Le paradigme de Simone
« Un bon scénario de cinéma ne comporte pas forcément des scènes tournées à Rio de Janeiro »
Pierre Dac, Pensées
Qu’est-ce qu’un témoin ?
C’est une languette de plâtre ou de ciment appliquée sur une fissure et destinée à permettre d’évaluer comment celle-ci évolue au fil du temps. C’est pour cette raison que la date à laquelle le témoin a été apposé est en général gravée sur celui-ci.
On partira ici de l’idée que certains films peuvent remplir une semblable fonction, en leur qualité de « témoins » des fissures ou des brèches qui se sont ouvertes dans le présent. Ces films ne sont pas simplement « témoins de leur temps », en ce sens qu’ils restitueraient une atmosphère ou une tonalité d’époque. Plus précisément, et sans que cela soit, en général, l’intention délibérée de leurs auteurs, ils exhibent une faille qui traverse l’époque et ils nous encouragent à en problématiser les conditions. Ces œuvres ne sont pas nécessairement de bons films, ce sont souvent des films à gros budgets, des productions hollywoodiennes qu’on dirait volontiers « commerciales » et tenues en suspicion par une partie de la critique et du public à ce titre même. Mais ce sont des films qui captent l’attention d’une vaste audience, pour autant précisément que celle-ci éprouve, lorsqu’elle les découvre, qu’ils touchent un point sensible, dans le contexte de l’époque, qu’ils attirent l’attention sur une zone de vulnérabilité du présent.
L’un des points de rupture que nous sommes incités à repérer et saisir dans les films du tournant du siècle sur lesquels nous allons nous arrêter, c’est celui, précisément, d’une nouvelle forme de fragilité de la réalité vécue, dans sa dimension à la fois spatiale et temporelle. La réalité vécue, sensible, tangible est ce qui constitue ici, dans son sens le plus ordinaire, le monde réel de la vie des humains et se fonde à ce titre constamment sur un rapport et des interactions entre des sujets humains et ce qui les entoure (perçu comme une certaine « objectivité »). Ou bien encore, selon une autre approche, le monde réel, c’est, tout simplement le milieu de la vie vécue, non pas ce à quoi celle-ci fait face, mais bien ce dans quoi elle est d’emblée immergée.
Au cours des dernières décennies du XXème siècle, ce n’est pas seulement un certain ordre symbolique du monde historique qui s’effondre avec la disparition de l’URSS, la fin de la Guerre froide et l’avènement de l’ère, bien illusoire, de la totale-démocratie – c’est, plus radicalement, ou plus généralement ce qui constitue le socle même de la réalité perçue et vécue (de la réalité-milieu-de-vie) – les repères des certitudes partagées qui fondent l’évidence de la consistance et de la solidité de celle-ci. Ce ne sont pas seulement un processus ou une évolution, des mutations objectives qui se dessinent là. Ce sont aussi des ambitions, des projets, des stratégies – une dimension très saillante dans les films que nous allons évoquer : ce n’est pas seulement que la réalité perçue et vécue semble s’affaiblir, voire se déliter ou s’effondrer, c’est aussi qu’elle est attaquée, dans ses fondements même [1].
Ce dont ces films, disons, pour commencer, Simone, The Truman Show, Forrest Gump, la grosse artillerie hollywoodienne, témoignent, c’est la multiplication, dans notre époque et dans notre propre présent (qui se situe déjà plusieurs pas en avant de ce que relèvent ces films), des leurres, des dispositifs et appareils destinés à promouvoir le faux (l’illusoire) comme le vrai, en le faisant passer pour l’original et l’authentique [2] ; l’amélioration constante des performances destinées à produire une réalité-bis ou une réalité-plus : du faux réel plus vrai que le vrai, du fake surpuissant, en tant, précisément, qu’il parvient durablement à rendre floues les lignes de partage entre le réel et l’imaginaire, le factuel et le fictif, le vrai et le faux. Le succès public de ces films (dont les intrigues se nouent autour de la complexité toujours plus vertigineuse des jeux du réel et de l’imaginaire, du vrai et du faux) est un signe d’époque ; là où, aux Etats-Unis, la critique institutionnelle était portée à faire la fine bouche devant les supposées facilités ou invraisemblances scénaristiques de ces films, le public a identifié, lui, une zone sensible – chacun à sa manière, ces films évoquent une expérience de plus en plus amplement partagée par le public, entendu ici comme « les gens » face à un écran de cinéma, de télévision, d’ordinateur portable, voire de téléphone mobile – celle de la déréalisation entendue comme forme contemporaine du délitement et de la déperdition du sentiment (de la certitude) d’habiter le monde, de vivre « au milieu » des vivants et des choses, d’y être à sa place et plus ou moins enraciné...
