Et mon Front populaire, dis, tu l’aimes, mon Front populaire… ?
« Je voudrais pouvoir faire entendre ma voix d’un bout du royaume à l’autre, ou plutôt d’une extrémité de la Terre à l’autre. Je crierais de toutes mes forces : vous êtes fous ô hommes, vous êtes fous de vous laisser conduire de la sorte et de croire si aveuglément tant de sottises ».
Curé Meslier, curé d’Etrépigny (vers 1720).
1- Disparition de Françoise Hardy : trois jours de deuil national pour les militants du R.N. Quand Jordan sera premier ministre (bientôt, bientôt !), l’esplanade du Champ de Mars sera rebaptisée Jardin du Souvenir Françoise Hardy et les enfants apprendront à chanter « Tous les garçons et les filles » dès la maternelle. Les mauvais esprits en herbe modifieront subrepticement les paroles : « Toutes les garces et les fillons, se pressent dans mon page à la queue leu-leu, etc. ». Nadine Morano qui aura succédé à Rachida Dati au ministère de la Culture exigera alors des sanctions exemplaires.
2- A votre avis, cela faisait combien d’années que le gauleiter chauve des Alpes-Maritimes faisait de l’entrisme chez Les Républicains pour le compte de Marine ? Plus ou moins que n’en fit Mélenchon, au PS, pour le compte de Lambert ? Vous avez tort de ne pas vous intéresser à l’entrisme – c’est un sujet passionnant et cela livre les clés de bien des mystères de la politique politichienne.
3- Vous l’avez remarqué vous aussi ? Cela fait quelque temps déjà que la presse satirique française est devenue purement et simplement sinistre. Pas seulement Charlie-hebdo, depuis longtemps emporté par son instinct de mort, mais tout autant Le Canard enchaîné, en état de mort cérébrale, lui – désert du rire, Death Valley de l’humour à la française... La presse satirique nous donne envie de pleurer, les humoristes de radio se font saquer quand ils vannent encore, on ne rit plus que jaune dans cet Hexagone aux dents gâtées et aux culs serrés – ou ne s’amuse plus que du malheur des autres.
4- Chaque fois que je tombe, dans un livre, sur un passage où il est question d’un chat ou de chats, je le lis au mien, de chat ; ça le fait voyager, le pauvre, si sédentaire – une chance pour lui que je lise surtout des romans étrangers.
5- Très belles perspectives de coopération sécuritaire entre la France et l’Italie quand Jordan sera à Matignon et la Meloni toujours plus follement populaire à Rome : imaginez un type qui se fait pincer en train de bomber nuitamment sur un mur, à Valenciennes, « Aux chiottes Ciotti ! » – le lendemain il se retrouve à purger sa peine au bagne des îles Lipari. Même chose en matière culturelle : grand concert de Carla Bruni dans les ruines de Pompéi, luxueuse co-production franco-italienne d’un biopic consacré à Berlusconi, avec Depardieu dans le rôle principal. Titre provisoire de l’œuvre en trois dimensions (3 heures 50 minutes) : Bunga-bunga.
6- Est-ce Macron qui a congédié le réel ou bien l’inverse ? Dans tous les cas, le premier et le second n’entretiennent plus, désormais, que de lointains et épisodiques rapports.
7- Lorsque les femmes sont vouées, dans l’espace social et familial, à des positions subalternes, elles adoptent des stratégies et des tactiques destinées à leur permettre d’occuper des espaces de pouvoir sur les arrières de la domination masculine. Ces formes de pouvoir prennent souvent un tour oblique, inavoué, elles ont des allures de revanche, car elles sont la menue monnaie de la subalternité et de la subordination. Dans ces configurations, le pouvoir discret, voire invisible des femmes, peut s’associer d’autant plus au ressentiment qu’il est dépourvu de la capacité de s’exposer et d’être revendiqué comme tel.
Dans les conditions où les femmes sont promues dans des fonctions de pouvoir, encouragées à « prendre le pouvoir », à s’empowerer à mort (cette longue et grisante marche au pouvoir des femmes qu’exalte le féminisme de classe moyenne globale), l’exercice du pouvoir peut ouvertement s’associer à la jouissance et cet exercice trouve son acmé dans la faculté de nuire, de faire souffrir – le monde de Sade. La raison pour laquelle les femmes flics d’aujourd’hui tendent parfois à être plus redoutables que leurs collègues masculins, la raison pour laquelle les femmes de gouvernement sont généralement patibulaires, la raison pour laquelle les Erinyes de Metoo traqueront Polanski jusque sur son lit de mort – au-delà, même.
