La Corée tremblante (Shaking Korea) au temps du Coronavirus
Prologue
A 11h17 au 26 février 2020 Heure de Corée du Sud
1146 personnes contaminées, 11 morts, 22 guéries.
À Daegu, où il y a le plus de cas confirmés en Corée, comme à Wuhan dans le contexte chinoise, je commence à écrire ce texte chez mes parents à Daemyeong-dong, le même arrondissement que l’église Sinchonji, l’épicentre de la contagion.
Les rues de Daegu sont tranquilles et de nombreux magasins sont fermés, la rentée a été retardée dans les écoles, les gens travaillent à domicile et je ne suis pas sortie de la maison depuis une semaine comme le Hikikomori. Les
Hikikomori (les adolescents reclus, souvent addicts aux jeux vidéo, au Japon) étaient bien représentés dans Shaking Tokyo de Bong Joon-ho, rendu célèbre par son film Parasite.
J’ai terminé mon cours d’hiver à Séoul plus tôt que prévu et je me prépare pour un cours de printemps commençant en avril et J’espère aller à Séoul en avril.
Hier, à la télé quelqu’un a parlé du « blocus » de Daegu et mentionné que de nombreux citoyens de Daegu étaient en colère.
En fait, les bus reliant Daegu à d’autres villes sont souvent supprimés en raison de difficultés financières dues au manque de clients.
Alors je vais examiner la situation du coronavirus de la Corée du Sud du point de vue de Foucault et faire quelques hypothèses concernant la situation du coronavirus en Corée du Nord.
Biopouvoir et coronavirus en Corée du Sud
Maintenant, en Corée du Sud, cela ressemble un peu au contrôle de la peste dans le passé - interdire aux gens d’aller et venir, envoyer des patrouille chez les gens et leur distribuer des consignes - quand et comment sortir, quels aliments manger, obliger ceux qui se retranchent chez eux à ouvrir leurs portes et les forcer à se montrer... Je vois là un mécanisme de discipline à l’œuvre, partout où la présence du virus et confirmée.
C’est aussi une anatomo-politique qui s’applique au corps de chaque individu, une notion proposée par Foucault.
Comme dans le cas de la variole, quand on évalue le risque de se faire vacciner contre le coronavirus, l’ancienneté du virus, quand on calcule le taux de mortalité, que l’on examine les conséquences à long terme de la maladie, ce que l’on met en œuvre, c’est dispositif de sécurité bio-politique.
La bio-politique, l’ensemble des mécanismes qui entraînent les éléments biologiques fondamentaux de l’espèce humaine dans la politique, les stratégies politiques et la stratégie générale du pouvoir, vont maintenant se mettre en mouvement. Cela a déjà commencé.
L’anatomo-politique et la bio-politique ne sont pas opposées l’une à l’autre mais sont plutôt deux pôles de développement reliés par des relations intermédiaires. L’organisation du pouvoir sur la vie s’articule autour de deux enjeux : la discipline physique et le contrôle de la population.
Derrière la vie, c’est la mort. La vie et la mort vont ici de pair.
En envisageant les choses sous l’angle de la bio-politique de Foucault, on peut voir que la thanato-politique a émergé avec coronavirus.
Lorsque les nouvelles concernant la situation de coronavirus en Chine ont montré que la situation était grave,, on a vu apparaître en Europe un discours de haine anti-chinois et anti-asiatique.
On dit que lorsque les Asiatiques entrent dans le magasin, ils sont obligés de sortir et même empêchés de toucher les légumes des supermarchés. D’un autre côté, certains Européens ont spontanément embrassé des personnes asiatiques.
Mais ce n’est pas tout.
En Corée, on a, sous différents prétextes, bloqué les personnes en provenance de Chine, et les étudiants chinois qui viennent en Corée sont isolés dans leurs dortoirs depuis un certain temps.
Le pouvoir investit les différentes dimensions de la vie, promeut un discours des espèces, de la race lorsqu’il prend en charge la vie de la population. L’exercice du pouvoir peut tuer la vie. Le racisme est impliqué ici.
On établit des hiérarchies entre les races, on dit aux uns : laissez-les mourir pour que vous viviez davantage, de ce fait même !
