ronde ni plate, elle est hérissée de barbelés.

20- Sur l’illettrisme digital : quand les Etats modernes ont eu besoin que les gens sachent lire, écrire et compter, ils ont rendu l’école obligatoire, généralement gratuite, et ont formé des instituteurs. Quand il nous faut aujourd’hui entrer dans l’ère digitale, pour survivre, c’est : « démerdez-vous ! », chacun pour soi. Ultra-libéralisme et retour à l’état de nature – beau sujet pour le bac philo des jours prochains...

21- (en prime) : Ce qui nous précède de plusieurs pas est souvent ce qui vient de si loin derrière nous que nous en avons tout oublié et ne pouvons, pour cette raison même, en imaginer la puissance. Les idées les plus radicalement neuves et dotées de puissance destituante nous viennent du passé le plus lointain – non pas nécessairement le plus éloigné dans le temps, mais perdu dans les brumes de la mémoire.

Jennifer Cobrah