Vidéo - Sinophobie : une pandémie mondiale / From subalternity to all-out sinophobia – the noose around Taiwan’s neck...
Prologue
Vous me pardonnerez, j’espère, de ne pas pouvoir être avec vous [1] et, pire encore, de ne pas pouvoir répondre à vos éventuelles objections et questions – je suis, au moment même où se tient ce colloque, dans un avion qui me ramène à Taïwan. Ce que je voudrais vous dire en préambule à mon intervention sur la sinophobie et sur un mode plutôt affectif et existentiel que proprement académique, c’est que quand je parle de ce sujet, je ne peux pas le faire sur un mode détaché, comme si je parlais d’un sujet éloigné et que je peux tenir à distance. J’en fais une question toute personnelle.
Ceci pour deux raisons. La première étant que, marié avec une Taïwanaise et père d’un enfant métis, le nôtre, ayant vécu durablement avec eux en France, je suis bien placé pour savoir que la sinophobie, dans sa forme la plus brutale et élémentaire, en dehors du monde est-asiatique, c’est avant tout une question de faciès. Et donc une calamité qui ne fait pas dans le détail, à moins que vous ne portiez en permanence un T-shirt avec l’inscription « Je suis taïwanais, pas chinois ! », et encore... – un fait d’expérience dont feraient bien inspirés de se souvenirs tous les agités du narcissisme des petites différences, sur cette île même, aujourd’hui tout particulièrement.
La seconde raison, c’est que je suis français et qu’il se trouve qu’il y a cent trente-huit ans, si je compte bien, la France, puissance coloniale et impériale mondiale alors, a tenté de prendre pied à Taïwan et Penghu, (Formose et les Pescadores, parties intégrantes de l’Empire chinois selon les dénominations en cours à cette époque), ceci à l’occasion d’une politique de prédation typique de ce qu’entreprenaient alors les puissances européennes en Asie orientale et dans le plus pur style de la politique de la canonnière et sous un prétexte cousu de fil blanc (L’embuscade de Bac Lê).
Le hasard a fait qu’il y a quelques semaines, je suis tombé sur un beau et grand livre (rouge), un livre de prix reçu à l’école par l’un de mes grands-pères qui devint par la suite instituteur, directeur d’école et soldat décoré de deux guerres mondiales, un livre de souvenir écrit par un officier de marine qui participa à cette campagne, un certain Emile Dubosc, lieutenant de vaisseau ; cet ouvrage est intitulé 35 mois de campagne en Chine et au Tonkin et il est préfacé par Pierre Loti, gloire de la littérature exotique et orientaliste française de l’époque, membre de l’Académie française, etc. Or, il se trouve que Loti préface ces souvenirs d’expédition militaire dans le contexte de la conquête de l’Indochine par la France coloniale, pour la bonne raison qu’il a participé lui-même à cette campagne en mer de Chine – une découverte qui fut un choc pour moi, vu la notoriété, à peine entamée, aujourd’hui encore, de Loti. Et, dans sa brève préface, voici ce qu’écrit Loti, s’adressant directement à l’auteur : « Vous souvenez-vous encore de notre dernière rencontre, il y a déjà treize ans, au fond du mauvais pays Jaune, à un lancement de torpilles, dans la rade des îles Pescadores ? ». Le « mauvais pays Jaune », c’est vous, mes amis, et je peux vous assurer que des rues Pierre Loti, voire des écoles ou des collèges Pierre Loti, il doit bien y avoir encore des centaines en France aujourd’hui, c’est encore et toujours une gloire nationale et un monument des lettres françaises – tout comme il existe nombre de rues Amiral Courbet, du nom du brigand impérialiste en chef qui dirigea cette campagne avant de mourir de la fièvre jaune, justement, au large de Magong – la Justice divine, sans doute...
A l’époque de cette campagne à l’occasion de laquelle la flotte française bombarda Tamsui et Keelong et leurs environs, puis Magong, les soldats et marins massacrant civils et prisonniers de guerre à l’occasion (ceci sans que la France ne soit, formellement, en état de guerre avec l’Empire chinois), le ministre des colonies qui supervisait toute l’opération s’appelait Jules Ferry – or Jules Ferry, c’est le héros absolu du « roman national » républicain en France, le fondateur de l’Ecole laïque et obligatoire aux commencements de la IIIème République, etc. Vous voyez donc bien comment, dans l’histoire française moderne, le supposé héritage des Lumières, les idéaux et valeurs de la République, les grands noms de la littérature sont indissociables du pire des pratiques impériales et coloniales. Et comment ce cocktail nous est inoculé dès notre plus jeune âge – les choses n’ont pas changé sur le fond depuis que mon grand-père était sur les bancs de l’école – Ferry, Loti et Courbet ont toujours leur place au panthéon des grands hommes de la République. Ce n’est pas pour rien que mon grand-père, premier de sa classe, a reçu ce livre-là, comme prix d’excellence, en particulier – rien de tel que le récit d’une campagne où se donnent libre cours le banditisme impérial et le racisme anti-asiatique le plus candide pour modeler les jeunes âmes républicaines et fabriquer de bons petits Français appelés, quelques années plus tard, à aller se faire massacrer en masse dans les tranchées de la Première guerre mondiale.
Dans le récit de Dubosc, les Chinois, c’est-à-dire ici indistinctement les soldats de l’armée Qing et les habitants de l’île, sont communément et péjorativement, désignés comme « les Célestes » – quand le corps expéditionnaire français fait des prisonniers parmi les soldats « célestes »,, il les emploie comme porteurs « à défaut de mulets », et quand des femmes « errant de maison à maison » à Keelong sont arrêtées par une patrouille française et soupçonnées d’être « atteintes d’horribles maladies contagieuses », elles sont fusillées sur le champ – « les lois de la guerre sont sans pitié », note candidement la brute militaire Dubosc. Le sentiment de supériorité raciale a besoin de ces mots empoisonnés (« Célestes ») et de ces pauvres alibis (peuple « jaune » = fièvre jaune, choléla, syphilis...) pour s’enraciner dans la mentalité de ceux qui se voient, en tant que Blancs et chrétiens, destinés à gouverner le monde tout en exploitant et pillant les ressources naturelles des races « de couleur ».
Je fais maintenant une ellipse de plus d’un siècle qui me conduit en 1999 à Belle- ville, quartier du nord-est de Paris devenu, au cours des dernières décennies du XXème siècle, le second quartier chinois de Paris, peuplé essentiellement d’originaire de la région de Wenzhou ; l’autre quartier, plus ancien se situe dans le sud de la capitale et est peuplé principalement de Chinois issus de la péninsule indochinoise et arrivés en France vers la fin de la guerre du Vietnam principalement. J’avais à l’époque un ami, un trotskyste, radical et féroce comme moi, et qui était récemment devenu un auteur de romans policiers célèbre – il s’appelait Thierry Jonquet, il est mort du cancer au début de ce siècle. Thierry était alors l’un des représentants les plus éminents du « nouveau polar », très en vogue alors en France à l’époque, et issu directement de l’esprit d’insoumission et de rébellion de Mai 68. Loin de faire l’éloge de la police, ses romans levaient le voile sur les fondements de l’injustice sociale, les exactions de l’Etat profond, le racisme d’Etat, etc. Or, il se trouve que Thierry s’était, dans ces années-là, installé à Belleville, quartier traditionnellement cosmopolite et peuplé de descendants de toutes sortes d’émigrations – juive, arménienne, arabe, kabyle, subsaharienne, etc.
