En fouillant dans les poubelles de l’histoire

, par Benakis Matsas


En ce qui concerne ma bio-bibliographie, veuillez indiquer que je suis né en 1925, que j’ai pris une part assez active à la résistance grecque en 1942-1944 ; que j’ai été emprisonné par les Allemands en 1944 ; que j’ai fait des études de droit à Athènes et de philosophie à Paris où j’habite depuis 1945. J’ai publié des essais sur le problème de la Résistance (1945), Platon (1946), l’humanisme (1948) ; un livre sur l’état actuel des sciences humaines sous le titre L’Homme et son ombre (1951) ; un essai sur le sentiment tragique et le sentiment historique de la vie sous le titre "Cosmos et histoire" (1955) ; un essai sur la théorie de la lutte de classes (1955).
Kostas Papaïoannou

Tout à ma lutte contre l’ennemi principal j’ai été abattu par mon ennemi secondaire. Non par derrière et traitreusement comme le prétendent ses ennemis principaux mais franchement depuis la position que depuis longtemps il occupe.
Erich Fried

Né en 1925 à Volos, fils d’universitaire (responsable d’une petite organisation socialiste), Kostas Papaïoannou est de ces jeunes intellectuels grecs (dont les philosophes Kostas Axelos et Cornelius Castoriadis, le critique de cinéma et réalisateur Adonis Kyrou, la poétesse Matsi Hatzilazarou, la traductrice, écrivaine et peintre Nelly Andrikopoulou, la philosophe Mimika Cranaki) qui, en décembre 1945 (un an après les événements de décembre 1944, premier acte de « La guerre civile en Grèce » [1]), quittèrent le pays à bord du paquebot néozélandais Mataroa. Papaïoannou n’a alors que vingt ans.

En France, pays qu’il ne quittera plus, il se liera d’amitié avec le sociologue Raymond Aron, avec Boris Souvarine, avec le poète mexicain Octavio Paz qui lui consacra un beau poème. Dès les années soixante, il se fait connaître comme un spécialiste de Hegel (outre son ouvrage de 1962 [2], il préfacera en 1966 sa propre traduction de La Raison dans l’Histoire [3] et de Marx mais aussi comme un critique de gauche du totalitarisme bureaucratique [4]. Fin connaisseur de l’œuvre de pensée marxienne [5], traducteur notamment de sa Critique du droit politique hégélien [6], il n’hésite pas à fustiger son imaginaire : pour reprendre les mots de Claude Lévi-Strauss, la métaphysique de l’évolutionnisme (à laquelle succombe la conception matérialiste de l’histoire), ceux de Castoriadis, l’imaginaire capitaliste. Néanmoins, quelles que soient les limites inévitables de ce « représentant typique de l’historicisme du XIXe siècle » [7], Papaïoannou nous fait redécouvrir, un peu comme Maximilien Rubel, « une œuvre “aussi méconnaissable que Glaucus le marin lorsque, roulé par les flots, il a été mutilé, usé, déformé, couvert d’algues et de coquillages” » [8] ; car, « transportée en Russie, la Weltanschauung marxiste “fit naître une Église orientale où le culte des icônes et le bras séculier ont fini par disjoindre complètement l’idéologie des idées dont elle était originellement issue” » [nous soulignons] [9].

« Le marxisme, fait remarquer à juste titre le surréaliste grec Nicolas Calas, a été transformé en mythe [nous soulignons] par ceux qui cessèrent de s’en servir comme d’une méthode d’analyse et tentèrent d’en faire une religion [nous soulignons]. Les membres du parti furent des zélotes dont la foi (au parti) devait être attestée par des épreuves interminables. Dès le début des années trente, les communistes durent souvent se transformer en martyrs aspirant à un paradis terrestre qu’ils n’allaient jamais voir par eux-mêmes. » [10] Pour reprendre les termes de Calas (qui distingue entre mythe, utopie, religion et illusion, cette dernière n’ayant pas forcément un sens péjoratif : outre la tragédie grecque, nous pouvons aussi citer le cinéma, art de projection), le « communisme » historique vécut d’illusions (d’utopies, dirait Papaïoannou).