Simone, c’est l’invention par un réalisateur de films en perte de vitesse (et même aux abois après que la star de son film en cours de tournage l’a lâché) d’une créature de substitution, une « actrice » artificielle générée par ordinateur et désignée, donc, par le prénom de convention de Simone. Comment définir le statut ontologique de cette créature (ou création, dans l’espace de l’art et de la technique cinématographiques) ? Elle n’est pas à proprement parler immatérielle, dans la mesure même où son apparition a bien pour condition une certaine forme de matérialité – celle de l’appareillage digital (une industrie, pas légère du tout, très polluante, etc.). Elle n’est pas immatérielle donc, au sens où elle serait une pure idée, un rêve, un fantasme, un fantôme, une image sans consistance – elle a bien la consistance de la technologie qui en a rendu la production (l’apparition) possible. En revanche, ce qui l’oppose distinctement à l’actrice défaillante à laquelle le réalisateur à bout de ressources l’a substituée, c’est qu’elle n’appartient pas au monde du vivant – des vivants. Elle n’appartient pas à l’ordre du bios, elle ne vivra pas sa vie ni ne mourra comme vous et moi et son destin la sépare radicalement, sous cet angle, de celui de l’humaine condition.
Mais pour autant, non vivante à rigoureusement parler, elle n’en est pas moins destinée à une forme d’existence humaine ; ceci, non seulement parce qu’elle a forme humaine et devient donc, à ce titre, un personnage de la comédie humaine : bientôt adulée du public, elle franchit la rampe qui sépare l’écran sur lequel se projette le film de la salle où sont assis les spectateurs et elle se mêle à la foule – les gens veulent la voir « en vrai », parler avec elle, tout savoir à son propos, sa vie, ses goûts, son passé, ses amours... Elle est un personnage dans une société dans laquelle les sujets humains vivants sont, de toute façon, des personnages aussi ; ceci dans la mesure même où ils s’identifient pleinement au rôle qu’ils jouent et à la façon dont ils se mettent en scène (Erving Goffman) – l’un des traits particuliers de nos sociétés étant, précisément la persistante indistinction entre le sujet humain en société et le personnage entendu au sens de celui-celle qui occupe sa place dans la comédie humaine (comédie ne s’associant pas ici en premier lieu à légèreté et drôlerie, mais au jeu, à l’endossement et à la répartition des rôles). En ce sens, Simone, loin d’être éloignée des sujets humains ordinaires par sa condition de personnage dépourvue de consistance biologique se rapproche paradoxalement des premiers et tend à en devenir indistincte en dévoilant à leurs yeux (le film faisant ici office de surface de réfraction) le secret de leur condition propre – des personnages en société plutôt que des singularités irréductibles entendues comme des sujets in-dividuels définis par des qualités proprement « humaines » telles que l’intériorité, la conscience, la liberté, etc.
Simone est égale à l’ensemble des effets que produit son apparition dans le contexte particulier de celle-ci. Elle est projetée dans le monde, comme nous le sommes tous lors de notre entrée dans la vie, à cette différence près qu’elle ne naît pas ni ne grandit, mais résulte d’une procédure rendue possible par le génie électronique – elle est « a computer-generated woman ». Mais elle n’en est pas moins appelée à devenir ce qu’il faut bien appeler une singularité sous condition, ce qui la rapproche très distinctement de notre propre destin de vivants qui sommes nés d’une mère, avons eu une enfance, un parcours biographique nous ayant doté d’une existence « qualifiée », comme dit Agamben.
Ce qui permet à Simone d’émerger comme non seulement une personne mais comme une personnalité parmi les vivants, au cœur ou si l’on veut au « milieu » de la société des vivants (et en tant qu’elle est, précisément, une non-vivante), c’est évidemment la reconnaissance : elle est d’emblée accréditée par les vivants comme l’un(e) des leurs et pas des moindres – une star. Ce qui est donc décisif ici, c’est la procédure selon laquelle une « image » va devenir une personne en passant pour une vivante, et qui plus est, une vivante d’exception, une célébrité. Ce motif du passing, passing as est, on le sait, déterminant dans le contexte de la société états-unienne : il est scandé par cette longue histoire riche en exemples et anecdotes de toutes sortes, au fil de laquelle des non-Blancs, des Africains Américains plus ou moins métissés en premier lieu, franchissent le fatidique color divide pour entamer, si l’on peut s’exprimer ainsi, une carrière de Blancs dans le contexte d’une société où les hiérarchies raciales sont un trait systémique autant qu’impitoyable (sont partie intégrante de l’institution symbolique du social et du politique).