Et puis les Wenzhou étaient arrivés et le quartier s’était en effet très rapidement transformé en quelques années et cela, l’ami Thierry, internationaliste et cosmopolite convaincu, ne l’a pas supporté, percevant la sinisation galopante de Belleville comme une invasion. Ce qui l’a décidé à réagir, selon ses compétences et en tirant parti de son renom, en écrivant un roman ironiquement titré Jours tranquilles à Belleville, un clin d’œil naturellement au fameux Jours tranquilles à Clichy de Henry Miller... Un livre dans lequel il mettait en scène sur un ton vengeur la supposée mise en coupe réglée de « son » quartier par l’envahisseur chinois, ceci dans le plus pur style d’une xénophobie d’extrême droite. A l’époque, mon épouse, mon fils alors gamin et moi fréquentions assidûment Belleville, ses restaurants et ses épiceries chinois – un sorte de petit substitut hebdomadaire, pour ma femme, au retour au pays qu’elle ne pouvait effectuer qu’une fois par an... Belleville, c’était son petit pays de substitution, d’ailleurs quelques années plus tard, elle a fait l’actrice dans un film intitulé Les trottoirs de Belleville – autour de la prostitution chinoise dans ce quartier... Découvrant le pamphlet ouvertement sinophobe de mon ami gauchiste, je fus alors atterré et personnellement offensé – c’était comme si ce livre avait été directement écrit contre ma femme et mon fils – et je ne me privai pas de le faire savoir à son auteur... Mais ce qui m’avait peut-être le plus accablé, dans ce livre d’humeur, c’était la façon dont Jonquet, quand il cherchait un synonyme au mot « Chinois » (en langue française, à la différence de l’anglais, il faut toujours faire la chasse aux répétitions), redécouvrait tout naturellement (dans son dictionnaire des synonymes, j’imagine) le mot « Céleste » – « Les célestes » – le mot du racisme biologique et de l’esprit de conquête impériale du XIXème siècle, par excellence... Antiraciste par conviction, Thierry aurait, j’imagine, mis son poing sur la gueule sans hésiter à quiconque aurait, dans une discussion politique, employé des mots comme « ratons » ou « bicot » pour désigner les Arabes ou, a fortiori, « youpins » pour Juifs... Mais « Célestes », non, pas de problème, juste un synonyme expédient et décoratif de Chinois...
Voilà en bref pourquoi la sinophobie ne peut pas être pour moi un sujet d’étude « inerte », c’est un enjeu vivant et intime, tant dans la dimension de mon existence privée (comme on dit à tort) que dans celle de ma présence au monde historique. Les aventures de l’amiral Courbet et de Pierre Loti entre Matsui et Magong sont, évidemment éloignées dans le temps, mais il se trouve que ce passé habite encore le présent : chaque jour, là où je suis au moment où j’écris ce texte, à Menton, sur la Riviera française, je traverse une rue Amiral Courbet, un énergumène militaire et colonial galonné devenu partie intégrante du patrimoine national, donc. Lorsqu’aujourd’hui un quarteron de sénateurs ou de députés français investis dans le lobbying pro-Taïwan, c’est-à-dire indépendantiste et affairiste, débarque sur l’île, on le conduit parfois sur les lieux où le corps expéditionnaire français tenta de débarquer (en vain, heureusement), du côté de Danshui... et on y célèbre, à l’occasion d’une parodie de cérémonie du souvenir, l’’amitié franco-taïwanaise – la bêtise le disputant ici, face à l’Histoire, au cynisme – d’un côté comme de l’autre... De tous ces crimes refoulés, des bassesses qui, dans le présent, vont avec, il me faut bien porter le fardeau, en tant que je suis ce que je suis et que je viens d’où je viens – non pas pour battre ma coulpe, (je n’ai, personnellement, rien à voir avec cette engeance-là, passée et présente), mais parce que, quoi qu’on fasse, on appartient à une communauté historique – alors c’est plus fort que moi, quand je découvre à Magong une plaque stèle honorant de l’Amiral Courbet et son corps expéditionnaire, des plaques commémorant (en français) la mémoire des « bons soldats français » venus massacrer du « Céleste » dans cet archipel, je ne peux pas m’empêcher de gueuler comme une bête blessée – c’est ma nature et il est trop tard pour que j’en change.
Je peux passer maintenant au second versant, plus analytique, de mon intervention.
Sinophobie est évidemment un terme qui peut avoir des sens infiniment variables, selon les contextes dans lesquels il est utilisé, aussi bien en termes spatiaux que temporels. C’est, d’autre part, dans sa structure savante même (latine et grecque, comme génocide – tiens donc..), un terme récent – les langues et les discours occidentaux n’ont jamais manqué, je viens de le dire, de termes et d’expressions destinés à condenser et désigner négativement tout ce qui peut s’associer négativement aux signifiants « Chine », « Chinois ». Aujourd’hui, la sinophobie en situation, peut se manifester comme aversion, voire manifestation d’hostilité active à l’endroit de tout ce qui présente une physionomie est-asiatique : pendant la crise du Covid, aux Etats-Unis, la sinophobie de rue attisée par les insanités trumpiennes sur le virus chinois et le « Kung Flu » ne fait pas dans le détail : elle s’en prend aux Coréens-Américains ou Vietnamiens-Américains non moins qu’aux originaires de Chine continentale... ou Taiwan.
Dans le contexte de la nouvelle Guerre froide, la sinophobie occidentale se recentre sur le régime établi en Chine continentale, ses figures dirigeantes, ses torts et crimes supposés. La sinophobie raciale associée au « péril jaune » qui fit florès dans le discours impérialiste occidental des guerres de l’Opium à la guerre de Corée a reflué – du moins dans le discours savant et public : c’est que le motif de la hiérarchie des races n’a plus trop bonne presse, mais c’est aussi que les choses sont devenues plus « compliquées » – la configuration des conflits opposant des « mondes » ne s’est pas seulement redéployée en passant de la race à la culture ; on y voit aux prises des blocs ou des systèmes d’alliances plus composites que par le passé : le péril jaune est tant soit peu discrédité depuis que le Japon, la Corée du sud et Taïwan sont devenus des alliés sûrs et féaux de l’hegemon états-uniens, des Occidentaux par adoption. Et la sinophobie raciale est évidemment devenue un motif incommode à l’heure où Taïwan, souveraineté de facto peuplée à plus de 90% de Chinois ethniques, a acquis le statut envié d’enfant chéri de la démocratie globale, universaliste... et plus impérialiste, occidentalocentrique et conquérante que jamais...
L’apparition relativement récente du mot sinophobie (bien plus courant que de son antonyme, sinophilie et cette asymétrie n’est pas un détail...) dans le discours public attire notre attention sur l’extrême variabilité du vocabulaire associé à la désignation du « mauvais autre » dans les usages discursifs courants et l’ordre même des discours. Il y a, dans les langues occidentales, mille façons de mal parler des supposés Jaunes et des Chinois et aussi bien de donner corps à ces préjugés, tout comme est infinie, en Europe occidentale et en France tout particulièrement, la richesse du vocabulaire pour désigner péjorativement ou insulter les Arabes et les Noirs. Cette prolifération, cette capacité de renouvellement de ce vocabulaire au fil du temps, c’est la signature du colonial, celle de la perspective impériale persévérant bien au-delà du temps des empires. D’un point de vue généalogique, ces variations peuvent stimuler d’intéressantes réflexions sur le même et l’autre : en effet, ce n’est pas sans raison que l’on pourrait dire qu’au fond, en France, dans les proliférations discursives autour du motif du « fellagah » (le soldat de l’armée de libération algérienne, dans la langue du colonisateur, mot dérivant de « fellah », paysan en arabe) au temps de la guerre d’indépendance des Algériens et le délire contemporain autour du motif de l’ « islamiste » ou, mieux, du « terrroriste islamiste », c’est toujours de la même chose qu’on parle, dans la France coloniale ou post-néo coloniale et impériale : l’Arabe comme sujet dangereux et mauvais objet. De même, dans le discours d’époque sur les « foules asiatiques » et le « péril jaune », au temps de la guerre du Tonkin et dans la prolifération actuelle des clichés orwelliens sur la Chine continentale, son régime et ses dirigeants, on retrouve bien des éléments de continuité fondamentale, le même « fonds » du préjugé indéracinable et enraciné dans une psyché collective blanche – les Jaunes comme masse humaine dangereuse et, collectivement, comme mauvais objet.
Mais en même temps, sur ce fond de continuité de longue durée, se produisent dans le paysage infini de la dépréciation de l’autre racial, religieux, culturel, toutes sortes de ruptures, de discontinuités, de mouvements de réagencement qui affectent tant les représentations, l’ordre des discours que les conduites et les actions. C’est en ce sens que l’irruption du mot sinophobie dans le discours public et savant est intéressante – de quoi ce vocable relativement nouveau est-il le signe ou le nom ? Il est, en termes linguistiques, un déictique, il désigne, il montre – ici quelque chose de nouveau et qui se dessine dans la discontinuité de la durée historique autant que de l’agencement des discours.