8- Une philosophie de l’Histoire résolument antidialectique : le fait que le sculpteur d’ivoire taille en artiste un godmiché de belles proportions et de fière apparence dans l’une de ses défenses n’a jamais été une consolation suffisante pour l’éléphant abattu par les braconniers, dans la force de l’âge.
9- Plutôt le clystère que ce Front populaire qui trouve d’emblée les mots pour insulter la résistance palestinienne mais n’a rien à objecter à la participation d’Israël à la « grande fête » des JO de Paris. Qui n’a, pour continuer dans le registre des forfaitures et des turpitudes, pas mis au programme la révocation de la loi portant sur « l’apologie du terrorisme ». Qui n’a rien d’autre à vendre que ce slogan au parfum de chrysanthème : avec les autres, ça serait pire. Qui pue la mort, avant même d’exister.
10- Comment voyez-vous le monde de demain dans une perspective résolument ciotto-bardellique ?
11- Quand je vois les élu.e.s du PC et de la France insoumise bardé.e.s de leurs écharpes tricolores, je me dis que celles-ci sont des préservatifs destinés à les protéger contre les virus de l’internationalisme, du cosmopolitisme et autres maux mortels. Je m’apitoie : si jeunes, et déjà si cons ! Et puis, je regarde la photo d’un peu plus près et je m’aperçois qu’ils.elles ne sont déjà plus si jeunes que ça. Qu’ils ont les tempes qui grisonnent sérieusement ; les vergetures qui affleurent. Comme le temps passe, avec ou sans écharpe !
12- Le foot féminin est tout sauf une grande cause féministe, c’est juste une histoire de gros sous – de droits de diffusion à la télé, avec l’argent de la pub qui va avec. S’il s’agissait vraiment de promouvoir par ce biais la cause des femmes, c’est-à-dire avant toutes choses, celle de l’égalité entre hommes et femmes, alors on commencerait par abolir la ségrégation entre les uns et les autres (comme on l’a fait à bon escient dans les écoles de la République et comme on le fait, maintenant, dans l’armée et la police) et on formerait des équipes mixtes, à tous les niveaux. Chaque équipe serait composée de cinq hommes et cinq femmes, le gardien et la gardienne des buts se relayant – une mi-temps chacun.e. La mixité entraînerait tout naturellement une dé-brutalisation de la pratique de ce sport (de brutes quand il est pratiqué par des hommes entre eux), les joueurs étant évidemment astreints à une certaine mesure dans les assauts livrés aux joueuses (LOL). Le beau jeu aurait tout à gagner à cette révolution tout entière portée par l’esprit de l’égalité. La promotion du foot féminin équivaut à celle de la séparation des sexes, notion à tous égards rétrograde, tout comme celle de la séparation des races, des couleurs, des religions, etc. Ce n’est qu’au prix d’un contresens absolu que l’on peut y voir un progrès et une avancée en matière d’émancipation des femmes. C’est un nouveau ghetto, et l’émancipation fait mauvais ménage avec le ghetto.
13- Note sur l’horreur que suscitent les armes bactériologiques et chimiques et le sens de leur prohibition : ce n’est pas parce que ces armes inspirent une horreur particulière que les Etats s’abstiennent d’y recourir (ce qui ne veut pas dire, au demeurant, qu’ils n’en fabriquent pas, just in case). On ne voit pas très bien en effet en quoi ces armes d’extermination produiraient des effets intrinsèquement plus désastreux que les armes nucléaires (surtout celles d’aujourd’hui), voire que les bombardements massifs du type de ceux qui ont réduit Gaza en ruines et en cendres. Non, ce qui retient fondamentalement les Etats, c’est qu’ils n’ont pas la maitrise de la dissémination : les gaz, les virus et les bactéries, ça ne s’arrête pas aux frontières et un produit toxique répandu sur Gaza serait tout à fait susceptible, porté par un vent mauvais, d’exercer de sérieux ravages à Ashdod. Si cet inconvénient majeur (dont les armées aux prises ont pris toute la mesure au cours de la guerre des tranchées, pendant la Première guerre mondiale), n’apparaissait pas insurmontable, il y a fort à parier que les armes chimiques et bactériologiques remporteraient le plus franc succès – tellement plus économiques que les bombardements aériens et l’entretien d’un arsenal nucléaire ! Si l’interdit qui frappe ces moyens de guerre, sanctionné par des conventions internationales mises en place par les Etats les plus puissants (du Nord global) est si vigoureusement prononcé, c’est aussi que ceux-ci seraient aisément susceptibles de devenir l’arme du pauvre face auquel le plus puissant des puissants demeure sans parade. Jusqu’ici ce tabou s’est, en gros, imposé, comme s’il relevait d’un principe humanitaire, moral, universellement reconnu. Mais c’est une fiction qui profite avant tout aux puissances équipées d’un arsenal nucléaire, comme si celui-ci avait pour vocation d’assurer la garde aux portes de la civilisation. Mais un jour, ce verrou « moral » (pour rire) sautera lui aussi, comme tant d’autres avant lui.