C’est selon une procédure comparable que Simone passe pour (passes as) une vivante alors qu’elle n’est qu’un artefact digital – il faut relever ici au passage le double sens du verbe « passer », dans cet usage – donner le change, certes, mais aussi, simultanément, franchir une ligne, une frontière d’autant plus redoutable qu’elle demeure invisible : c’est bien subrepticement que Simone, pur simulacre, vient s’établir au mitan de la société humaine, parmi les vivants, tout comme tel personnage public qui, tirant des traites sur son apparence « caucasienne » s’active à effacer les traces de ses origines totalement ou partiellement afro-américaines... Notons au passage que Simone en rajoute, si l’on peut dire, sur le « passage » : elle fait mieux que passer pour une actrice vivante, elle comble par son apparence (la blonde aux yeux clairs, tant soit peu aryenne) les amateurs de stéréotypes – l’humanité blanche comme norme et idéal de beauté et de séduction.
L’irruption de Simone dans le monde des vivants ou, si l’on veut, sa transfiguration (on pourrait dire aussi bien transmutation) attire notre attention sur une illusion constitutive de notre approche des identités, notamment lorsque celles-ci ont trait à notre condition spécique : ce qui fait que Simone devient ce qu’elle devient, dans le contexte du film (un principe simili-humain très agissant), ne se rapporte en rien à une essence ou une substance quelconque, ni même à une puissance d’agir, puisqu’elle n’est pas un sujet à proprement parler, mais bien à ce qu’il faudrait appeler une pure et simple propriété de produire des effets, une agency sans sujet. Ce qui est déterminant, ce sont les effets, c’est-à-dire les déplacements et transformations que produit sa mise en circulation, dans le réel du moment. Simone existe comme singularité simili- ou quasi-humaine pour autant qu’elle produit de puissants et tangibles effets de réalité – bien plus puissants et tangibles que ceux que la plupart d’entre nous, vrais vivants mais quelconques, pourtant, ne produirons jamais...
C’est là un effet tout à fait remarquable de la production du simulacre, puisqu’il apparaît ici que nous n’avons jamais été aussi éloignés de la version platonicienne de la « copie » en tant qu’image affaiblie de l’original. Simone, tout au contraire, surpasse le vivant quelconque dans sa capacité à émerger comme une singularité, se distinguer comme une figure d’exception – la star admirée, adulée, celle qui suscite une montée d’affects collectifs, produit des mouvements de foule, des effets de masse – tant elle est, davantage que simplement « réelle », aux yeux du public, elle est vraie – une puissante fabrique d’intensités telle que nous, gens ordinaires, rêverons jusqu’au bout et en vain, de devenir ou d’avoir été...
Si, aux Etats-Unis, la critique institutionnelle a traité ce film avec un certain dédain, c’est qu’elle n’a pas su prendre la mesure de la fable ; elle n’a pas saisi la portée de ce dont Simone véhicule puissamment (et plaisamment) l’intuition – les failles béantes ouvertes dans notre relation au réel, le brouillage des repères de la certitude concernant l’identité propre, la pulvérisation de toute approche essentialiste et monadique de l’individualité, la remise en question radicale de l’approche de ce que serait, dans nos sociétés, le proprement humain.
Simone montre que nous savons moins que jamais ce qu’est, ce que serait le proprement humain ; or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous étions portés à penser que l’expérience historique des camps et des exterminations, des violences extrêmes au XXème siècle, des génocides et de la terreur totalitaire nous avaient permis, en scrutant les abîmes de la déshumanisation, avec Primo Levi, Robert Antelme, Varlam Chalamov et bien d’autres encore, à l’épreuve de génocides et violences de masse ultérieurs, de refonder notre approche du proprement humain : l’humain, entendu comme l’être humain individué, ce serait ce qui se trouve doté d’une capacité potentiellement infinie de résister à sa destruction planifiée en tant qu’élément de la masse ; l’humanité (spécique) de l’homme, sa qualité propre de vivant se trouve dotées d’emblée dans cette perspective d’une dimension éthique ; c’est ce qui, dit Antelme à la fin de L’espèce humaine, voue à l’échec l’entreprise de destruction de planificateurs de la mort en masse nazis ; c’est, dit Chalamov, ce qui fait qu’à l’épreuve du froid et du travail d’esclave à la Kolyma, l’être humain s’avère plus résistant qu’un cheval. Dans cette perspective, l’exception éthique de l’humain s’enracine directement dans le biologique – la capacité infinie du vivant humain de résister à ce qui vise à le détruire et le priver de sa qualité humaine. Dans les grands textes de la littérature concentrationnaire, cette résistance infinie est toujours individualisée – ce sont des sujets humains en particulier qui résistent à la destruction (les futurs survivants) là où tant d’autres succombent.
