Foxtrot par-ci, paso doble par-là...
« Ubi solitudinem faciunt pacem appelant »
(Tacite)
1- Quiz : quel est l’Etat qui, en 2023, a tué le plus grand nombre de journalistes – et de loin – la Chine, la Corée du Nord ou Israël [1] ?
2- – Ça y est, c’est officiel : Marine et sa séquelle fasciste adorent les Juifs !
– À la broche ou au (dura)four ?
3- Loi sur l’immigration : que ceux qui ont voté pour Macron (ou, pire, ont abusé de leur notoriété en vue d’inciter à voter pour lui), ceci dans le but de faire barrage à Marine (plutôt que de faire prospérer le programme de celle-ci) se dénoncent. Cent coups de fouet sur le bas du dos – pour commencer.
4- Chaque fois que Marine se met un doigt dans le cul, Manu exige sa part du festin – à coprophile, coprophile et demi.
5- Tous ces mots de substitution, tous ces euphémismes (extrême droite, ultra droite, populistes de droite, nationalistes, identitaires...) pour éviter d’avoir à prononcer les mots qui fâchent – fascisme, fascistes. Parce que les prononcer, cela exigerait qu’on se tienne face au réel. Et qu’on se bouge. Or, on a toutes sortes d’envies et de désirs – sauf celui-ci : se bouger face à la petite bête puante qui monte, la bête fasciste qui monte et qui, en montant, prend de la masse et devient irrésistible.
6- La haine de l’étranger, les productions discursives, législatives, policières (etc.) qui vont avec sont le plus court chemin conduisant à la production de cadavres – en quantités variables, mais généralement en masse.
7- Pour être un bon chrétien, mieux vaut ne pas être trop névrosé (un peu, ça va). Sinon, c’est le chrétien et le christianisme qui sont mis au service de la névrose, et non l’inverse.
8- Poule qui roucoule ameute les foules (proverbe berrichon).
9- Pendant que la rabbine Delphine Horvilleur et le rabbin Haim Korsia, « grands », l’un comme l’autre, nous font les petites marionnettes dans Le Monde et à la télé (« Ainsi font, font, font... »), célébrant les vertus de l’humanisme, la fraternité et la tolérance dans la tradition juive, les bouchers de Tsahal transforment la bande de Gaza en abattoirs de Chicago. C’est la nouvelle vague du soft power, le coup de la kippa cool et de la rabbine en jeans, ça force tant l’admiration que la sympathie. C’est aussi le principe des vases communicants, révisé : plus le niveau de criminalité de l’Etat juif s’élève, plus les contrefeux s’allument, plus les correcteurs d’image paient de leur personne. Rien de tel qu’un petit coup de Lumières juives (Haskala) augmentées d’un bon petit film d’Amos Gitai sur Mubi pour effacer les vilaines images du massacre tant massif que programmé. Dans les interviews des deux dignitaires religieux publiés par Le Monde, pas un mot de celui-ci – on ne critique pas Israël en public, surtout pas. Obligation de réserve ou armée de réserve ?
10- Rohmer revisited : Accompagné un grand vieillard malentendant dans le cabinet d’une audioprothésiste prénommée Maud, accorte et en état de grossesse avancée. Moralité : le luron qui a passé sa nuit chez Maud n’y est pas, lui, contrairement au peine-à-jouir Trintignant, allé pour rien.
11- Enfin des bonnes nouvelles : je reçois à la maison, et sous enveloppe, les vœux de Marion Maréchal pour la nouvelle année – délicate attention. Elle se (et me) demande à cette occasion : « Pourra-t-on encore fêter NOËL en France dans 20 ans ? » – la réponse est plutôt non, à cause de l’ « islamisation conquérante » soutenue à tout crin par la « gauche qui veut tout déconstruire » (saloperie de gauche derridienne...), des tribunaux qui interdisent d’installer des crèches dans les mairies, des sapins « souvent bannis dans les écoles » sous prétexte de ne pas fâcher les parents immigrés...
Pour le reste, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, « nos églises sont vandalisées, nos fêtes, notre calendrier, notre mode de vie sont progressivement remplacés par les mosquées, le halal et le voile islamique ».
Eh bien, moi qui ne vis pas dans le même monde que cette blonde-là (qui ne partage avec elle aucun monde commun, si ce n’est l’air pollué que nous respirons l’un et l’autre), je dis : si seulement cela pouvait être vrai ! Plus de cadeaux de Noël à revendre sur Leboncoin, plus de chants de Noël beuglés par les haut-parleurs dans les rues de ma ville, plus de vomi de dinde truffée sur les trottoirs au matin du Jour de l’An ! Quelle fête !
Marion, toute à sa croisade, en rajoute un peu : « Cher Français, regardez autour de vous : pendant que certains politiciens prennent soin de souhaiter de bonne fêtes de l’Aïd et du Ramadan, il effacent nos illuminations, nos sapins, nos crèches ».
Eh bien moi, je dis : si seulement ! Dix jours de congés pour tous à l’occasion du Ramadan, en application du principe de l’égalité républicaine ! Gâteaux au miel et dates fourrées pour tous, aux frais de la princesse (Marianne, pas Marion) !
Je rigole, mais au vrai, pas tant que ça : c’est un fait qu’il se trouve chez nous une proportion variable de gens sachant lire et qui parcourent cette prose apocalyptique sans se taper le cul par terre ni s’étouffer de rire. Et là, ça ne rigole plus...