Ce novum, c’est la nouvelle Guerre froide entendue ici non pas seulement comme affrontement d’intensité variable entre des camps ou des systèmes d’alliances, mais surtout comme affrontement majeur en devenir, lutte à mort promise et annoncée, déjà commencée, entre des « mondes » et des « espèces ». La nouvelle Guerre froide, c’est bien moins le remake ou reenactment, avec variantes et suppléments, de la première (dont les prémisses étaient tout à fait différentes) que la réalisation annoncée, sous la forme la plus barbare, de la prédiction imbécile de Huntington – notre époque, après la victoire de l’Occident démo-capitaliste dans son affrontement avec l’Empire soviétique et le « communisme », serait celle de la collision violente entre « civilisations » incompatibles – L’islam en premier lieu, mais pas seulement.
C’est que les croisés de la démocratie universaliste/impérialiste ont réussi ce tour de force, dans leur aveuglement somnambulique conquérant, de relancer le scénario débile de Huntington dont ils étaient, pourtant, dans l’euphorie de la victoire des années Reagan-Thatcher, les premiers à stigmatiser le dangereux simplisme. Ils ont en effet fait en sorte, dans leur présomption totalisante (en plaçant leurs ambitions globalistes sous le signe de la total-démocratie), que les lignes de fractures qui se dessinent aujourd’hui dans le désordre du monde ne séparent pas seulement des camps, des pôles d’intérêts divergents ou opposés, mais des mondes et des espèces.
C’est dans ce contexte et sous ces conditions que la Chine, en tant qu’elle s’affirme aujourd’hui comme cette puissance elle aussi globale qui, en premier lieu, résiste à l’uniformisation du monde placée sous le signe de l’impérialisme démocratique, est progressivement « construite » non pas comme un adversaire ou un concurrent dans le sens ordinaire de ces termes, mais comme un ennemi de la civilisation et du genre humain. Le fondement de la sinophobie qui sature le discours aux mille têtes, mille bouches, de l’Occident sur la Chine, c’est une tératologie qui aboutit à faire de tout ce qui se subsume sous les signifiants « Chine », « chinois », non pas seulement un adversaire « systémique » comme dit la science politique, mais un barbare et, à ce titre, l’antagonique de toute civilisation. Lorsque, à Taïwan, les élites de gouvernement parlent désormais couramment de la Chine comme de l’ennemi destinal sinon héréditaire, c’est bien ainsi qu’elles l’entendent : notre ennemi entendu comme ennemi du genre humain et comme « monstre ». Il suffit, pour s’en persuader, de jeter un coup d’œil aux caricatures publiées au fil des jours dans le torchon anglophone Taipei Times...
Nul n’ignore sur quoi débouche, en toutes circonstances, ce genre de tératologie : l’ennemi du genre humain, le monstre, c’est ce que nous avons le devoir d’anéantir et d’exterminer ; ceci à la fois au nom de l’obligation sacrée de protéger notre propre intégrité, mais aussi au nom de la sauvegarde du genre humain. Une action de salut public, une opération vertueuse par excellence, donc.
La stigmatisation de la Chine et du régime chinois comme ennemi public n°1 de l’humanité civilisée et démocratique (mais surtout occidentale et blanche) est une opération rhétorique cousue de fil blanc inspirée par l’esprit de reconquête d’une l’hégémonie sans doute moins mise en péril par la montée de la puissance chinoise que par l’échec des puissances occidentales à « transformer l’essai » après la chute de l’URSS – après avoir gagné la Guerre froide, elles ont distinctement perdu, et sur tous les fronts la bataille pour une paix empruntant les traits d’une globalisation placée sous le signe de la démocratie de marché boostée par l’esprit du néo-libéralisme.
La stigmatisation lancinante et incantatoire de la menace chinoise, devenue le signifiant maître et l’idée fixe des activistes de la nouvelle Guerre froide est une opération propagandiste établie sur le plus branlant des échafaudages idéologiques – du même type exactement que l’opération menée par les think tanks et lobbies anglo-états-uniens mobilisés à cette fin et qui a conduit au Brexit – le même procédé de création de toutes pièces d’un état d’urgence, d’une menace imminente, les mêmes ficelles de l’agitation en noir et blanc la plus simpliste et, le plus alarmant de tout, le même penchant pour le chaos, c’est-à-dire la même inspiration nihiliste – peu importe que périsse le monde pour peu que prospèrent nos intérêts du moment ; de ce point de vue, les Boris Johnson, Dominik Cummings et autres saccageurs cyniques du peu qu’il restait de la soi-disant construction européenne et les Pompeo, Pelosi, sans oublier leur obligés et clients taïwanais, c’est la même engeance politique possédée par la même inclination pour le pire. Ces gens-là, quand ils sont aux affaires, gouvernent à l’instinct de mort – et c’est la raison pour laquelle la construction de l’ennemi imaginaire, celui qui veut notre mort et qu’il convient donc de neutraliser avant qu’il ne passe à l’acte, est au cœur de leur déraison politique – l’Union européenne bien décidée à en finir avec l’immémoriale souveraineté britannique dans un cas, l’ogre chinois bien décidé à ne faire qu’une bouchée de la virginale démocratie taïwanaise de l’autre...
On voit donc bien ici comment peuvent se conjuguer l’inertie du préjugé, comme une sorte de pli immémorial, (du temps des « Célestes » fourbes et cruels à celui des totalitaires pékinois hitléro-staliniens) avec des agencements et des dynamiques qui relancent ce même préjugé sous des modalités singulières dans des situations données : chaque fois, l’horreur de l’autre renvoyé de l’autre côté de la ligne de partage entre le civilisé et le barbare, entre l’ami et l’ennemi (etc.) prend une tournure singulière et le paysage de l’affrontement (de la détestation) se peuple de représentations dotées de fortes intensités imaginaires – de Fu Manchu à Xi, le nouvel empereur qui se trouve être aussi un mixte de Hitler et Staline...
Comme le remarquait Foucault dans Les mots et les choses, l’Occident a toujours eu un problème avec le Même et l’Autre – on le voit bien avec ce qui, dans la durée, se subsume sous le terme générique contemporain de « sinophobie » – le même objet comme figure de l’altérité raciale, culturelle, religieuse, politique, une altérité placée sous le signe de l’inquiétante étrangeté, pour le moins... Mais un même objet sans cesse porté à se diffracter en une multitude d’éclats singuliers. Au temps de la guerre de Corée, l’Armée populaire chinoise qui affrontait celle des Etats-Unis et de ses protégés sud-Coréens, c’était les « Rouges » en version maccarthyste – ce qui présente un écart significatif avec les « totalitaires » pékinois, dans la version néo-orwellienne d’aujourd’hui. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement l’emballage rhétorique ou linguistique de l’affrontement – c’est surtout la singularité des configurations – chacune d’entre elle suscite sa culture de l’ennemi spécifique, avec la langue de l’hostilité qui va avec.
Lorsque se développe une dynamique de l’affrontement, celle-ci se trouve infailliblement boostée et envenimée par l’apparition de la figure d’un hyper-ennemi identifiable à des traits raciaux, religieux, culturels. Dès lors, tout est possible, sans limite, en termes de fuite dans l’imaginaire et d’enragement de la rhétorique de l’hostilité. La sinophobie, telle qu’elle est aujourd’hui en vogue à Taïwan parmi les élites de pouvoir obnubilées par leur rêve d’indépendance en apporte la preuve flagrante : une fois qu’un groupe humain relativement homogène et doté d’un certain capital de pouvoir s’est trouvé embarqué dans le rêve d’un autre, plus puissant, un rêve de maître – ici celui des Etats-Unis et de leurs satellites, de plus en plus pressés de remettre la Chine continentale « à sa place » – le réel, dans sa forme la plus compacte et la plus simple – cesse absolument de constituer un garde-fou protégeant des dérives imaginaires les plus folles.