14- Grosse purge parmi les poids-lourds, chez les Insoumis : le tyran Méluche sibérise Garrido sans ménagement – mais épargne Panot. Staline lui-même n’est jamais allé aussi loin dans la terreur de masse placée sous le signe de l’arbitraire.
15- Quand les taxis étaient des 203 Peugeot, je portais des culottes courtes et la plupart des films étaient en noir et blanc. Mais il n’existe aucun rapport de cause à effet entre aucun de ces éléments…
16- Le mot que la philosophie doit, par les temps qui courent, pourchasser sans relâche, à coups de barre de fer : identité, sous toutes ses espèces, sans exception. Le vocable putride qui s’exhibe au fronton de la fabrique du malheur du monde.
17- Il y aurait urgence à inventer un produit désinfectant pour les boîtes à livres. Il suffit d’avoir l’odorat un tant soit peu exercé pour sentir, dès qu’on ouvre les deux battants de la boîte, que celle-ci a grand besoin d’être désinfectée. Et en général, ça ne loupe pas : à peine a-t-on commencé à y farfouiller qu’on tombe sur un Zemmour, un Houellebecq, un Max Gallo, un Jean Cau, un vieux Lartéguy sentant la sueur de para... Tous les services d’entretien des mairies seraient conviés à se procurer ce produit et à le pulvériser dans les boîtes une fois par semaine au moins.
C’est qu’on est exposé à contracter des maladies graves, avec ces cochonneries-là...
18- Après les Indigènes de la République, les Indigents – celles.ceux qui pensent sérieusement que les programmes électoraux engagent ceux.celles qui les fabriquent en toute hâte et croient dur comme fer que les surveillants de baignade du NFP les sauveront de la noyade dans la merde brune.
19- Voici ce que j’entends de tous les côtés : il faut tout faire pour empêcher les fascistes d’arriver au pouvoir. Tout faire, cela veut bien dire ici se préparer à voter au second tour des Législatives pour ceux-là même qui, aujourd’hui, mettent le Front Pop’ nouvelle manière dans le même sac exactement que Marine et Bardella – le coup classique, éculé, des « extrêmes » qui se rejoignent... Donc, tout faire pour faire barrage au fascisme, cela veut bien dire aller voter pour ceux qui nous (la gauche et tout ce qui est censé s’y rattacher) considèrent comme aussi nocifs et toxiques que les fascistes. Or, ceux qui pratiquent ces amalgames putrides sont les mêmes qui n’en finissent pas de copier-coller le programme des fascistes, avec le succès que l’on sait. Nous sommes donc appelés à faire barrage au fascisme en allant voter pour ceux qui clament bien haut que nous ne valons pas mieux que les fascistes (avec lesquels, au reste, ils entretiennent tant d’affinités). Comprennent qui pourra. Au diable ces constructeurs de raisonnements tordus qui ont un goitre à la place du cerveau.
20- En fait, on ne demande pas grand-chose aux morts – juste qu’ils foutent la paix aux vivants et s’occupent de leurs propres affaires de morts, bouffer les pissenlits par la racine, flotter à l’état de cendre au gré du vent printanier... Mais non, ça ne se passe pas du tout comme ça – il faut qu’ils s’acharnent à nous emmerder, jusqu’à la gauche. Les civilisations les plus sages sont sans doute celles qui enterrent leurs morts en plusieurs fois – ou plutôt qui, après les avoir enterrés une première fois, les réenterrent une seconde fois, avec le plus grand soin. Non pas pour les oublier – juste pour les empêcher de nuire.
21- Beate Klarsfeld (née Künzel) chez Marine : Heim ins Reich !
Anibal Possum