Biopouvoir au Coronavirus en Corée du Nord
Le biopouvoir est partie intégrante du développement capitaliste. Mais il a été transplanté et modifié sous une forme plus avancée par les États socialistes au XXe siècle.
Dans le socialisme du XXe siècle, le problème de la gestion du travail et de la planification et de la gestion de la reproduction sociale était pris en charge par le pouvoir de l’État. La planification moderne du contrôle corporel et de la discipline est plus rapide et plus complète.
Un exemple probant en est la « zone de responsabilité » du médecin.
Le système des zones pour les médecins est un système de gestion de la santé où les médecins ont sous leur responsabilité un nombre de personnes qu’ils ont eux-mêmes préalablement défini. Cette organisation est établie en fonction des exigences particulières de la société socialiste qui requiert une assistance totale de l’Etat et du parti de la classe des travailleurs en faveur de la vie et de la santé du peuple et qui de fait le surveille systématiquement. Ce système est devenu une garantie importante pour augmenter les moyens mis au service de la conservation de la santé et de la prévention des maladies de toute la population [1].
La médecine socialiste, quant à elle, est une médecine préventive, un dispositif bio-politique..
En Corée du Nord, la politique de médecine préventive est basée sur une analyse scientifique de la priorité et de l’importance de la prévention dans la relation entre traitement et prévention.
Dans la société socialiste de Kim Il Sung, la prévention des maladies n’est pas simplement un problème pratique médical et technique, mais dans son essence, le peuple est libéré de la maladie pour toujours, dans son rôle de maître de la révolution et de la construction, il développe rapidement les forces productives du pays et améliore l’environnement dans son ensemble. C’est un enjeu sociopolitique que de modifier et de protéger la santé des gens.
Jetons un coup d’œil à la situation actuelle du coronavirus nord-coréen.
Selon BBC Korea, la Corée du Nord a mis en quarantaine 380 étrangers par crainte d’une nouvelle infection par le coronavirus.
Le bureau central de Chosun (un média ultra-conservateur de Corée du sud) a déclaré que la plupart des étrangers isolés étaient à Pyongyang. P étaient des diplomates. Plus de 200 étrangers ont été confinés dans la région depuis le mois dernier. Jusqu’à présent, aucun cas d’infection au coronavirus n’a été signalé à la Corée du Nord [2].
Cependant, l’OMS est portée à douter des affirmations de la Corée du Nord étant donné la situation économique et la mauvaise qualité des installations médicales.
Comme la Corée du Nord est étroitement liée à la Chine, les autorités coréennes sont extrêmement préoccupées par le risque d’épidémies, et bloquent efficacement toutes les frontières et suspendent tous les trains internationaux pour isoler efficacement le pays afin de prévenir l’épidémie [3].
Malgré ces précautions, cependant, des cas ont été signalés dans le nord et la capitale, Pyongyang, a déclaré le Guardian.
Il a également signalé que des bureaucrates séquestrés en Corée du Nord par précautions contre la contamination par le coronavirus étaient secrètement allés dans des installations publiques et avaient été, pour cela, exécutés [4].
Il faut, en Corée du Nord une carte de voyage pour déplacer à l’intérieur du pays, ce qui limite la liberté de mouvement.
La situation est bien décrite dans une nouvelle [intitulée Accusation] écrite par un écrivain nord-coréen nommé Bandi.
Bandi est né en 1950. Après une guerre, lui et ses parents ont fui en Chine, où il a passé son enfance, puis ils sont retournés en Corée du Nord. Bandi, qui était bon en littérature, est également apparu dans des magazines nord-coréens [5].
Bandi a recueilli les histoires douloureuses à propos des épreuves endurées par les Nord-Coréens mais, à défaut de pouvoir les partager avec quiconque, il les a fondues dans ses œuvres. Un jour, lorsqu’un parent a décidé de fuir la Corée du Nord, il lui a confié le manuscrit qu’il avait en sa possession. À cette époque, cependant, ce parent n’est pas parti avec le manuscrit, et plus tard, le manuscrit est parvenu en Corée du Sud et a été publié [6].