On va donc, dans un pays peuplé dans son immense majorité de Chinois ethniques et, du point de vue des coutumes, traditions, mentalités, de la langue et du reste, chinois jusqu’au bout des ongles, on va donc, dans ce pays même, voire prospérer dans le discours des élites gouvernementales, étatiques, médiatiques, économiques et, parfois hélas, académiques, la plus vulgaire et la plus outrancière des sinophobies. La culture de l’ennemi ou plutôt de l’hostilité chauffée à blanc est un tsunami qui emporte tout sur son passage : le signifiant « Chine » devient dans l’expression sacramentelle « The China Threat », une sorte de nom du diable et l’évocation de la menace supposée en question une forme d’exorcisme ; les caricatures de l’ennemi chinois (ou de ses supposés séides) en animal répugnant, porc, serpent, parasites rivalisent en outrance et vulgarité avec le pire de la propagande nazie contre les Juifs au temps du IIIème Reich ; les comparaisons entre les dirigeants chinois et les pires dictateurs et exterminateurs du XXème siècle deviennent routinières dans le pauvre storytelling colporté par les journalistes en uniforme (ou en livrée) du Taipei Times et de ses équivalents en langue chinoise ; les génocides imaginaires dont on leur impute la responsabilité viennent compléter ce tableau d’apocalypse – j’abrège, on pourrait faire à propos de cette littérature d’agitation qui n’est qu’un discours de guerre dont on voit bien, au fil des jours, qu’il se dissimule de moins en moins, tout un livre noir.
Ce que je voudrais simplement souligner ici au passage, c’est l’inévitable effet miroir ou effet boomerang auquel se trouvent exposé les Est-Asiatiques qui s’embarquent pour cette croisade nauséeuse : le jour où l’hostilité prendra un tour armé, entre la Chine et le bloc agrégé autour des Etats-Unis, une vague non pas de sinophobie verbale mais bien de violences massives se déchaînera dans l’Occident blanc et chrétien, dont le propre sera de ne pas faire la différence entre le bon et le mauvais Chinois, le Coréen ou le Vietnamien et le maudit Chinois du continent ; dans les rues des grandes villes des Etats-Unis, de Paris, de Londres ou de Rome, vous n’aurez pas eu le temps de sortir de votre poche votre passeport vert portant en majuscules dorées la mention « Taïwan » que vous vous retrouverez dans le caniveau, le visage en sang. Et cela, innocent touriste ou étudiant à Paris ou ABC de Minneapolis que vous serez alors – c’est aux apprentis sorciers qui jouent aujourd’hui aussi cyniquement avec le feu de la sinophobie que vous le devrez.
La question que je me pose toujours avec un considérable étonnement et même incrédulité est la suivante : comment se peut-il que, dans un pays si profondément enraciné dans l’immémorial de la vie, la langue et la culture chinois, de la cosmologie chinoise, dans les grandes comme les petites choses, dans un espace où, en dépit de tout, les interactions humaines et économiques avec la Chine continentale demeurent intenses, la rhétorique antichinoise d ’égout développée par les incendiaires qui président aux destinées du pays ne suscite pas un tollé immédiat et ne succombe pas immédiatement au ridicule ? Il y a dans cette situation, pour l’étranger vivant à Taïwan en observateur assidu des soubresauts qui agitent cette société, quelque chose de proprement irréel, « surréaliste » comme on le dit couramment mais improprement.
La seule réponse que je trouve à la question est déprimante dans sa sobriété réaliste : A Taïwan, les élites gouvernantes se sont mises au diapason de la sinophobie proprement pandémique qui n’en finit pas de monter dans le monde occidental (obstinément blancocentrique, impérial et hégémonique) tout simplement parce que c’est la langue du maître et que, depuis toujours, dans l’espace par destination subsidiaire et dépendant de cette île, les élites amoureuses du pouvoir, celles que fascine le mirage du pouvoir, se sont constamment habituées à s’activer sous la tutelle d’un maître, à anticiper sur les desiderata de celui-ci, à l’imiter, à penser, parler et agir, dans cette condition de dépendance, en subalternes. Pour des raisons historiques et géo-politiques sur lesquelles je n’ai pas le temps de m’étendre ici, les élites aujourd’hui au pouvoir présentent la caractéristique de ne concevoir l’exercice de leurs prérogatives et leur avenir politique et historique que dans l’étroite dépendance vis-à-vis des Etats-Unis et dans leur condition de clients et cousins par alliance du bloc occidental, donc, en termes ethniques, comme Blancs d’honneur (au même titre que le « démocrates » hongkongais) et, en termes militaires comme troupes auxiliaires, « proxies » de la puissance américaine.
En termes généalogiques, ce qui importe ici, ce n’est pas tant l’alliance du moment, c’est le pli de la subalternité : ce qui se reproduit aujourd’hui sous une forme particulièrement accentuée, simplifiée, caricaturale et dont le débouché ultime est la désignation du voisin non pas seulement proche mais « cousin » comme ennemi intime, c’est cette façon toute particulière de s’établir en position de subalternité. Le subalterne, ici, ce n’est pas celui qui s’identifie lui-même comme un dépendant ou un dominé et moins encore comme un opprimé, mais plutôt comme un protégé ; non pas comme un serviteur mais comme un allié ; non pas comme un client, mais comme un partenaire...
Il y a ainsi tout une fantasmagorie de la subalternité dont le fondement est la mauvaise foi et la propension à, dirait Marx, voir le monde à l’envers – l’esprit de subalternité à Taïwan aujourd’hui, c’est ce qui incline les élites de pouvoir à tenter désespérément de croire que la vocation des Etats-Unis est de défendre (au nom des valeurs universelles de la démocratie) la souveraineté de l’île plutôt que d’utiliser et, probablement, sacrifier celle-ci dans la partie d’échecs à vocation apocalyptique qui les oppose à la Chine continentale. Candeur et mauvaise foi peuvent, en certaines circonstances, entrer en composition dans des cocktails vraiment étourdissants. La façon dont les Etats-Unis conduisent aujourd’hui leur guerre par délégation contre la Russie en Ukraine, avec la chair et le sang des Ukrainiens, devrait pourtant suffire à les instruire. Mais le somnambulisme a ses raisons que la raison ignore... La figure du maître comme protecteur plutôt que comme oppresseur, mauvais génie ou manipulateur comme ruse de l’Histoire – beau sujet de méditation pour tous ceux qui, aujourd’hui, tombent dans le panneau de l’ « amitié solide comme le roc » entre Taïwan et les Etats-Unis.
Le paradoxe de l’histoire moderne de Taïwan est finalement assez facile à établir : c’est une histoire faite de très fortes discontinuités, en termes de relations entre gouvernants et gouvernés, de souveraineté, de régime politique, mais ces discontinuités évidentes, des dynasties chinoises à la colonisation japonaise puis à la ROC d’importation, puis à la démocratie post-KMT en forme de protectorat états-unien toujours plus ouvertement affiché, se produisent sur un fond de continuité évidente : celle-ci s’établit sur la constance d’une relation de subalternité à un maître plus ou moins distinctement perçu comme étranger ou exogène – l’empereur chinois et son administration, le colonisateur japonais, le vaincu de la guerre civile chinoise reconverti en autocrate, et puis, en forme de happy end pour rire, le bon maître américain, le puissant ami bienveillant entourant l’île de son bras protecteur tandis que se déchaînent les ambitions de l’ogre chinois... Mais, quelle que soit la version du moment, dans les contextes si variés de la mise sous dépendance et tutelle de l’île, ce qui demeure constant, c’est la façon dont les rapports entre gouvernants et gouvernés demeurent enveloppés dans la relation entre un maître et un subalterne au visage constamment changeant – un sujet de seconde zone sous les empires chinois, un colonisé variablement discriminé sous la domination japonaise, un autochtone brutalisé sous Chiang Kai Chek, un protégé, un obligé ou un client dans la dernière version...
Ce qui apparaît clairement, c’est qu’au fil de ces lignes de continuité, la subalternité tend à devenir un ordre ou une sorte d’institution symbolique – ce qui explique qu’elle puisse devenir un système de représentations et de conduites irriguant toute une société et n’épargnant aucune institution – à commencer, horresco referens, par l’Université...
Or, ce qui est typique de la dernière version de la subalternité taïwanaise, celle qui nous intéresse dans et pour notre présent, c’est la façon dont s’établit un lien indéfectible entre dépendance, subalternisation et affirmation de l’identité, imaginaire de la souveraineté et de l’indépendance : plus on tire sur la corde de l’indépendance et de la souveraineté, et plus le nœud coulant de la dépendance au nouveau maître se resserre autour du cou de l’île et des insulaires – ce qui, à terme et en l’absence d’un pas de côté résolu, conduit inévitablement les joueurs de flûte souverainistes et indépendantistes à entraîner les habitants de l’île dans le maëlström d’une proxy war exemplaire avec la Chine, une guerre dont ils seront la chair à canon pour le compte des Etats-Unis.
