Supplément à « Pour en finir avec la police »

, par Alain Brossat, Alain Naze


Concernant l’affaire de la fresque de Stains représentant George Floyd et Adama Traore en victimes des violences policières et inaugurée par le maire de la ville, louche personnage au nom d’Outre-Méditerranée et ami des Indigènes de si détestable réputation, on ne peut qu’abonder dans le sens des représentants du syndicat Alliance – porte-voix de la colère du peuple policier et organisme de tutelle effectif du Ministère de l’Intérieur : qualifier les violences policières de violentes, dire des policiers qu’ils sont violents en tant qu’ils le sont, précisément, c’est insupportablement violent.
Dans un esprit constructif et de conciliation, donc, et, itou, dans le souci de rétablir l’honneur de la police ouvertement bafoué par cette fresque et l’inscription qui y figure, nous proposons : que le mot « violences » y soit remplacé par « brutalités », beaucoup moins violent que « violences ». Les policiers, quand ils asphyxient Cédric Chouviat, sont brutaux, ils ne sont pas violents. Cette substitution à laquelle ne manqueront pas d’être sensibles les têtes pensantes du syndicat Alliance, ouvre de vastes perspectives : elle incite tout naturellement à évoquer la brutalisation croissante de l’action des forces de police au fil des dernières décennies et, tout en évitant de choquer inutilement la corporation policière en la qualifiant de violente, de rappeler discrètement que la police est, tout de même, comme institution et corporation, avant tout un monde de brutes. Une fois cela reconnu, on comprend que par ses actions brutales la police ne fait jamais qu’exprimer son essence. En cela, elle pourrait même trouver un appui dans la philosophie de Spinoza, en substituant à la formule « Dieu ou la nature » cette autre : « La police ou la brutalité ». La police, c’est la brutalité – proposition à même de fonder une nouvelle version de L’Ethique.

Concernant le rebondissement de l’affaire Cédric Chouviat, précisément, suite à la publication dans la presse des enregistrements de l’altercation qui l’oppose aux policiers dans les moments précédant son extermination à l’insu du plein gré des trois flics qui procèdent à son énergique interpellation, on nous permettra d’attirer l’attention sur deux traits de cette affaire, fâcheusement négligés lors de sa toute récente relance.
Premièrement, la France policière demeure incontestablement pionnière en matière de techniques d’arrestation musclées débouchant sur le sinistrement célèbre cri d’agonie de la victime – « I can’t breathe ! », « J’étouffe » en version française. Dès le mois de janvier, avec plusieurs mois d’avance sur Minneapolis, des policiers parisiens montraient la voie. Une fois de plus, se vérifie la sentence : en matière de maintien de l’ordre comme en toute autre, nous n’avons, nous Français, de leçons à recevoir de personne. Il n’est pas jusque dans la prise en charge du Covid19 par l’exécutif en France où nous n’ayons, là aussi, indiqué, notamment aux Etats-Unis, la voie à suivre en termes de gestion de la crise sanitaire. Nous sommes la patrie des Droits de l’Homme et des clés d’étranglement, on ne le dira jamais trop (ce qui ne signifie pas que nous en réclamions le monopole – la France a vocation à exporter, outre les Droits de l’Homme, aussi cette technique policière, en visant, ultimement, à son universalisation). L’universalisme républicain français est aussi dans la clé d’étranglement – made in France, mais dont nous ne voulons pas priver d’autres peuples. A cet égard, les policiers, ces praticiens de la clé d’étranglement, sont un peu nos Lumières contemporaines, contrairement à ce que colportent les médisants, soutenant que les flics ne sont pas des lumières.
On notera au reste que la France demeure, en comparaison de l’Amérique, en pole position en matière d’impunité policière. Derek Chauvin (dont le nom indique qu’il a de solides racines dans le génie français) est en prison. Les flics qui ont fait passer Cédric Chouviat de vie à trépas sont eux, toujours en fonction – si l’on en croit la famille de la victime qui, lors d’une récente conférence de presse demandaient leur... suspension.

Deuxièmement, s’il est une chose que démontre irrécusablement la malencontreuse bavure qui a conduit à la mort de Cédric Chouviat, c’est bien que la police et la gendarmerie françaises ne sont pas racistes, en dépit de tout ce que peuvent en dire les agités du comité Traoré : la preuve en est qu’elle ne rechigne pas à étrangler, asphyxier et empêcher de respirer jusqu’à ce que mort s’ensuive, à l’occasion, du Blanc aussi (du blanc de poulet, si l’on veut renouer avec la veine humoristique d’Emmanuel Macron, quand il avait fait remarquer, avec une finesse qui fait honneur à l’esprit français, que les kwassa-kwassa ramenaient « du comorien »). Quand elle met en pratique les techniques d’étranglement qu’ils ont apprises à l’école (de police – « école de police » ne constitue donc pas un oxymore, contrairement à la représentation que d’aucuns voudraient imposer), les flics français savent être, quand il le faut, color blind (après tout, la police française n’en a-t-elle pas déjà fait la preuve, de 1940 à 1944, en raflant, avec une conscience professionnelle que même l’occupant a reconnue, toute une population blanche, juive, un peu « métèque » dans les termes de l’époque, certes, mais quand même intrinsèquement blanche ?). Et pour que cela se sache et que cela puisse être dit à haute et intelligible voix, il fallait bien que meure Cédric Chouviat.

Au cours de l’échange de mots un peu vifs qui précède l’arrestation sans retour de Cédric Chauviat, l’un des policiers composant la patrouille engagée dans l’altercation dit, selon les enregistrements publiés dans la presse : « Et tu voudrais peut-être qu’on te suce la bite ? » – mâle et énergique formule directement empruntée, on l’imagine, au corpus des expressions réglementaires codifiées par le Manuel du policier en action... Et depuis le temps que les militants homosexuels historiques défendent l’idée d’une police systémiquement anti-pédés, on ne peut que se réjouir de cette invite à une convivialité (homo)sexuelle façon bonobos, apte à réduire les tensions !

Plus sérieusement, si les policiers, en proportion variable mais assurément non négligeable, parlent comme des voyous, c’est bien qu’ils sont des voyous, ce qu’il faut bien appeler des voyous d’Etat ou les voyous de l’Etat. Cette police-là, c’est le cœur de la voyoucratie d’Etat qui prospère sous les couleurs de la démocratie de marché, de la démocratie policière, au côté des Benalla, des Griveaux et autres Alexis Kohler, tous familiers du monarque.
Ce n’est pas que nous ayons quoi que ce soit contre ce que la société bourgeoise désigne et stigmatise en général comme le monde du crime, les voyous dans le sens général du terme, nous nous séparons sur ce point de la tradition marxiste qui oppose l’honnête travailleur au voleur et évoque avec dédain le « lumpenprolétariat ». Nous pencherons toujours plutôt du côté de ceux qui pillent les banques que de ceux qui les fondent – mais la voyoucratie d’Etat, c’est une autre affaire – la Société du Dix-Décembre du nano-Bonaparte actuellement aux affaires. Rien à voir avec la plèbe en quête de déprise et d’échappée belle, et tout avec la violence et le racisme de l’Etat.