On y trouve une histoire à propos de Yeong-cheol, une courte histoire où il est question d’une tentative de Bandi pour rentrer chez lui après avoir entendu dire que sa mère n’allait pas bien.
Il n’a pas pu obtenir de carte de voyage et a quitté son domicile sans certificat.
Il n’est pas arrivé jusque chez sa mère, a été arrêté et condamné à la prison.
Délivrance de la « carte de voyage », la « zone de responsabilité » du médecin et médecine préventive - ce sont là des dispositifs du biopouvoir en Corée du Nord et qui auront un impact significatif sur la situation au temps de l’épidémie de coronavirus.
Le nombre élevé de patients atteints de coronavirus en Corée du Sud est dû à la situation des églises protestantes coréennes, difficile à comprendre pour les Européens, mais aussi à cause du fait que les informations sont disponibles. Nombreux sont ceux qui ne croient pas qu’aucun coronavirus n’a été confirmé en Corée du Nord - tout dépend de la confiance qu’on accorde aux informations diffusées par le régime.
Il est difficile d’exiger la transparence des émotions, mais il est nécessaire d’avoir une certaine clarté à propos des événements, à défaut d’une totale transparence.
En Corée du Nord où il n’y a pas de liberté de mouvement, il sera facile de bloquer les villages et les villes. Cependant, il est à craindre que le coronavirus se soit diffusé ces jours-ci, du fait de l’importance du commerce et des échanges avec la Chine.
Il convient de noter que le danger du coronavirus est plus efficace pour conduire la Corée du Nord à tenir un profil bas que les sanctions économiques américaines et que l’alliance militaire américano-sud-coréenne - depuis que l’épidémie s’est déclenchée, sa propagande a été mise en veilleuse.
Epilogue
En Corée du Sud, de nombreuses personnes infectées par le coronavirus ne respectent pas les consignes, à l’exception des églises, où la discipline dont parle Foucault est imposée, des hôpitaux psychiatriques, des écoles et des militaires.
Il est paradoxal que de nombreux patients sortent de cette discipline.
Le patient et le contact sont isolés et le contact est interdit.
D’autre part il dispose d’un mécanisme de pouvoir pour l’ensemble de la population.
Pour combattre ce coronavirus, les Coréens font des cours sur Internet, regardent des films sur YouTube, envoient et lisent des sms, passent des commandes sur Internet, utilisent leur voiture et paient par cartes, sans manipuler l’argent, sans oublier les virements bancaires. Sans les commandes sur Internet, les magasin aurait peut-être connu des pénuries et les citoyens seraient devenus violents, comme dans le film Contagion.
J’ai l’habitude de faire ces choses, mais maintenant je ne peux pas m’empêcher de le faire.
C’est une ère d’humanisme technologique, au pont de données dont parle Yuval Noah Harari dans son livre Homo Deus.
Mais je pense que plus de temps est nécessaire pour élaborer une bio-éthique plutôt qu’une bio-informatique et une bio-politique.
Foucault a montré dans ses livres comment passer du politique au moral et au philosophique.
Pour se débarrasser d’un virus, se laver souvent il faut se laver souvent les mains, utiliser les masques qui ne sont pas familiers aux Européens- les Asiatiques utilisent généralement des masques en raison de la poussière jaune et de la poussière fine, pour des soins personnels, tels que des exercices à la maison pour augmenter leur immunité. En fait les symptômes du froid en hiver ont disparu à cause de ces activités.
Si vous avez un rhume, prenez-en soin à la maison. S’il ne disparaît pas après 3-4 jours, vous devriez consulter un médecin. Les patients atteints de maladies dormantes peuvent se voir prescrire des médicaments à l’avance et les patients sévères peuvent être traités à l’avance. Je pense que nous devons développer le souci de soi pour la gestion de la vie, la considération pour les autres et nos propres techniques éthiques (bio-éthique).
Désinfection, développement de vaccins et les soins hospitaliers sont laissés à la bio-politique.
Aux dernières nouvelles, que le nombre de de personnes infectées a augmenté alors que j’étais attelée à la rédaction de ce texte.
Je termine ce texte avec la crainte que si cette situation dure plus longtemps, quelque chose comme La Peste de Camus pourrait se produire.