Cela, c’est le tracé historique de ce qui s’annonce, parfaitement visible et prévisible. Mais pour revenir à la sinophobie et finir sur ce motif, puisque c’est celui qui vous rassemble ici, je voudrais dire un mot sur le type humain que fabrique ce genre de situation où, dans le fil d’une guerre civile qui n’en finit pas (Taïwan et ses vélléités d’indépendance, ça n’est jamais que la suite de l’interminable guerre civile chinoise) où des vaincus doivent, pour survivre politiquement et historiquement, se rallier à un maître étranger, s’assimiler à lui, en adopter les mœurs, le langage, les représentations – l’imiter en tout, et, à défaut de lui ressembler tout à fait, en devenir l’auxiliaire, l’idiot utile, le mercenaire, le clone, etc.
Les élites gouvernantes taïwanaises se sont, depuis que le DPP est arrivé aux affaires pour la seconde fois et y semble solidement installé, jetées résolument dans cette impasse qui les voue à pratiquer, au-delà des simples opportunités et obligations politiques, une politique d’assimilation culturelle et un mimétisme pathétique sans bornes ni discernement – d’où, par exemple, la farce du bilinguisme pour tous annoncé pour demain, de l’anglais devenu deuxième langue du pays – un pays où l’immense majorité des étudiants en toutes matières et de tous niveaux est infoutue de tenir une conversation élémentaire dans la langue du maître... D’où l’inconsistance rêverie de devenir l’Israël est-asiatique des Etats-Unis, avec, notamment, les mêmes formes de porosité entre les administrations étatiques des deux pays...
La sinophobie des élites dirigeantes taïwanaises trouve donc ici son débouché inévitable sous la forme du plus pathétique des white – non pas washing, mais bien facing : à l’instar des démocrates trumpistes et johnsoniens de Hong Kong, on se voit toujours plus blanc, plus « américain », on fait, quand on en a les moyens, ses statements, directement en anglais, avec l’accent du Texas, on fait des thèses copiées/collées en anglais, on voit le Pacifique comme une autoroute mentale et maritime qui relie directement Taïwan à la côte ouest des Etats-Unis, au panthéon des déités, on remplace Matsu et Koxinga par les statuettes de Trump, Pompeo et Pelosi... bref, une dérive des continents mentale qui, sans relâche, éloigne l’île de la Chine continentale et la rapproche de la Californie.
Je ne peux pas m’empêcher de trouver le type à la fois social, culturel, politique d’humanité qui se fabrique ici (au fil du processus de déni et de renégation de leur sinité et d’illusoire conversion à la condition occidentale blancocentrique dans lequel sont embarquées les élites dirigeantes de ce pays) particulièrement peu attrayant, pour le moins. Je les trouve même, ces somnambules politiques et historiques, tout ce qu’il y a de plus moches, comme type humain : pas seulement des anticommunistes ataviques en pilotage automatique, des démocrates de karaoke, mais surtout des renégats culturels – car c’est à cela que les conduit inévitablement la pente de la sinophobie sur laquelle ils se sont engagés. Et le renégat culturel est un personnage vraiment déprimant.
Je sais bien que ces gens-là jouent leur va-tout dans cette affaire et que s’ils ratent leur coup, ils ne seront plus rien, ils perdront tout de leur puissance politique, économique et iront grossir les rangs de l’exil aux Etats-Unis et au Canada, le sort promis aux mercenaires de l’Occident engagé dans les batailles perdues d’Asie orientale. Mais enfin, ce sont bien eux qui se sont jetés dans cette impasse qui les conduit aujourd’hui sur les chemins de ce maccarthysme à la taïwanaise dont font les frais et feront de façon croissante les frais les supposés agents de l’ennemi continental dont le tort est de ne persister à penser que Taïwan et la Chine sont liées par un lien organique, quelle que soit la forme politique et institutionnelle qui doive en découler. Et c’est donc bien leur propre aveuglement qui les voue à finir, d’une manière ou d’une autre, dans le rôle de supplétifs de l’empire américain en Asie orientale, là où ils se rêvaient en héros de l’indépendance taïwanaise. Toutes les guerres, toutes les armées du XXème siècle ont eu leurs supplétifs, espèce constamment malheureuse et méprisée, revêtue d’un uniforme de circonstances, parlant avec accent la langue du maître, reniant son monde et sa culture, sans pour autant être accueillie dans celle du maître. Mais à l’évidence, les leçons de l’Histoire, ça n’existe pas, ceci pas davantage sur cette île qu’ailleurs, pas davantage aujourd’hui qu’hier...
From subalternity to all-out sinophobia – the noose around Taiwan’s neck...
Prologue
You will forgive me, I hope, for not being able to be with you and, even worse, for not being able to answer your possible objections and questions - I am, at the moment where this symposium is being held, on a plane that takes me back to Taiwan. What I would like to say to you in the preamble to my intervention on Sinophobia and in a rather affective and existential mode than strictly academic, is that when I talk about this subject, I cannot do so in a detached mode, as if I was talking about a subject that I can keep at a distance. It is for me a very personal question.
This for two reasons. The first being that, married to a Taiwanese woman and father of a half-breed child, ours, having lived with them for a long time in France, I am well placed to know that Sinophobia, in its most brutal and elementary form, outside the East Asian world is above all a question of facies . And therefore a calamity that does not go into detail, unless you constantly wear a T-shirt with the inscription "I am Taiwanese, not Chinese !" », and even so... - a fact of experience which would do well to remember all those agitated by the narcissism of small differences, on this very island, today in particular...
The second reason is that I am French and it so happens that one hundred and thirty-eight years ago, if I count correctly, France, a colonial and imperial world power at the time, tried to gain a foothold in Taiwan. and Penghu, ( Formosa and the Pescadores, integral parts of the Chinese Empire according to the denominations current at that time), this on the occasion of a policy of predation typical of what the European powers then undertook in Eastern Asia and in the purest style of gunboat politics and under a pretext sewn with white thread (The so-called Bac Lê ambush).
By chance, a few weeks ago, I came across a beautiful and large (red) book, an award book received at school by one of my grandfathers who later became a teacher, school principal and decorated soldier of two world wars, a book of remembrance written by a naval officer who took part in this campaign, a certain Emile Dubosc, a naval lieutenant ; this work is entitled 35 months of campaign in China and Tonkin and it is prefaced by Pierre Loti, glory of French exotic and orientalist literature of the time, member of the French Academy, etc. However, it so happens that Loti prefaces these memories of a military expedition in the context of the conquest of Indochina by colonial France, for the good reason that he himself took part in this campaign in the China Sea - a discovery which was a shock for me, considering the notoriety, hardly withering, still today, of Loti. And, in his brief preface, here is what Loti writes, addressing the author directly : "Do you still remember our last meeting, already thirteen years ago, deep in the bad Yellow country, at a launch of torpedoes, in the bay of the Pescadores Islands ? ". The "bad Yellow country" is you, my friends, and I can assure you that of Pierre Loti streets, even Pierre Loti elementary schools or junior high schools,and public libraries, there must still be hundreds in France today, Loti is still and always a national glory and a monument of French literature - just as there are many streets Admiral Courbet, named after the chief colonialist brigand who led this campaign before dying of yellow fever, precisely, off Magong – Divine Justice, no doubt...
At the time of this campaign during which the French fleet bombarded Tamsui and Keelong and their surroundings, then Magong, the soldiers and sailors massacring civilians and prisoners of war on the occasion (this without France being, formally, in a state of war with the Chinese Empire), the minister of the colonies who supervised the whole operation was called Jules Ferry – and well, Jules Ferry, he is the absolute hero of the republican “national novel” in France, the founder of the secular and compulsory school at the beginning of the Third Republic, etc. So you can clearly see how, in modern French history, the supposed heritage of the Enlightenment, the ideals and values of the Republic, the great names of literature are inseparable from the worst of imperial and colonial practices. And how this cocktail is inoculated into us from an early age – things have not changed fundamentally since my grandfather was on the school benches – Ferry, Loti and Courbet still have their place in the pantheon of great men of the Republic. It’s not for nothing that my grandfather, first in his class, received this book in particular, as a prize for his outstanding performance- there is nothing like the story of a campaign where the Imperial banditry prospers and the most candid anti-Asian racism thrives to model young republican souls and make good little French people called, a few years later, to go and be massacred en masse in the trenches of the First World War.