Le survivant est une singularité mise en exergue comme l’exemple même de ce qui résiste à ce qui conspire à sa destruction. Ce qui, à l’épreuve des camps et des exterminations, permet d’envisager une refondation du proprement humain, dans une sorte de mouvement dialectique « limite », c’est ce qui se dévoile au tréfonds des épreuves subies par les individus : la capacité infinie d’endurer – inégalement répartie, assurément –, et, chez Primo Levi, la honte comme brûlure éthique du survivant et trace la plus intime du proprement humain. La littérature concentrationnaire inaugure une tradition philosophique, éthique et existentielle qui se condensent en une variété de post-métaphysique selon laquelle l’ « humanité de l’homme » ou de l’humain, plutôt, si elle a naturellement pour objet la qualité propre de l’espèce, se dévoile toujours au fil des épreuves subies par des sujets particuliers – le survivant devient, à ce titre, paradoxalement, une figure, exacerbée et refondée dans le cours de la catastrophe même, de l’individu moderne perçu comme unité de compte tant de la vie sociale que de la sphère politique. C’est de cette façon, entre autres, que l’illusion constitutive des sociétés modernes comme sociétés d’individus (des individus, dit Norbert Elias) se reconstitue paradoxalement par-delà les apocalypses du XXème siècle – se reconstitue et même, à l’heure du néo-libéralisme triomphant, se renforce et se durcit – cette image surexposée du survivant comme le cristal de l’humain individué résistant envers et contre tout à la massification du troupeau humain au fil des exterminations et des épreuves totalitaires [3].
Mais ce que montre précisément Simone avec éclat, c’est le caractère fondamentalement illusoire, pour ne pas dire fantasmatique, de cette auto-représentation de nos sociétés comme sociétés d’individus envers et contre tout. C’est que l’individu ou bien plutôt la texture individualisée de nos sociétés est au fond un mirage, une réalité imaginée, un « rêve » qui ne saurait être que passager. Simone, c’est le réveil en sursaut, puisque ce que montre cette fable réaliste est distinct : l’individu, comme unité de compte et fétiche (signifiant idéologique majeur) de nos sociétés est substituable – un avatar digital peut en tenir lieu et, en termes de performance, de capacité à agir sur le réel, faire infiniment « mieux » et davantage que l’individu lambda. Ce que les grands récits-témoins de la littérature concentrationnaire visent à affirmer ou réaffirmer, c’est le fondement éthique de la singularité humaine, l’endurance, la honte comme fondement de la subjectivité éthique du proprement humain, et ce qui, dans l’épreuve même de la réduction des déportés à une condition dite animale, dans l’épreuve de leur dégradation au rang de troupeau humain, tend à redessiner le partage irrécusable entre condition humaine et condition animale – dans les camps, la vie humaine se défend, s’obstine, s’oppose à sa destruction comme aucune vie animale ne le ferait. Fondamentalement, en, ce sens, la littérature concentrationnaire la plus noire, celle dont les auteurs sont revenus du tréfonds de l’abîme, Levi, Chalamov, demeure dans sa structure la plus intime une littérature humaniste – dans le récit « sauvé » du survivant et témoin des pires épreuves, se manifeste hautement « l’humanité de l’homme » en tant que singularité absolue – et cet homme (Si c’est un homme étant le titre phare de cette littérature) ne peut se montrer dans son universalité même que comme la plus singulière des singularités, si l’on peut dire – le survivant individué. Ce n’est pas pour rien que, dans la mise en philosophie de ce motif, le survivant est toujours décliné au singulier et jamais au pluriel. Or, dans l’expérience historique, dans le réel du désastre, il n’existe que des survivants, entendus comme le reste rescapé ou sauvé de l’extermination de la masse humaine.
Mais le fait est qu’aujourd’hui, dans notre actualité, tout contribue à placer en porte-à-faux cette post-néo-métaphysique (dont le propre, comme l’a montré Badiou, est de reposer sur un fondement théologico-éthique) de la singularité humaine restaurée, envers et contre tout, sur les ruines même(s) des apocalypses du XXème siècle. Ce n’est pas seulement que nous avons appris à inverser la dynamique de la singularisation anthropocentrique exacerbée de l’humain (« l’homme seul, etc.... ») pour replacer celui-ci dans le continuum des espèces animales et reconstituer les chaînons brisés par la présomption de l’absolue exceptionnalité humaine ; ceci, jusqu’à faire de nous, avant tout une espèce animale se tenant parmi toutes les autres, pour le meilleur et surtout pour le pire. C’est aussi qu’à l’occasion de ce qui n’est au fond qu’un film hollywoodien fondé sur une intrigue habile, nous prenons la mesure de notre difficulté croissante à cerner et définir ce qu’est le proprement, singulièrement humain – où sont les limites et les lignes de partage qui le sépareraient de tout le reste.