12- Tintin au Congo : le hautement litigieux album consacré par Hergé aux aventures du « petit reporter » blanc dans la colonie belge d’Afrique équatoriale (1931-32) reparaît, équipé d’une préface rédigée par le président de l’Association Les Amis de Hergé (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). Dans ce texte apologétique, il nous est dit que, si les Noirs sont représentés de façon stéréotypée dans cet album, son auteur ne saurait être qualifié de raciste pour autant : les stéréotypes et les clichés, c’est l’esprit de l’époque, c’est ainsi qu’ « on » voit les Noirs dans ces temps-là, qui sont encore ceux de la colonisation.
Cet argument de supposé sens commun, très massivement opposé aujourd’hui à la pensée décoloniale par les « antiwoke » de tout poil, ne vaut rien. L’objection définitive qui peut et doit lui être opposée est la suivante : il se trouve que, dans le temps même où cet album fut conçu et mis en circulation, des penseurs critiques du présent se dressaient contre ces stéréotypes coloniaux/colonialistes et en dénonçaient la nocivité. Il n’existe donc aucune fatalité qui contraigne un artiste, un publiciste, un intellectuel (etc.) à se plier (et particulièrement en une matière aussi litigieuse) à la prétendue loi d’airain du « on » et évoquer la colonisation et décrire les colonisés en mode mainstream – de grands enfants, des ahuris, des sauvages, bons ou mauvais...
On identifie toujours, dans ce présent même, d’autres regards, d’autres approches possibles, d’autres perspectives sur la colonisation et les colonisés. Hergé n’est nullement voué à se faire un renom et une fortune en surfant sur les stéréotypes coloniaux. L’argument, avancé par le préfacier, selon lequel Tintin au Congo n’est pas raciste car il n’est pas animé par un esprit de vindicte ou le mépris à l’endroit des Africains n’est pas seulement indigent, il se retourne en son contraire – les stéréotypes sont, ici, hiérarchisants et paternalistes, ce qui nous conduit tout droit au cœur de l’esprit et l’entreprise coloniale.
On a toujours le choix, en la matière – le plus simple et le plus rémunérateur, quand on fabrique des histoires à propos de l’Indochine ou de l’Algérie « françaises », c’est de faire du Lartéguy – mais c’est infâme et désolant. On peut aussi faire du Léon Werth, du Andrée Viollis, du Madeleine Riffaud (etc.) – mais c’est plus ardu, cela demande du courage, et c’est moins rémunérateur.
13- Ceux qui se tiennent sur le seuil de la mort, entrés notamment de longue date dans le grand âge, sont curieusement habités avant tout par le sentiment de s’être fait avoir – si c’est ça, une vie, franchement, c’est avant tout une grosse arnaque. Ils ne sauraient dire précisément par qui et comment ils se sont fait duper, mais, rétrospectivement, c’est la teinte dominante du souvenir de leur propre existence. Paul Nizan a tiré de ce motif un beau roman – Antoine Bloyé.
14- Les antiwoke, c’est l’Algérie française du mouvement décolonial : les chiens aboient, la caravane passe. Les chacals glapissent, il en faudrait un peu plus pour détourner ou arrêter le cours des astres.
15- Erreur fatale de ceux qui pensent qu’une philosophie puisse être entièrement déconstruite politiquement, soluble dans une critique politique de ses présupposés – la grande santé philosophique survit insoucieusement à sa démolition politique. Non pas qu’elle se tienne toute entière hors de portée d’une critique politique – disons qu’elle n’est qu’en partie soluble dans une critique politique. Le cœur d’une vraie philosophie n’est pas soluble dans sa critique politique. Bergson double le cap Politzer sans encombres, la « parade philosophique » se porte mieux que jamais [2]. Être et temps n’est pas soluble dans le Discours du Rectorat et le ressentiment ultérieur qu’il attise, etc.
16- Dans la série des proverbes cochons : qui vivra verrat.
17- Opium du peuple : d’un point de vue chinois, la démocratie à Hong Kong, c’est le dernier ballot d’opium jeté par la puissance impériale britannique dans le jardin de Pékin. Plus généralement, ce n’est plus la religion qui est, à l’échelle globale, l’opium du peuple, c’est « la démocratie ».
18- Ailleurs, c’est ici : avec Gaza, nous sommes aussi, déjà, en guerre, dans un monde placé sous le signe de la guerre et non de la paix. Mais comme les bombes ne s’abattent pas sur nous, nous affectons de ne pas le savoir. La guerre peut être globale et même totale sans jamais être homogène – peut-être mon village ne sera-t-il jamais bombardé ni incendié par un envahisseur sans pitié et l’illusion d’une certaine paix, d’une « drôle de paix » s’y maintiendra-t-elle durablement... Mais ça ne sera pas la paix pour autant. Ce qui se montre à Gaza, en mer de Chine, c’est que notre monde a déjà basculé du côté de la guerre. Il n’est plus temps de parler de la guerre qui vient (peut-être), mais de la guerre qui se dévoile, par places, dans ses points d’intensification. Le local et le lointain sont désormais de pures illusions. Le régime (politique et historique) général sous lequel nous vivons désormais est celui de la guerre endémique et non plus de la paix menacée.
Reste toujours, bien sûr, la ressource illusoire de tuer le messager.
19- Quand le Parti animaliste sera (enfin) aux affaires, les chats de dix ans et plus bénéficieront de leur carte senior. Celle-ci leur donnera notamment droit à l’achat de croquettes de marque Purina, avec une ristourne de 25%.
20- Ce n’est pas nous qui sommes obscènes, c’est ce présent même auquel nous tentons désespérément de faire face en faisant écho à son obscénité, précisément.