« Porcherie », chant de résistance ou chant funèbre ?
C’est très bien que la jeunesse emmerde le Front national, mais ce serait encore mieux qu’elle l’empêche vraiment de nuire, depuis le temps qu’elle l’emmerde (1989, le concert de Bérurier noir à l’Olympia), même qu’elle n’est plus tout à fait jeune, tandis que le FN, lui, toujours égal à lui-même sous ses habits neufs, n’en finit pas de rajeunir et prospérer. C’est bien joli d’emmerder le Front National en se trémoussant au rythme des incantations du chanteur des Bérus (« plus jamais de 20% pour le gros enculé de Le Pen ! », « Nous sommes de la dynamite ! »...), mais en attendant, et pendant que le temps passait et que la jeunesse continuait de se trémousser avec les Bérus et aux accents de Porcherie à Québec (2004) et ailleurs, la petite bête brune continuait à devenir grosse, si bien qu’aujourd’hui, il va falloir songer à actualiser les sous-titres de l’incantation – « plus jamais de 33% pour la fille du gros... etc. », et il n’y a pas de raison que ça s’arrête.
Alors il va peut-être falloir arrêter de considérer que tout ça va finir en chanson et se dire qu’au train où vont les choses, la jeunesse (y compris celle qui, entre-temps, est devenue un peu vieille) qui emmerde le Front national, eh bien, ledit Front national rebaptisé ne va pas tarder à s’en occuper sérieusement. Il va peut-être falloir songer à passer des incantations et du sautillement surplace, fût-il frénétique, à l’organisation. Le fascisme ne se combat pas en pogotant, même au cœur d’une manifestation – trois p’tits tours et puis s’en vont. Les fascistes, on ne leur fait pas barrage avec des urnes, la seule façon de s’en débarrasser est de les faire rentrer sous terre, dans les trous dont ils n’auraient jamais dû sortir. Et pour cela, il faut que se forme un peuple antifasciste (un peuple de la vie) pour de vrai – pas son simulacre façon Saturday night fever, à l’Olympia.
Kevin Quignon