On ne peut pas se « débarrasser » de Simone en la décrivant comme une créature inconsistante en tant que « virtuelle », réductible à ce titre à sa condition de simulacre ou d’artéfact : bien au contraire, en tant qu’elle est pleinement immanente à ses effets, qui sont massifs, elle est on ne peut plus réelle. Bien plus, dans le récit tramé par Niccol, son surgissement parmi les vivants est bien l’égal d’une naissance telle que l’entend Hannah Arendt, un événement qui recommence le monde ; son irruption incise le réel et brouille les conditions de l’ordinaire ; dans l’économie du récit, elle bouscule les conditions d’Hollywood entendu comme microcosme du monde des vivants. Cette apparition n’est pas seulement un événement dans le sens médiatique du terme, mais dans son sens philosophique aussi – pour autant qu’un événement est la chose la plus réelle qui puisse survenir (tous les philosophes contemporains de l’événement sont d’accord sur ce point – pour une fois !).
La chose troublante, c’est évidemment que dans ce microcosme, Hollywood comme foyer des industries culturelles, du point de vue donc de la vie du monde du spectacle, du développement de l’industrie culturelle, du point de vue du divertissement de la masse et des affects qui s’y rattachent, du point de vue, bien sûr, de la vie du marché de la culture de masse (etc.), le fait même que Simone n’existe pas à proprement parler, en tant que vivante réelle, en tant que singularité humaine dans le sens traditionnel du terme, n’a aucune importance. Ce serait même plutôt l’inverse qui serait vrai : son atout, ce qui la place au-dessus des actrices réelles en tant que vivantes, ce qui la rend supérieurement efficiente et lui accorde une aura spéciale, c’est précisément le fait qu’elle n’existe pas, dans le sens ordinaire du terme – c’est son absence à la « vraie vie », son déficit ontologique qui créent donc les conditions dans lesquelles elle va devenir (aux yeux du public) d’autant plus vraie qu’elle est moins réelle – pour autant qu’ici « réel » repose sur l’adéquation entre un personnage et un vivant doté d’un corps propre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’irruption dans nos vies de Simone et toutes sortes de créatures ou phénomènes comparables, par le biais du cinéma, par celui de la colonisation de notre expérience et de notre mode de vie par le digital, cela produit un sérieux trouble ontologique, une perturbation tant radicale que durable de notre rapport au réel ou, plus précisément, de notre présence au réel.
Simone se prend à exister, densément, intensément, sans être au sens traditionnel d’une ontologie du vivant, du simple fait de son émergence dans le tissu serré des circonstances et du milieu où elle apparaît. Elle est, à ce titre tout sauf une illusion, une fantasmagorie, ein Wahn ou un simple leurre. C’est le contexte qui lui prête une sorte de vie et, de ce point de vue, le spectacle est, contrairement à ce que soutient Debord, tout sauf ce qui s’oppose à la vie ; dans le monde où Simone émerge, il y a bien longtemps que la vie n’est plus ce qui se tiendrait avant le spectacle, avant que sa captation par celui-ci ne vienne la dégrader et la rendre illusoire. La vie et le spectacle sont désormais une seule et même chose et c’est bien la raison pour laquelle Simone, l’avatar, peut être dans ce milieu comme un poisson dans l’eau et y afficher la plus belle des santés – sans être chair ni corps vivant pourvu d’organes et irrigué d’humeurs. Simone est tout sauf une vivante, mais elle va dans le temps du film, vivre sa vie, une sorte de vie en forme de destin individuel, avec un commencement, un déroulement, une fin.
De quoi cette vie est-elle faite, quelle en est l’étoffe, la trame ? La réponse s’impose d’elle-même : c’est une pure vie-récit, vie-histoire composée d’un flux d’images et de paroles, une histoire qu’un habile narrateur, à la fois rusé et puissant (du fait de sa maîtrise technologique) raconte et à laquelle d’autres adhèrent. Ici, l’écart n’est pas si grand, après tout, avec la condition de l’humain ordinaire – nombreuses sont les civilisations dont les protagonistes pensent qu’ils doivent leur existence à un Créateur (le cinéaste usurpant en quelque sorte la place de Dieu, dans le cas de Simone) ; et familière est aussi, dans le monde occidental notamment, l’idée selon laquelle la vie d’un sujet humain coïncide avec son histoire – une vie, c’est une histoire, avec ses aléas, ses moments heureux et malheureux, une histoire toujours susceptible de faire l’objet d’une consignation et d’un récit s’il s’avère qu’elle en vaut la peine. Toute existence humaine est susceptible d’être appareillée par un récit et on pourrait même dire qu’elle ne trouve sa pleine consistance qu’à être relayée par les narrations qui l’évoquent et les narrateurs qui la relancent – une vie totalement découplée de cette dimension du récit, c’est à peine une vie (une vie « infâme » en tant qu’obscure, c’est-à-dire qui ne laisse pas de trace, dirait Foucault).