In Dubosc’s account, the Chinese, that is to say here without distinction the soldiers of the Qing army and the inhabitants of the island, are commonly and pejoratively referred to as "the Celestials" - when the French expeditionary force takes prisoners among the "celestial" soldiers, employs them as porters "in default of mules", and when women "wandering from house to house" in Keelong are arrested by a French patrol and suspected of being "stricken with ’horrible contagious diseases’, they are shot on the spot - ’the laws of war are pitiless’, candidly notes the military brute Dubosc. The feeling of racial superiority needs these poisonous words ("Celestials") and these poor alibis ("yellow" people = yellow fever, cholera, syphilis...) to take root in the mentality of those who see themselves, as whites and Christians, destined to rule the world while exploiting and plundering the natural resources of the “colored” races.
I am now making an ellipse of more than a century which leads me in 1999 to Belleville, a district in the north-east of Paris which, during the last decades of the 20th century, became the second Chinatown of Paris, populated mainly by people from the Wenzhou region ; the other, older district is located in the south of the capital and is populated mainly by Chinese from the Indochinese peninsula and who arrived in France mainly towards the end of the Vietnam War. I had a friend at the time, a Trotskyist, radical and ferocious like me, who had recently become a famous author of detective novels – his name is Thierry Jonquet, he died at the beginning of this century. Thierry was then one of the most eminent representatives of the "new thriller", very fashionable then in France at the time, and resulting directly from the spirit of insubordination and rebellion of May 68. Far from making the praise of the police, his novels lifted the veil on the foundations of social injustice, the abuses of the deep state, state racism, etc. Anyway, it turns out that Thierry had, in those years, settled in Belleville, a traditionally cosmopolitan district populated by descendants of all kinds of emigration – Jewish, Armenian, Arab, Kabyle, sub-Saharan, etc.
And then the Wenzhous had arrived and the district had indeed changed very quickly in a few years and that, my friend Thierry, internationalist and convinced cosmopolitan, could not stand it, perceiving the galloping sinicization of Belleville as an invasion. Which made him decide to react, according to his skills and taking advantage of his reputation, by writing a novel ironically titled Quiet Days in Belleville, a natural nod to the famous Quiet Days in Clichy by Henry Miller... A a book in which he staged in a vengeful tone the “conquest” of “his” neighborhood by the Chinese invader, in the purest style of far-right xenophobia. At the time, my wife, my then-boyish son and I assiduously frequented Belleville, its restaurants and its Chinese grocery stores – a kind of small weekly substitute, for my wife, for the return home that she could only do once. a year... Belleville was her little surrogate country, moreover a few years later, she acted as an actress in a film called The sidewalks of Belleville - around Chinese prostitution in this district... Upon discovering the openly Sinophobic pamphlet of my leftist friend, I was then appalled and personally offended – it was as if this book had been written directly against my wife and my son – and I did not hesitate to let its author know. .. But what had perhaps overwhelmed me the most, in this angry and fetid book, was the way in which Jonquet, when he was looking for a synonym for the word "Chinese" (in French, unlike the English, you always have to hunt down repetitions), rediscovered it quite naturally (in its dictionary of synonyms, I imagine) the word "Celeste" - "Les celestes" - the word of biological racism and the spirit of imperial conquest of the XIXth century, par excellence... Antiracist by conviction , Thierry would, I imagine, have punched without hesitation to anyone who, in a political discussion, would have used offensive words like "ratons" or "bicot" to designate the Arabs or, a fortiori, "Yids" for the Jews ... But "Celestials", no, no problem, just an expedient and decorative synonym of Chinese...
This, in short, is why Sinophobia cannot be an "inert" subject of study for me, it is a living and intimate issue, both in the dimension of my private existence (as we wrongly say) and in that of my presence in the historical world. The adventures of Admiral Courbet and Pierre Loti between Matsui and Magong are obviously distant in time, but it turns out that this past still lives in the present : every day, where I am when I write this text , in Menton, on the French Riviera, I cross a rue Amiral Courbet, a military and colonial bully with braid who has become an integral part of the national heritage. When today a squad of French senators or deputies invested in pro-Taiwan lobbying, that is to say separatist and business-thirsty, lands on the island, they are sometimes taken to the places where the French expeditionary force tried to disembark (in vain, fortunately), near Danshui... and there is celebrated, on the occasion of a parody of a ceremony of remembrance, the Franco-Taiwanese friendship – stupidity disputes it here, face to History, to cynicism - on one side as on the other... Of all these repressed crimes, of the baseness which, in the present, goes with it, I have to bear the burden, as I am what I am and what I come from where I come from - not to beat my guilt (I have, personally, nothing to do with this ilk, past and present), but because, whatever we do, we belong to a historical community – so it’s stronger than me, when I discover in Magong a stele plaque honoring Admiral Courbet and his expeditionary corps, plaques commemorating (in French) the memory of the "good French soldiers" who came to massacre the "Céleste" in this archipelago, I can’t help but yell like a wounded beast - it’s my nature and it’s too late for me to change it.
I can now move on to the second, more analytical aspect of my intervention.
Sinophobia is obviously a term that can have infinitely variable meanings, depending on the contexts in which it is used, both in spatial and temporal terms. It is, on the other hand, in its very scholarly structure (Latin and Greek, like genocide – well, well...), a recent term – Western languages and discourses have never lacked, I have just said, of terms and expressions intended to condense and designate negatively all that can be associated with the signifiers "China", "Chinese". Today, Sinophobia en situation, can manifest itself as an aversion, even a manifestation of active hostility towards anything that presents an East Asian physiognomy : during the Covid crisis, in the United States, street Sinophobia fueled by Trumpian insanities on the Chinese virus and “Kung Flu” did not go into detail : the enraged Sinophobic nuts attacked Korean-Americans or Vietnamese-Americans no less than people from mainland China... or Taiwan.
In the context of the new Cold War, Western Sinophobia is refocusing on the established regime in mainland China, its leading figures, its supposed wrongs and crimes. The racial Sinophobia associated with the "Yellow Peril" that flourished in Western imperialist discourse from the Opium Wars to the Korean War has ebbed - at least in scholarly and public discourse : the hierarchy of Races doesn’t sell anymore ; but it’s also because things have become more “complicated” – the configuration of conflicts opposing “worlds” has not only been redeployed by moving from race to culture ; we see more composite blocs or systems of alliances than in the past : the yellow peril has been somewhat discredited since Japan, South Korea and Taiwan have become sure and loyal allies of the US hegemon, that is Westerners by adoption. And racial Sinophobia has obviously become an inconvenient motive as Taiwan, a de facto sovereignty with a population of more than 90% ethnic Chinese, has acquired the envied status of the darling of global democracy, universalist ... and more imperialist, western-centric and conquering than ever...
The relatively recent appearance of the word sinophobia (much more common than its antonym, sinophilia and this asymmetry is not a detail...) in public discourse draws our attention to the extreme variability of the vocabulary associated with the designation of the “bad other” in current discursive usages and the very order of discourses. There are, in Western languages, a thousand ways of speaking badly of the supposed Yellows and the Chinese and also of giving substance to these prejudices, just as is infinite, in Western Europe and in France in particular, the richness of the vocabulary to designate pejoratively or insult Arabs and blacks. This proliferation, this ability to renew this vocabulary over time, is the signature of the colonial, that of the imperial perspective persevering well beyond the time of empires. From a genealogical point of view, these variations can stimulate interesting reflections on the same and the other : indeed, it is not without reason that one could say that basically, in France, in the discursive proliferations around the motif of the "fellagah" (the soldier of the Algerian liberation army, in the language of the colonizer, a word deriving from "fellah", peasant in Arabic) at the time of the Algerian war of independence and the contemporary frenzy around the motif of the "Islamist" or, better, the "Islamist terrorist", it is always the same object we speak about, in colonial or post-neo-colonial and imperial France : the Arab as a dangerous subject and a bad object. Similarly, in the discourse on the "Asian mobs" and the "Yellow Peril", at the time of the Tonkin war and in the current proliferation of Orwellian clichés about mainland China, its regime and its leaders, we find many elements of fundamental continuity, the same “ground” of ineradicable prejudice rooted in a white collective psyche – the Yellows as a dangerous human mass and, collectively, as a bad object.
