« Il est mort, il est embaumé... » (Pourquoi tant de Chichis ?)
Au cas où vous seriez passé à côté : Jacques Chirac est mort !
Que de bruits, que d’odeurs !
L’odeur du troupeau qui se rassemble, comme pour Charlie, comme pour Johnny, qui ne sait pas pourquoi mais qui se rassemble, parce que ça fait du bien, de temps en temps, de faire masse pour bêler à l’unisson avec la télé, avec les journaux, même les supposés sérieux, voyez Le Monde, ils en font des tonnes, on finirait par croire qu’ils sont de la famille !
Et les ennemis de toujours qui s’y mettent, les fascistes qui ne crachent plus sur les tombes et n’insultent plus les morts – ils sont devenus urbains et compatissants, même Marine y va de sa larme !
Et Poutine, et la Françafric, et les momies, les déchus, les infréquentables, les indéboulonnables... ils sont venus, il sont tous là, l’Elyséen leur serre longuement la main, Brigitte pète la bise à qui en veut, le premier recompte ses doigts...
C’est en ce genre d’occasion que l’on saisit vraiment à bras-le-corps la futilité intrinsèque des régimes démocratiques modernes – plus d’exception ou presque au fait que ceux qui y accèdent à la fonction suprême finissent, après quelques années, rincés, lessivés pour les uns, cramés et carbonisés pour les autres, honnis pas les cochons de votants prêts à jurer que jamais on ne les y reprendra – une vraie fuite à Varennes, indéfiniment répétée...
Flash-back express : Chirac, tellement en bout de course au terme de son second mandat, pire qu’un marathonien à Doha, qu’il n’est même pas foutu de barrer la route à son meilleur ennemi, dans son propre parti – le Sarko aux dents de requin... Et puis voici que quelques années plus tard l’animal politique passe l’arme à gauche et que, dans l’instant, l’union sacrée de la mémoire pleurarde se forme autour de sa dépouille – pas seulement les gens de com’ et de pouvoir, ceux dont c’est le métier et qui font le job, non, cette interminable et calamiteuse queue qui se forme pour aller baver sa peine sur le registre, et toute cette poussière d’humanité amnésique qui joue des coudes pour capter le micro-trottoir et dire combien elle l’aimait, son Chichi...
Maintenant que passé, le grand Jacques se sent à l’étroit dans son musée des Arts premiers... Plus grand mort que vivant, comme l’autre, il lui faut, nous dit-on, du plus large, du vrai spacieux, un truc qui ait de la gueule, une avenue, une esplanade, un rond-point maousse, quoi... Las ! Tout est pris occupé, surbooké, presque – et il faut voir comme ils s’y cramponnent, à leurs plaques, nos grands morts ! Rien à faire, ils ne lâchent rien !
Une seule solution – la décentralisation ! On rebaptise l’atoll d’Ouvéa... Atoll Jacques Chirac, vous direz ce que vous voulez, ça a de la gueule...
Et c’est Manu et Brigitte qui en profiteront pour aller annoncer la bonne nouvelle aux locaux. Et prendre un bain de soleil bien mérité au passage, après un si long voyage.