Evidemment, Simone est « spéciale » en ce sens que ce qui lui tient lieu de vie est l’œuvre, si l’on peut dire, d’un ordinateur ; mais c’est là une formule impropre puisque, « derrière » l’ordinateur, se tient cet inventif narrateur qui va lui prêter un visage, un corps et une vie (bien davantage, grâce aux puissances expressives du film, qu’une simple bio-graphie). Le narrateur se transfigure ici en démiurge, il joue dans le camp des dieux. On est bien loin ici du cinéma à la Méliès – magie et prestidigitation. Simone existe et déploie ses puissances à la mesure des intensités collectives qu’elle crée, un effet qui se tient aux antipodes du simple bluff, du fake et de l’arnaque. Elle existe puissamment dans le jeu des interactions qui vont se multiplier dans le sillage de son apparition : elle est un rêve qui embarque son public. Elle est à ce titre une figure deleuzienne : comme dans le cinéma de Minnelli, le rêve qui embarque, c’est une puissance, une énergie, une dynamique qui descelle, déplace, désoriente. Le monde se remet en mouvement, pour le meilleur ou pour le pire. Simone, elle, suscite un enchantement, sur le versant opposé à celui où exercent leurs douteux talents des émules du magicien proto-fasciste de Thomas Mann [4]. Ce qui n’est pas si mal, pour une « créature » sans corps ni organes, sans cellules ni substance...
Simone émerge comme une forte singularité humaine « réelle en tant que fictive », mais cette singularité elle-même est entièrement fallacieuse : emblème de l’expansion sans fin de l’ère de la reproductibilité technique, elle est, une fois le procédé ou le processus de sa création mis au point, susceptible d’être relayée par une multitude infinie d’avatars de son espèce. Elle est, à ce titre, la femme-masse par excellence, la femme de la société (ou de l’époque) du spectacle, en tant qu’elle est avant tout un objet visible supposé briller de tous ses feux (cette icône que raillent les premiers films de Godard) et toujours un sujet déficitaire – ici, pas du tout un sujet. Simone n’existe que par la médiation des millions d’yeux qui se fixent sur elle et la font vivre. En ce sens et dans le mouvement même où elle est érigée en fétiche, elle est par excellence le personnage de la masse et le tour par lequel elle en vient à se présenter comme unique et inégalable se dévoile bien ici si ce n’est comme la production d’une pure illusion, du moins comme le résultat d’une opération : celle qui vise à entretenir l’adhésion des vivants en société au mythe de l’individu. Mais dans la mesure même où Simone n’existe que comme un effet ou un supplément de la vie des masses et dans l’épaisseur de celle-ci, la supercherie dévoile le fondement de l’opération : le trait de génie de l’artiste qui invente Simone serait voué à devenir, s’il devait persister et s’enraciner dans l’économie du cinéma, une recette et un procédé destiné à séduire et distraire la masse. Comme avatar spectaculaire, Simone n’est que le prolongement de la vie anesthésiée (par les industries culturelles, entre autres) de la masse.
On pourrait dire qu’en un sens, dans son inconsistance ontologique même, dans l’absolue légèreté de son être, Simone incarne (mais le terme est ici impropre – pas un gramme de chair !) le stade terminal de la société des individus et des illusions constitutives qui soutiennent celle-ci. Personnage « hyperactif » (aux conditions du spectacle) mais sans subjectivité, elle attire notre attention sur un trait saillant de l’époque : le triomphe de l’image sur les subjectivités (les « profils » sur Facebook et ailleurs), le délitement et l’appauvrissement des subjectivités au fil de l’expansion de l’exposition, de la mise en spectacle de soi-même (les selfies), de la perpétuelle mise en scène de la masse par elle-même et par les industries de la communication et de la culture.
Ce qui vient donc relayer l’âge de la destruction de la masse et de l’invention de technologies appropriées à la mise en œuvre de celle-ci à une échelle sans précédent (les camps, l’extermination industrielle, la terreur de masse, la famine, les déportations forcées, etc.), ce n’est pas l’âge de la restauration de la dignité de l’individu, de ses droits et prérogatives (que ce soit sous la forme juridique des droits de l’homme ou celle, éthico-religieuse, de la reconnaissance de l’intrinsèque dignité de l’humain en tant qu’humain). Ce qui survient, « après » (mais cet enchaînement est approximatif, le temps de la masse non pas sacrifiée mais exposée à la destruction n’est pas derrière nous, loin de là) l’âge des exterminations de la masse, c’est tout autre chose : celui de la déréalisation de la masse, via, notamment, son appareillage par les industries de la communication et de la culture boostées par le digital : cette époque où, précisément, Simone va passer haut la main pour une vivante, où, littéralement, l’on ne sait plus qui est qui ou quoi, et moins que jamais ce qu’il en est du propre de l’humain – entre une multitude d’autres choses que l’on savait ou croyait savoir, naguère, et dont les contours se sont désormais brouillés – le progrès, la vérité, la justice, etc.