But at the same time, against this background of long-lasting continuity, all sorts of ruptures, discontinuities, movements of rearrangement occur in the infinite landscape of the depreciation of the racial, religious and cultural other which affect the representations, the order of discourses as behaviors and actions. It is in this sense that the irruption of the word sinophobia in public and scholarly discourse is interesting – of what is this relatively new term the sign or the name ? It is, in linguistic terms, a deictic, it designates, it shows – here something new and which takes shape in the discontinuity of historical duration as much as of the arrangement of discourses.
This novum is the new Cold War understood here not only as a confrontation of varying intensity between camps or systems of alliances, but above all as a major confrontation in the making, a fight to the death promised and announced, already begun, between "worlds" and "species". The new Cold War is much less the remake or reenactment, with variants and supplements, of the first (whose premises were completely different) than the announced realization, in the most barbaric form, of the imbecile prediction of Huntington – our era, after the victory of the demo-capitalist West in its confrontation with the Soviet Empire and “communism”, would be that of the violent collision between incompatible “civilizations” – Islam in the first place, but not only.
It is that the crusaders of universalist/imperialist democracy have succeeded in this tour de force, in their conquering somnambulistic blindness, of relaunching the weak scenario of Huntington from which they were, however, in the euphoria of the victory of the Reagan-Thatcher years , the first to stigmatize the dangerous simplism. They have indeed ensured, in their totalizing presumption (by placing their globalist ambitions under the sign of total democracy), that the lines of fracture which are emerging today in the disorder of the world do not only separate camps, poles of divergent or opposing interests, but worlds and species.
It is in this context and under these conditions that China, insofar as it asserts itself today as this also global power which, in the first place, resists the standardization of the world placed under the sign of Democratic imperialism is gradually being ’constructed’ not as an adversary or competitor in the ordinary sense of these terms, but as an enemy of civilization and of mankind. The foundation of Sinophobia, which saturates the discourse with a thousand heads, a thousand mouths, of the West on China, is a teratology that results in making everything that is subsumed under the signifiers "China", "Chinese", not only a "systemic" adversary as political science says, but a barbarian and, as such, the antagonist of all civilisation. When, in Taiwan, the government elites now commonly speak of China as the enemy assigned to them by destiny, that is how they understand it : our enemy understood as the enemy of the human race and as a “monster”. It suffices, to be convinced of this, to take a look at the cartoons published over the days in the English-speaking Taipei Times...
No one is unaware of what leads, in all circumstances, this kind of teratology : the enemy of the human race, the monster, it is what we have the duty to annihilate and exterminate ; this both in the name of the sacred obligation to protect our own integrity, but also in the name of safeguarding the human race. An action of public safety, a virtuous operation par excellence, therefore.
The stigmatization of China and the Chinese regime as public enemy No. 1 of civilized and democratic humanity (but above all Western and white) is a rhetorical operation sewn with white thread inspired by the spirit of reconquest of a hegemony arguably less jeopardized by the rise of Chinese power than by the failure of Western powers to "transform the try" after the fall of the USSR - having won the Cold War, they distinctly lost, and on all fronts the battle for a peace borrowing the features of a globalization placed under the sign of market democracy boosted by the spirit of neo-liberalism.
The haunting and incantatory stigmatization of the Chinese threat, which has become the master signifier and the fixed idea of the activists of the new Cold War, is a propagandist operation established on the most shaky of ideological scaffoldings - exactly the same type as the operation carried out by the Anglo-American think tanks and lobbies mobilized for this purpose and which led to Brexit – the same process of creating from scratch a state of emergency, an imminent threat, the same strings of agitation in the most simplistic black and white and, most alarming of all, the same penchant for chaos, that is to say the same nihilistic inspiration – it doesn’t matter if the world perishes if our interests of the moment prosper ; from this point of view, the Boris Johnsons, Dominik Cummings and other cynical looters of the little that remained of the so-called European construction and the Pompeos, Pelosi, without forgetting their Taiwanese debtors and clients, it is the same political brood possessed by the same inclination for the worse. These people, when they are in business, govern by instinct of death – and this is the reason why the construction of the imaginary enemy, the one who wants our death and who must therefore be neutralized before action is at the heart of their political unreason – the European Union determined to put an end to immemorial British sovereignty in one case, the Chinese ogre determined to make short work of the virgin Taiwanese democracy on the other...
We therefore clearly see here how the inertia of prejudice can be combined, like a sort of immemorial fold, (from the time of the deceitful and cruel "Celestials" to that of the Hitlerite-Stalinist Beijing totalitarians) with arrangements and dynamics that relaunch this same prejudice under singular modalities in given situations : each time, the horror of the other, sent back to the other side of the dividing line between the civilized and the barbarian, between the friend and the enemy (etc. ) has its special features and the landscape of confrontation (of detestation) is populated by representations endowed with strong imaginary intensities – from Fu Manchu to Xi, the new emperor who also happens to be a mixture of Hitler and Stalin...
As Foucault remarked in The Order of Things, the West has always had a problem with the Same and the Other – we can clearly see this with what, over time, is subsumed under the contemporary generic term “Sinophobia”. - the same object as a figure of racial, cultural, religious, political alterity, an alterity placed under the sign of disturbing strangeness, to say the least... But the same object constantly diffracted into a multitude of singular pieces, splinters. At the time of the Korean War, the Chinese People’s Army which faced that of the United States and its South Korean proteges was the "Reds" in McCarthyist version - which presents a significant difference with the "totalitarians" Pekingese, in today’s neo-Orwellian version. What is at stake here is not only the rhetorical or linguistic packaging of the confrontation – it is above all the singularity of the configurations – each of them arouses its own culture of the enemy, with the language hostility that goes with it.
When a dynamic of confrontation develops, it is infallibly boosted and poisoned by the appearance of the figure of a hyper-enemy identifiable with racial, religious and cultural traits. From then on, everything is possible, without limit, in terms of flight into the imagination and enragement of the rhetoric of hostility. Sinophobia, as it is in vogue today in Taiwan among the power elites obsessed with their dream of independence, provides flagrant proof of this : once a relatively homogeneous human group endowed with a certain capital of power finds itself embarked on the dream of another, more powerful, master’s dream - here that of the United States and its satellites, increasingly in a hurry to put mainland China "in its place" - reality in its most compact and simplest form – absolutely ceases to constitute a safeguard against the craziest imaginary excesses.
We are therefore going, in a country populated in its vast majority by ethnic Chinese and, from the point of view of customs, traditions, mentalities, language and the rest, Chinese to the tips of our nails, we are therefore going, in this country even, to see how the most vulgar and outrageous of Sinophobias thrives in the discourse of government, state, media, economic and, sometimes alas, academic elites. The culture of the enemy, or rather of white-hot hostility, is a tsunami that sweeps away everything in its path : the signifier "China" becomes in the sacramental expression "The China Threat", a sort of name for the devil and the evocation of this supposed threat a form of exorcism ; the caricatures of the Chinese enemy (or of his alleged supporters and accomplices ) as repugnant animals, pigs, snakes, parasites – a propaganda rival in excess and vulgarity with the worst of Nazi agitation against the Jews at the time of the Third Reich ; comparisons between Chinese leaders and the worst dictators and exterminators of the 20th century become routine in the poor storytelling peddled by uniformed (or liveried) journalists in Taipei Times and its Chinese-language equivalents ; the imaginary genocides for which they are held responsible complete this picture of the apocalypse – I make it short but we could do about this literature of agitation which is nothing but a discourse of war that he conceals itself less and less, a whole black book.
What I would simply like to underline here in passing is the inevitable mirror effect or boomerang effect to which the East Asians who embark on this nauseous crusade find themselves exposed : the day when hostility might take an armed turn, between China and the aggregate bloc around the United States, a wave not of verbal sinophobia but of massive violence would be unleashed in the white and Christian West, whose characteristic would be not to differentiate between good and bad Chinese, the Korean or the Vietnamese and the accursed Mainland Chinese ; in the streets of the major cities of the United States, Paris, London or Rome, you will not have had time to take your green passport out of your pocket bearing the words "Taiwan" in golden capital letters that you will find yourself in the gutter, your face bleeding. And that, innocent tourist or student in Paris or ABC of Minneapolis that you will then be - it is up to the sorcerer’s apprentices who today play cynically with the fire of Sinophobia you will owe.
