Cinémathèque du couvre-feu

, par Adam Pašek


J’ai eu l’idée de regarder La Traversée de Paris d’Autant-Lara (1956) que je n’avais jamais vu et qui sied au contexte (couvre-feu…). Idée mise à exécution hier soir. Je suis très impressionné par la violence semi latente sous un extérieur tout gag tout sourire, notamment par ce que la violence qui fait mal dans le film n’est pas celle de la police, ni celle des occupants, mais bien plus celle de l’inégalité clivant les occupés, cristallisée dans l’ambiguïté un peu démoniaque de Gabin (Grandgil) qui détonne avec une brutalité certaine à la fin : les retrouvailles de Gabin avec Bourvil (Martin) à la Gare de Lyon, le premier en bourgeois installé qui se fait porter les valises, l’autre en petit subalterne qui portera toute sa vie les valises des autres. Finalement, les tirades de Gabin contre la peur "médiocre" des Français ("Salauds de pauvres") s’applique encore à son ami après la Libération, sa philosophie devient une idéologie du succès entrepreneurial, genre tu as peu parce que tu as peur, c’est ta mentalité servile qui justifie et consacre ta pauvreté, moi je suis grand seigneur, parce que je suis courageux et mutatis mutandis c’est la raison et la justification que je me balade en costume etc. et que toi, mon copain, tu me portes les bagages. C’est terrassant, cette fin, finalement, occupation pas occupation, la violence des riches reste exactement pareille, le clivage ne bouge pas d’un pied, pas trop rigolo ce film, finalement.