L’utopiste, c’est toi !
Toi qui penses commerce, économie, part de marché, cours de l’action.
Toi qui penses que sortir du capitalisme est idiot, suicidaire, démago, des élucubrations de hippies perchés.
Tu ne jures que par le matériel, l’obsolescence programmée, la surconsommation. Le matériel c’est la vie, le paraitre c’est ton identité. Je possède donc je suis.
Pour toi la mondialisation est un joli mot et le libre-échange c’est la liberté… et oui dans ta pensée binaire si c’est « libre » c’est forcément synonyme de « liberté ». La novlangue t’a conditionné pour ne surtout pas réfléchir au sens réel des mots et à leurs conséquences.
Tu me jettes à la gueule que je suis une gaucho-bobo-écolo lorsque je te dis que la croissance effrénée est responsable de la sixième extinction de masse. Mais tu t’en branles. Parce que ton utopie capitaliste se conjugue au présent. Ce qui va se passer dans un futur proche, ne t’intéresse pas. Ton trading haute-fréquence ne concerne que la nanoseconde.
Les inégalités, tu t’en branles (aussi) parce qu’enfermé dans ta grotte platonicienne, des heures à contempler ton ombre, tu ne les vois pas. Et dans ton monde ce que tu ne vois pas n’existe pas.
J’attends un remake de 2008.
J’attends que la bulle spéculative t’explose au visage. En lisant cela tu souris. Parce que tu te sens invincible, possiblement immortel.
Avec un peu de chance (ma chance) une crise financière sans précédent surviendra très bientôt. Tes actions si précieuses s’effondreront. Et ton utopie aussi.
La valeur de l’action n’était donc qu’un chiffre sur ton écran. Ton bonheur n’était quantifiable qu’en devises. Il est possible qu’en ce jeudi noir, tu sautes du quarantième étage d’une tour de verre. Je m’en fous. Mon « jemenfoutisme » n’est pas plus violent que le tien. Il n’est pas plus violent que tes actions dans les énergies fossiles, que tes godasses de marque fabriquées dans le tiers-monde, que ta fameuse phrase « le sdf est dehors parce qu’il l’a choisi » ou lorsque tu caches ton mépris et ton intolérance derrière l’expression « on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » en apprenant la mort de migrants en mer Méditerranée.
Tu juges mon « jemenfoutisme » violent que parce qu’il te concerne. Dans ton monde la mort n’a pas d’importance si elle est loin de toi. Mon « jemenfoutisme » est bien moins violent que ton mépris et ton ignorance.
L’utopiste c’est bien toi.
Toi qui pompes les ressources, les pensant inépuisables. Le capitaliste décomplexé qui regarde le monde s’effondrer esquissant un sourire à la lecture de ces mots.
Ton utopie contrôle ta pensée binaire. Thatcher est ton gourou … « There is no alternative », n’est-ce pas ? Cela t’arrange bien de penser cela.
Pour toi, la violence de la rue est l’origine du mal… tu te refuses à l’analyser comme une conséquence de la violence d’Etat. Cette violence d’Etat qui est à l’origine de la destruction du vivant, à l’origine de l’accroissement des inégalités, qui n’est que compromission et corruption.
Pour toi, le scandale c’est la photo d’un Fouquet’s qui brûle, ce temple du pouvoir inaccessible aux 9 millions de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté. Eux, d’ailleurs, tu en parles peu voire jamais. Au mieux, ils sont invisibles. Au pire, la misère dans laquelle ils se trouvent, est de leur faute. Ta capacité d’analyse sociologique est à la hauteur de ton empathie. Inexistante.
La fortune des 26 Français les plus riches dépasse ce que possède un tiers des plus pauvres. Pour toi c’est normal, ta définition du ruissellement c’est d’uriner en cascade depuis le haut de ta pyramide.
Tu n’ignores pas que ce gouvernement est en train de tuer 40 ans d’acquis sociaux mais au fond tu t’en branles puisqu’à toi il t’a supprimé l’ISF. Au-delà d’être binaire, tu es un sociopathe.
Je t’ai lu plusieurs fois sur les réseaux sociaux : tu attends que l’on nous tire dessus à balles réelles, nous, les opposants politiques… oui parce que ta non-violence s’arrête à partir du moment où le « pauvre » en demande un peu « trop » selon ton jugement. Ta non-violence est finalement comme ton intellect. Inexistante.
Et parce que cette révolution est menée par des classes moyennes et pauvres, elle ne serait pas légitime ? Dans le 7ème pays le plus riche du monde, la légitimité de ceux qui veulent vivre décemment se trouve dans l’opulence de ceux qui se vautrent dans le luxe.
Tu es à la conservation de la vie, ce que BHL est à la philosophie, ce que Praud est au journalisme, ce que Bolloré est à l’humanisme, ce que Kim Jong-un est aux droits de l’homme, ce que Macron est au respect des classes populaires, ce que Trump est à l’écologie, ce que Le Pen est à la tolérance. Le niveau Zéro. Tu t’énerves. Car dans ton esprit étriqué, dans tes raccourcis stupides, tu penses que je te compare à ces gens. Alors que je ne fais qu’opposer ces personnes à ce qu’ils exècrent. BHL exècre la philosophie sinon il se tairait… CQFD. Tu exècres la conservation de la vie car elle te fait perdre de l’argent ou au mieux elle ralentit ton ascension vers un sommet que tu penses au-dessus de ton océan de plastique, au-dessus de ton nuage de pollution.
Oui tu continues de sourire. Car tu ne conçois pas ta défaite. Car le mépris est ta seule arme. Ta chute a déjà commencé et comme dit l’autre : « jusqu’ici tout va bien ». Quant à moi je ne manquerai pas de sourire lors de ton atterrissage car lorsque finira ton utopie, la mienne commencera.
Quand il n’y aura plus ni faune, ni flore,
quand le feu aura tout ravagé,
quand la montée des eaux et les températures extrêmes auront forcé des millions d’entre nous à l’exode,
quand l’air pollué sera irrespirable,
alors le capitaliste décomplexé regardera satisfait, la bave au coin des lèvres, son compte en banque débordant de millions, cette somme à 7, 8 ou 9 chiffres qu’il ne pourra plus dépenser dans un monde ravagé par sa cupidité.
Illustration : Liz Canals