Profonds désirs des dieux 10
« Sois le bienvenu, mon fils et frère chéri ! » Ayant dit ceci, il m’embrassa tendrement et me baisa. Une odeur très douce m’entoura et je fus par une joie indicible ravi au point que les larmes coulèrent de mes yeux.
[…]
« Dans l’état de mariage, tu as vu ceux qui se plaisent l’un à l’autre tout abandonner afin d’être ensemble : fais comme eux toi aussi, abandonne tout, même toi-même abandonne, et rends-toi entièrement à moi. Tu seras à moi, et il en sera bien ainsi. Tant que tu ne le fais pas, je te promets que tu ne trouveras pas de paix. Car tout change dans le monde. A part moi, tout ce à quoi tu voudras t’en tenir par ta pensée ou ton amour, tout va d’une manière et d’une autre t’occuper et t’agiter, pour enfin te lâcher, et l’amour que tu y a mis se retournera en tristesse. C’est pourquoi je te le conseille, mon fils, abandonne tout et agrippe-toi à moi, sois à moi et serai à toi ! Nous nous enfermerons ensemble dans cet abri et tu ressentiras des jouissances plus véritables que celles que l’on trouve dans le mariage. Ne cherche à plaire qu’à moi, ne cherche à avoir que moi pour ton conseiller, ton guide, ton témoin, ton ami et ton compagnon. Et quand tu me parles, ne dis que : “Moi et toi, mon Seigneur“ ; tu ne dois t’occuper de personne d’autre. Tiens à moi seul, regarde-moi, parle avec moi, embrasse-moi, baise-moi : tu auras tout cela de moi en retour. » [1]
Comenius, Le labyrinthe du monde et le paradis du cœur, chap. 38-39