L’âge de la masse, sous le signe du digital, ce serait celui où les gouvernants (entendus génériquement : ceux qui se situent du côté du gouvernement des vivants) ont compris tout le parti qu’ils peuvent tirer de l’affaiblissement de l’ancrage des sujets humains, de la masse comme sujet collectif, dans le réel. L’affaiblissement, la destruction à terme de ce qui permet aux gens de se situer dans un réel donné, d’en avoir une connaissance assurée (jusqu’à un certain point), d’un comprendre (jusqu’à un certain point) les tenants et aboutissants – cela est devenu un objectif, un programme presque, du gouvernement des vivants. La « digitalisation » du rapport au réel de l’individu ordinaire est ici un enjeu crucial – l’appareillage aussi dense et complet que possible de l’existence de la masse par les technologies du numérique.
C’est via ces canaux essentiellement que se produit la déréalisation de la masse par le biais notamment du devenir futile de ce qui désormais tient lieu d’information véhiculé par les médias et le discours des élites gouvernementales – la déréalisation passe par l’allègement systématique des messages, tant dans la forme que dans les contenus circulant dans les flux de communication et de soi-disant information. Aujourd’hui, on gouverne de manière toujours plus systématique à la futilité et à sa production réglée. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur l’évolution, au fil du temps, de journaux comme Le Monde ou Libération, de prendre la mesure de l’ « allègement », c’est-à-dire du devenir inconsistant et hors sol de tout ce qui y tient lieu désormais de dossiers dans la rubrique société, le débat intellectuel, les opinions, les articles d’orientation générale, les enquêtes... La boucle se boucle là où ce qui affiche sa vocation à combattre la futilité dominante des médias et incarner le retour au sérieux du journalisme d’information et d’investigation qui scrute et dévoile le réel tombe implacablement sous le même régime de futilité parée des couleurs de la dissidence – Médiapart, pour appeler un chat un chat. Implacable diagramme de la futilité.
L’important, désormais, c’est d’évacuer ce qui compte vraiment pour fixer l’attention du public sur l’écume du présent. C’est la raison pour laquelle, de manière toujours plus accentuée, la politique dans le sens courant, au sens de la division, la lutte, le conflit est remplacée par une chronique des faits divers d’un genre nouveau – celle des turpitudes et inconduites sexuelles, matrimoniales et assimilées des hommes politiques, des stars des médias, des gens du spectacles et autres gens du sport professionnel. Quand la une des journaux (toutes catégories confondues, papier, radio, télé, numérique...) est vouée de manière compacte aux derniers rebondissements de l’affaire Quattenens + de l’affaire Pogba + de l’affaire PPDA, + de l’affaire Bayou, etc. (la liste est vouée à s’allonger sans fin au fil des jours), on commence à prendre la mesure de ce phénomène massif de déréalisation de la vie de la masse via la futilisation systématique et concertée de l’information et de ce qui, progressivement, vient se substituer à la politique dans son sens le plus ordinaire – le conflit persistant des « raisons », des points de vue et des intérêts à propos du gouvernement des vivants.
Le but stratégique de cette réorientation destinée à s’assurer que, désormais, le style Closer triomphe dans tous les journaux, c’est de faire en sorte que la masse rendue addict au feuilleton des scandales sexuels et conjugaux qui pimentent la vie des importants, ceux dont on parle dans les journaux et à la télé, soit de plus en plus incapable de détecter ce qui importe vraiment, pour elle comme plus généralement pour le destin de l’humanité et dans le cours du monde, incapable d’établir une hiérarchie entre une baffe conjugale administrée par un insoumis de gouvernement et une déclaration de Biden annonçant distinctement un changement de doctrine et de perspective de l’Administration américaine en matière de relations avec la Chine.
Tout au contraire, selon le principe de déréalisation devenu aujourd’hui pleinement actif, selon la règle nouvelle selon laquelle plus c’est futile et plus ça monte en une, c’est la baffe qui va désormais prendre le pas sur la déclaration du Président états-unien. Or, celle-ci, pour qui sait la lire (et ce devrait être la tâche de nos journalistes et chroniqueurs d’aider le public à en déchiffrer l’implicite) ne recèle rien moins que la promesse d’un chaos, d’une apocalypse en devenir. La fabrication de la futilité, c’est ce qui consiste ici à abolir la dimension historique de nos existences (ce qui est en jeu dans notre destin historique présent – Hegel, rien de moins) pour y substituer une agitation vibrionnante autour des ajustements en cours dans la civilisation des mœurs. Or, il se trouve que ces ajustements, aussi requis soient-ils, ne sont pas le milieu dans lequel se joue aujourd’hui notre destin, leur milieu, c’est le monde des normes, de la vie qui s’administre, un monde étranger à la dimension de l’événement. Celui-ci se joue encore et toujours dans la dimension de l’Histoire, laquelle s’est considérablement étendue depuis que nous avons été sommés de faire face à la crise climatique et au désastre environnemental – mais cette nouvelle dimension, ça n’est pas le réveil de « la nature », notion nébuleuse, contre l’Histoire, c’est l’inclusion (trop tardive) dans le champ de la vie historique des peuples de la dimension de l’environnement.