The question I always ask myself with considerable astonishment and even disbelief is : how can it be that, in a country so deeply rooted in the immemorial of Chinese life, language and culture, of Chinese cosmology , in big and small things, in a space where, despite everything, human and economic interactions with mainland China remain intense, the anti-Chinese sewer rhetoric developed by the arsonists who preside over the destinies of the country does not arouse immediate outcry and not immediately succumb to ridicule ? There is in this situation, for the foreigner living in Taiwan as an assiduous observer of the upheavals which agitate this society, something truly unreal, “surrealist” as it is commonly but improperly said.
The only answer I find to the question is depressing in its realistic sobriety : In Taiwan, the governing elites have tuned in to the properly pandemic Sinophobia that never stops rising in the Western world (stubbornly white-centric, imperial and hegemonic) quite simply because it is the language of the master and because, since always, in the space by destination subsidiary and dependent of this island, the elites in love with power, those that are fascinated by the mirage of power, have constantly become accustomed to activate under the tutelage of a master, to anticipate his desiderata, to imitate him, to think, speak and act, in this condition of dependence, as subordinates. For historical and geo-political reasons on which I do not have time to expand here, the elites in power today have the characteristic of conceiving the exercise of their prerogatives and their political and historical future only in the close dependence vis-à-vis the United States and in their condition of clients and cousins by marriage of the Western bloc, therefore, in ethnic terms, as honorary whites (in the same way as the Hong Kong "democrats") and , in military terms as auxiliary troops, “proxies” of American power.
In genealogical terms, what matters here is not so much the alliance of the moment, it is the fold of subalternity : what is reproduced today in a particularly accentuated, simplified, caricatural form and whose ultimate outlet is the designation of the neighbor not only close but “cousin” as an intimate enemy, it is this very particular way of establishing oneself in a position of subalternity. The subordinate, here, is not the one who identifies himself as a dependent or a dominated and even less as an oppressed, but rather as a protected ; not as a servant but as an ally ; not as a client (in the Roman sense of the term), but as a partner...
There is thus a whole phantasmagoria of subalternity whose foundation is bad faith and the propensity to, as Marx would say, see the world upside down – the spirit of subalternity in Taiwan today is what inclines the power elites to try desperately to believe that the vocation of the United States is to defend (in the name of the universal values of democracy) the sovereignty of the island rather than to use and, probably, to sacrifice it in the apocalyptic chess game that opposes them to mainland China. Candor and bad faith can, in certain circumstances, come together in truly stunning cocktails. The way in which the United States today conducts its war by delegation against Russia in Ukraine, with the flesh and blood of Ukrainians, should however be enough to instruct them. But somnambulism has its reasons that reason ignores... The figure of the master as protector rather than as oppressor, evil genius or cunning manipulator, all this as a perfect example of Hegelian ruse of History – this would be a beautiful subject of meditation for all those who, today, praise the "rock-solid friendship" between Taiwan and the United States.
The paradox of Taiwan’s modern history is ultimately quite easy to establish : it is a history made up of very strong discontinuities, in terms of relations between rulers and ruled, sovereignty, political regime, but these obvious discontinuities, dynasties Chinese to Japanese colonization then to the ROC of importation, then to post-KMT democracy in the form of an ever more openly displayed American protectorate – all this occurs against a background of obvious continuity. This is established on the constancy of a relationship of subalternity to a master more or less distinctly perceived as foreign or exogenous – the Chinese emperor and his administration, the Japanese colonizer, the vanquished of the Chinese civil war reconverted into an autocrat, and then, in the form of a happy ending for fun, the good American master, the powerful benevolent friend surrounding the island with his protective arm while the ambitions of the Chinese ogre are unleashed... But, whatever the version n the moment, in the varied contexts of the island’s being placed under dependence and tutelage, what remains constant is the way in which the relationship between rulers and ruled remains enveloped in the relationship between a master and a subordinate in the constantly changing face – a second-class subject under the Chinese empires, a variably discriminated colonized under Japanese rule, a brutalized native under Chiang Kai Chek, a protege, an obligor or a client in the latest version...
What appears clearly is that along these lines of continuity, subalternity tends to become an order or a sort of symbolic institution – which explains why it can become a system of representations and behaviors irrigating all a society and sparing no institution – starting, horresco referens, with Academia...
However, what is typical of the latest version of Taiwanese subalternity, the one that interests us in and for our present, is the way in which an unbreakable link is established between dependence, subalternization and affirmation of identity, imaginary of sovereignty and independence : the more one pulls on the rope of independence and sovereignty, the more the slipknot of dependence on the new master tightens around the necks of the island and the islanders – which, in time and in the absence of a resolute side step, inevitably leads the sovereigntist and separatist pipers to drag the inhabitants of the island into the maelstrom of an exemplary proxy war with China, a war of which they will be the cannon fodder on behalf of the United States.
This is the historical outline of what is to come, perfectly visible and predictable. But to come back to Sinophobia and end on this motive, since it is the one that brings you together here, I would like to say a word about the human type produced by this kind of situation where, in the course of a civil war which never ends (Taiwan and its desire for independence is nothing but the terminal stage of the interminable Chinese civil war) where the vanquished must, in order to survive politically and historically, rally to a foreign master, assimilate to him, adopting its mores, language, representations – imitating it in everything, and, if not quite resembling it, becoming its auxiliary, useful idiot, mercenary, clone, etc.
The Taiwanese governing elites have, since the DPP came to power for the second time and seems firmly established there, thrown resolutely into this impasse which dooms them to practice, beyond mere political opportunities and obligations, a policy of assimilation culture and a pathetic mimicry without bounds or discernment – hence, for example, the farce of bilingualism for all announced for tomorrow, of English becoming the country’s second language – a country where the vast majority of students in all subjects and of all levels is unable to hold an elementary conversation in the language of the master... Hence the inconsistency dreaming of becoming the East Asian Israel of the United States, with, in particular, the same forms of porosity between the administrations states of both countries...
The Sinophobia of the Taiwanese ruling elites therefore finds its inevitable outlet in the form of the most pathetic of whites – not washing, but facing : like the Trumpist and Johnsonian democrats of Hong Kong, they always see themselves as whiter, more “American”, they give, when we can, their statements , directly in English, with a Texas accent, they do copy/paste theses in English, they see the Pacific as a mental and maritime highway that connects directly from Taiwan to the west coast of the United States, in the pantheon of their deities, Matsu and Koxinga are replaced by the statuettes of Trump, Pompeo and Pelosi... in short, a mental continental drift which, relentlessly, moves the island away from mainland China and brings it closer to California – to Hollywood as a manufacture of lavish dreams of grandeur ... .
I cannot help but find the social, cultural and political type of humanity that is being produced here (through the process of denial and renunciation of their Chineseness and illusory conversion to the white-centric Western condition in which the ruling elites of this country are on board) particularly unattractive, to say the least. I even find them, these political and historical sleepwalkers, a rather ugly kind of human type : not just atavistic anti-communists on autopilot, karaoke democrats, but above all cultural renegades – because it’s to this that inevitably leads them the slope of Sinophobia on which they have embarked. And the cultural renegade is a really depressing character.
I know very well that these people are playing their all in this business and that if they miss their shot, they will be nothing, they will lose all of their political and economic power and will swell the ranks of exile in the United States and Canada, the fate promised to the mercenaries of the West engaged in the lost battles of East Asia. But in the end, it is indeed they who threw themselves into this impasse which today leads them down the paths of this Taiwanese-style McCarthyism which prospers at the expenses and will increasingly thrive at the cost of the supposed agents of the continental enemy whose crime is to persist in thinking that Taiwan and China are linked by an organic link, whatever the political and institutional form that must result from it. And it is therefore these ruling elites’ own blindness that dooms them to end up, in one way or another, in the role of auxiliaries to the American empire in East Asia, where they dreamed of being heroes of independence. Taiwanese. All the wars, all the armies of the 20th century have had their auxiliaries, a constantly unhappy and despised species, dressed in a uniform of circumstances, speaking with accent the language of the master, denying his own background and his culture, without however being welcomed into that of the master. But obviously, the lessons of history do not exist, this no more on this island than elsewhere, no more today than yesterday...