« Nous sommes entrés dans le temps du mépris »
Jean-Louis Comolli, Une certaine tendance du cinéma documentaire

1- Avez-vous déjà dit : « Mon biquet » à votre homme ?

2- Davantage qu’un pays en déclin ou, pire, entré en décadence, la France d’aujourd’hui serait une nation qui tourne mal – au sens où l’on dit d’un adolescent enclin à faire des conneries qu’il « tourne mal ». Mais la France n’est pas un jeune homme, hélas...

3- Année du Lapin ! Celle-ci se divisera en deux : année du chaud Lapin et Année du Lapin froid. Durant la première, il est fortement recommandé de faire des enfants, durant la seconde, de s’en abstenir. Tout au long de la première, on mange du civet à la moutarde, bien épicé, et pendant la seconde du lapin en gelée. L’entrée dans cette année entraîne également quelques menus changements dans le vocabulaire : on ne dira plus, jusqu’à la nouvelle année lunaire, un lapin avare, un lapin radin, un lapin grippe-sou, etc. mais, plus simplement, un lapingre.
(pardon, pardon, ô vigilant webmastre, pour ce piteux calembour)

4- Dans le monde de la nuit où règnent les cyclopes, les cigarettes se vendent par paquets de six.
(même supplique que précédemment)

5- On peut voir les boîtes à livres qui fleurissent désormais dans nos villes et bourgades sous deux angles : celui du goût renaissant pour le commun, le don, l’échange non monétaire, le troc, le partage (etc.), d’une part et, de l’autre, moins riant, celui du devenir toujours plus jetable de l’objet livre – on a perdu le goût des belles bibliothèques enrichies au fil du temps, on ne s’encombre plus des livres qu’on a lus, on s’en débarrasse comme du journal de la veille. Du coup, dans un pays où il est devenu toujours plus difficile de pisser sans payer, on peut se monter une belle et bonne bibliothèque, sans bourse délier, rien qu’en flânant. Drôle de contrée...

6- Comble du culot : soutenir une thèse consacrée aux ravages du plagiat, toutes disciplines universitaires comprises, entièrement pompée sur internet.

7- Avez-vous déjà caressé l’idée de buter un quidam, juste pour lui tirer sa paire de Nike flambant neuves ?

8- Tu ne seras jamais guéri.e tant que tu n’auras pas déposé ta haine et ton ressentiment universels. Je ne te demande surtout pas d’aller jusqu’à aimer ton prochain « comme toi-même », sur ce point, nous ne sommes résolument pas des chrétiens – qu’est-ce qui pourrait bien nous incliner, en effet, à nous aimer nous-même... ? Non, qu’il te suffise d’alléger ce fardeau de haine et de ressentiment sous lequel s’effondre ton existence...

9- Une parole anthologique de vieillard gâté : « Je me demande bien ce qu’il y a de plus pénible : devoir faire le ménage chez les autres ou avoir à supporter la femme de ménage chez soi ? ».
Si vous trouvez une meilleure formulation du double déni de l’exploitation et de la lutte des classes, faites-moi signe, via le toujours vigilant webmastre.

10- Qu’est-ce qu’une singularité ? Ce serait, par exemple : cette jeune femme brune aux yeux bleus et de taille élancée et que je croise souvent promenant un dalmatien de belle taille et qui tire sur une laisse rouge.
On remarquera incidemment que la singularité, loin d’être molaire et compacte, résulte de l’agencement d’éléments hétérogènes – ce qui ne l’empêche en rien d’être belle, pleine et parfaitement cohérente.

11- N’entrez jamais dans le rêve de l’Etat ! Ne laissez jamais l’Etat vous prendre (embarquer) dans son (ses) rêve(s) ! L’Etat est le plus dangereux des rêveurs ! Ses songes commencent en fanfare, en fééries et romans roses et s’achèvent en cauchemars – que dis-je ? En apocalypses !

12- Dans quelle autre langue que le français dit-on d’une femme qu’elle est tombée enceinte ? La grossesse et la gestation comme chute plutôt qu’accomplissement ? Et Jeanne, la petite bergère lorraine, elle, tombée en sainte face à l’Anglais proto-brexiteur, n’en est-elle pas notre héroïne préférée pour autant ?
(pitié, ô puissant webmastre, retiens ici encore ta grande hache...).

13- Avez-vous déjà songé à trafiquer le compteur de votre belle-mère afin de la revendre à bon prix sur Internet ?

14- De la manière la plus éclairante et sinistre à la fois, l’incurie des gouvernants, (dans nos démocraties libérales) face à la pandémie covidienne nous livre de précieux enseignements rétrospectifs sur le monde des camps de concentration (je ne parle pas des usines de la mort) : le principal facteur de mortalité, c’est l’incompétence, la gabegie, l’indifférence, l’abandon. Ensuite seulement viennent les tris assassins, les sélections calculées.

15- On peut rêver d’imposer le port de l’uniforme aux écoliers et aux écolières ; on peut aussi rêver de déguiser l’hirsute dame patronnesse élyséenne soit en caniche, soit en hôtesse de bar sado-maso (cuirs, sex toys, chaînes, fouets...).

16- Dans une société capitaliste, les enfants préféreront toujours se gaver de Vache qui rit à la lecture de L’homme qui rit. Dans une société communiste, ce sera l’inverse.

17- Ce qui caractérise un parti révolutionnaire européen, c’est la présence en surnombre de Juifs et d’intellectuels. En l’absence de ces deux conditions, ce n’est pas un vrai parti révolutionnaire. Mais n’est-ce pas là, précisément, une idée du XXème siècle ? Une idée morte, au sens où l’on parle de peau morte ?

18- Et l’histoire de la fille qui se serait mariée à dix-sept ans avec le premier venu – juste pour se débarrasser du nom de son père (Trognon) – vous y croyez, vous, ou bien est-ce encore le royaume enchanté des fake news ?

19- Le coup de foudre, love at first sight, c’est une belle image mais une mauvaise idée. Comment pourrait-on se vouer corps et âme pour le restant de ses jours à un être dont on ignore tout, sur un simple coup de tête, un coup de cœur ? Pour une fois, la science triste du bourdivin a raison : les coups de foudre, ça finit généralement par des divorces (Pierre Bourdieu : La domination masculine).

20- Traquer l’impensé chez l’autre, comme le font si assidûment les philosophes, les psychanalystes, les sociologues (etc.), c’est là par excellence une passion tant vile que basse. C’est que le débouché tout naturel de cette opération est la prise d’ascendant sur le concurrent terrassé. On ne dira donc pas ici, comme Nietzsche, que c’est une idée juive, mais bel et bien une idée grecque – le rêve de l’emporter dans le combat singulier.

21- Dracula (tous les films sur) : Boy bites girl.

22- Si les calembours vous horripilent, il vous faut renoncer à Pierre Dac et Boby Lapointe, ce qui est déjà considérable – mais il faut y ajouter Jacques Lacan, ce qui est bien plus fâcheux encore.

Esther Quatrelièvre [1]