Il existe bel et bien aujourd’hui une conspiration des élites gouvernementales, toutes catégories confondues pour rendre les hiérarchies indéchiffrables et inverser les priorités – pour placer le présent, l’actuel, sous le signe de la plus grande des futilités ; moyennant quoi, donc, l’événement du jour, c’est la baffe insoumise, et non pas la petite phrase de Biden qui ouvre la voie à une proclamation de son indépendance par Taïwan, affirmant que dans tous les cas les Etats-Unis défendront l’île contre toute intervention chinoise – un tournant majeur dans la politique chinoise de l’Administration états-unienne et une provocation politique dans le plus pur style de l’ « incident » fabriqué en Mandchourie par le gouvernement militariste japonais et qui, en 1931, mit le feu aux poudres en Asie orientale [5].
On dit couramment aujourd’hui que telle remarque proférée par un individu ou telle attitude de sa part tend à démontrer qu’il/elle vit « hors sol ». Ce fut le cas, récemment, lorsque l’entraîneur du Paris Saint-Germain osa une plaisanterie qu’il pensait bonne à propos de déplacements de son équipe en « char à voile » plutôt qu’en jet privé – comment concevoir, dans son esprit, que cette équipe de millionnaires et d’enfants gâtés du foot global, financée par l’argent pétromonarchique, puisse se déplacer autrement qu’en jet privé – fût-ce pour aller de Paris à Nantes ? L’indifférence aux enjeux climatiques et environnementaux, affichée par ce parvenu du foot business à cette occasion, suscita alors une bronca dont l’expression « hors sol » fut le maître mot. Mais au détour de cette tempête (médiatique) dans un verre d’eau, c’est quelque chose d’essentiel de la condition présente des vivants, les quelconques et les importants, qui se saisit : tout tend, dans la forme actuelle du capitalisme comme dans les modalités du gouvernement des populations, à la production de sujets « hors sol » ou, comme on dit aussi couramment, « déconnectés du réel ». Ils vivent bien dans un certain réel, naturellement, dans la tangibilité et la matérialité de celui-ci, mais ils y vivent sans l’habiter, absents à ce qui en constitue la trame essentielle. Ils vivent immergés dans des océans de messages, de fantasmagories, de formules, de mots clés, ils sont traversés par des flux et des intensités fallacieuses de toutes sortes et qui forment autant d’enveloppes non pas protectrices mais déréalisatrices et qui les séparent et les éloignent du monde réel – pour autant que celui-ci a ses fondements, ses principes, ses régularités, ses caractéristiques propres, dans le présent – autant de choses que nous sommes appelés à connaître et à propos desquelles il nous revient d’émettre des diagnostics et des pronostics [6].
S’il existe aujourd’hui quelque chose comme une « conspiration mondiale », c’est bien celle d’une part des formes et forces présentes du capitalisme qui tendent massivement à la déréalisation des sujets sociaux et de l’autre du gouvernement des vivants qui, dans les démocraties de marché, tire sans relâche des traites sur le délitement de l’enracinement des populations dans le réel – le délitement de leur aptitude à exercer des prises sur ce réel. C’est en ce sens, littéral, qu’il faut entendre la démocratie capitaliste d’aujourd’hui comme une fabrique de zombies.
Dans Humain, trop humain (§ 5 et suivants), Nietzsche suggère que, dans les sociétés modernes, le rêve tend à se substituer aux représentations religieuses, pour constituer ce qu’il appelle un « second monde réel », lequel, dit-il, est « l’origine de la métaphysique ». La religion, l’art, la morale et la métaphysique, dit-il, nous éloignent du monde réel pour autant qu’ils nous enferment dans la représentation, d’où découle la méconnaissance. Les choses sont aujourd’hui sensiblement différentes, dans la mesure même où la séparation du réel et de la représentation n’est plus assurée, la définition de celle-ci comme dédoublement ou reproduction du réel n’est plus adéquate. Notre problème est que ce que Nietzsche appelait le « second monde réel » est désormais d’emblée fusionné avec le réel tout court, celui où nous naissons et que nous sommes censés habiter tout en échouant de façon croissante à le faire.
C’est la raison pour laquelle l’effort permanent qu’il nous faut produire pour lutter contre la déréalisation et nous rapprocher du réel réellement réel – des conditions vraies du réel – est en un sens plus ardu que le combat entrepris par Nietzsche contre tous les faux-semblants de la métaphysique et de la morale. Ce qu’il nous faut apprendre, c’est à garder le contact avec le réel et à ne pas renoncer à agir sur lui dans un monde peuplé de manière croissante tant de zombies, d’avatars à la Simone que de « real humans ».
On ne saurait exclure que nous finissions par succomber à la tâche.
Alain Brossat