Voyage en Ouzbekistan

, par Sylvie Parquet


Partie avec des amis pour un voyage en Ouzbekistan, nous atterrissons à Tachkent pour trois jours dans la capitale. Celle-ci a été entièrement détruite par un tremblement de terre en 1966. L’Ouzbekistan est alors une République Socialiste Soviétique. Le pouvoir en place entreprend une reconstruction pour le « bien-être du peuple ». Presque tout est rasé, (on ne sait pas ce qui restait encore debout à ce moment-là), surgissent alors des bâtiments imposants. Depuis l’indépendance, Tachkent City un quartier réservé aux oligarques et à une population aisée, aligne bâtiments administratifs, bars, discothèques, boutiques de mode... Beaucoup d’avenues bordées de contre-allées ombragées de grands arbres, un quartier plus calme de petites maisons complètent la visite.

L’Ouzbekistan passe par la domination perse, la conquête d’Alexandre Le Grand, celle des arabes, la déferlante mongole, puis la prise de pouvoir par Timour (Tamerlan) qui passe son temps à annexer les états voisins et reste le grand bâtisseur de Samarkand, ville de légende, où il fait édifier palais, mosquées, mausolées, caravansérails, bazars, coupoles marchandes. C’est l’âge d’or de la route de la soie. Sa statue trône partout dans le pays. Sa dynastie, les Timourides est chassée par les Chaybanides qui se nomment eux-mêmes les Ouzbeks. S’ensuit une période de déclin qui permettra à l’empire russe de soumettre l’Asie centrale. C’est alors que se développe une politique de haut rendement agricole, en particulier avec le coton, perpétuée sous le régime soviétique. On longe d’innombrables champs avec des cueilleurs à la main. D’autres champs et potagers sont exploités de façon traditionnelle et semble-t-il individuelle. L’heure des kolkhozes est dépassée mais difficile de dire ce qu’il en reste.

L’Amou Daria et le Syr Daria permettent une irrigation importante. On traverse de nombreux canaux au milieu d’un désert de cailloux et de sable. La question de l’eau, avec l’assèchement de la mer d’Aral est de plus en plus prégnante. Les paysages sont d’une monotonie incroyable pendant des centaines de kilomètres.

Lors de l’indépendance en 1991, le premier président est Islam Karimov, ancien premier secrétaire du PC. Il se maintient 25 ans au pouvoir. Il y a en Ouzbekistan d’énormes ressources en or, gaz et uranium, sans parler du coton. Une mafia autour de Karimov s’en est emparé. Il semble que depuis sa mort et l’avènement du nouveau président Myrziyoyev quelques changements apparaissent. Fin de la monoculture du coton, libéralisation de l’économie avec son cortège d’inégalité, exploitation des richesses par des firmes internationales. Un jeune entrepreneur qui avait fait des études en France et parlait français parfaitement nous expliquait son souhait de revenir en Ouzbekistan pour développer une petite entreprise. Il ne semblait pas choqué par le fait que ses salariés ne gagnent pas grand-chose (le salaire est à peu près de 300 €), c’est une vision capitaliste tout à fait assumée. Un de ses amis nous interpellait à propos de Poutine qu’il trouvait habile et bon pour la Russie. C’est assez incongru pour un français mais permet d’entrevoir une certaine fascination pour l’homme fort.

La communication n’est pas très facile, les Ouzbeks ne parlent pas du tout anglais. Le russe est une langue familière dans ce pays, mais bien que l’ayant apprise au lycée, je n’aligne pas trois mots ! L’ami Hadji baragouinait en turc avec eux, l’ouzbek étant une langue turcique ! De plus certains ouzbeks sont partis travailler en Turquie. Heureusement google est là et le traducteur permet à un homme qui vendait des samsas avec sa mère de me demander mon âge et surtout si c’était mes vrais dents ! On voit pas mal de vieux mais aussi des jeunes qui arborent des dents en or, peut-être plutôt des kirghizes...

Les tenues des femmes sont variées, voilées ou non parfois traditionnelles mais en grandes majorité très « européennes ». Elles sont partout pour le moment, un certain retour à la religion, (confer le nombre de mosquées neuves ou réhabilitées pour un usage religieux), étant assez net. L’Islam ouzbek était plutôt mâtiné de Croyances zoroastriennes, manichéennes, bouddhistes ou animistes, le pays ayant vu passer pas mal de pouvoirs différents. Les juifs n’y sont plus très nombreux. Comme ailleurs le wahhabisme d’Arabie Saoudite gagne en influence.

Nous avons pris un train couchettes assez folklorique : un long couloir de couchettes assez peu confortables mais un vrai lieu de rencontre avec surtout des femmes qui offrent du thé, des gâteaux et nous interroge sur notre vie. Il y a aussi un TGV ultra moderne qui relie Samarcande à Tachkent en 2 h 30. On se déplace également en taxi pour une somme dérisoire sur des autoroutes très correctes et des routes parfois assez défoncées. Là on s’accroche un peu, surtout que les ceintures ne sont pas obligatoires, voire inexistantes !

Je n’oublie tout de même pas l’architecture impressionnante de l’Ouzbekistan. Les forts en briques de terre, les 50 forteresses du désert, sont impressionnants. Qui n’a pas rêvé de la mythique Samarcande ?Mosquées, madrasas, caravansérails, mausolées présentent des coupoles, des portiques imposants, couverts de majoliques dans les bleus et verts et des décorations intérieures polychromes. Beaucoup de ces monuments avaient souffert d’abandon, ils sont assez bien rénovés. Les russes y ont contribué dans les années quarante. L’architecture soviétiques y est parfois assez intéressante, pas seulement monumentale. Depuis la fin de l’ère Karimov les aides, notamment de l’UNESCO, privilégient une restauration plus authentique avec des matériaux traditionnels. A Tachkent on peut déambuler dans un parc à l’image de Disney land, assez étonnant.
Il y a donc à voir dans ce pays, mais le retour à la religion, le développement capitaliste sauvage, la corruption qui n’en sont pas exempts demanderaient à être étudiés de plus près.

Sylvie Parquet