Comme Castoriadis, théoricien de Socialisme ou Barbarie, Papaïoannou connut Marx dans sa jeunesse. Sous l’Occupation nazie l’un est trotskisant [11], l’autre socialiste (quand ce mot voulait encore dire quelque chose). Or, en prise avec l’orthodoxie marxiste, ils durent sentir ce que la pseudo-religion du « communisme » historique (l’autonomie rattrapée par l’hétéronomie) avait de tyrannique et d’inhumain ; l’expérience du stalinisme grec [12] a dû les marquer pour toujours. Pourtant, comme Lefort [13] et Castoriadis [14] ou encore Gilles Deleuze [15] (leur adversaire), Papaïoannou n’appréciait nullement les amalgames « néo-philosophiques » (auxquels Michel Foucault apporta sa caution [16]) entre l’archipel du Goulag et l’enseignement, éthique et sociologique, de Karl Marx : « S’il salue, écrit François Bordes, le “livre dantesque” de Soljénitsyne, Kostas Papaïoannou garde par contre ses distances vis-à-vis des “nouveaux philosophes”. En 1978, il moque ainsi le “tintamarre de tant de cervelles néo-philosophiques”. Le nom de Marx avait servi de “label de scientificité” aux produits les plus extravagants des penseurs in. Désormais il était “transformé en sujet d’opprobre, livré aux fauves rescapés du cirque maoïste […] traité de “bourgeois” […], commensal de Belzébuth, Astaroth et Lucifer, bref maître penseur et suppôt du Goulag. » [17]

Les écrits qu’on va lire datent du début des années cinquante. Ils sont antérieurs à ceux qui ont fait connaître l’auteur. Matériaux pour un projet à long terme (on ignore les raisons exactes pour lesquelles il n’a jamais vu le jour), ils sont restés enfouis pendant des décennies jusqu’à ce que sa compagne de toujours (Nitsa : Eleni ou Hélène), à la fin de sa vie, les mette à disposition de son éditeur grec. Celui-ci les réunit puis les publia en 2003 [18] en donnant un titre aux différents fragments qui composent l’ouvrage. En effet, le caractère fragmentaire et inachevé du manuscrit explique les problèmes de style (répétition des mêmes structures de phrase) et l’opacité de certains passages.

C’est une opération de sauvetage : sauver ce qui, menacé de disparition, importe au monde ; le donner à lire par souci du monde, d’un monde devenu de plus en plus immonde parce que de plus en plus privatisé. Écrit en grec, l’inédit qu’on propose aujourd’hui au public français, intitulé La Masse et l’Histoire. Théorie générale de la masse révolutionnaire, est un manifeste d’agoraphilie, d’amour ou de passion de l’espace public au sens étymologique (agora) [19]. De surcroît, par son éloge et son apologie de la « masse révolutionnaire », par le lien indissoluble entre politique et poétique dont il témoigne (la démocratie, la tragédie et leur synthèse : la « théâtrocratie »), par son idée du religieux (irréductible à l’imaginaire moderne, de Machiavel à Marx), par sa « conversion », enfin, au tragique, La Masse et l’Histoire est un texte tout à fait intempestif. D’une grande érudition, il permet de penser l’histoire à nouveaux frais et de faire de la masse, « catégorie qualitative » et non point quantitative, l’indice qui permet de déterminer la pauvreté ou, au contraire, la richesse en monde. Par-là, l’histoire peut être revisitée à la lumière de la masse : son irruption, son plein épanouissement, son escamotage, son extinction… Si, en effet, pour Arendt la « société de masse » (au sens quantitatif) est à juste titre le parfait terreau du totalitarisme, pour Papaïoannou, la masse (au sens qualitatif) est dans la « société de masse » quasi inexistante ; sa thèse est à l’opposé d’auteurs comme Gustav Le Bon et Ortega y Gasset, redevenus à la mode (ce qui est bien le signe d’une « haine de la démocratie » [20]).

Le classicisme moderne est une technologie, esthétique et politique, contraire à la masse. La « théâtrocratie » athénienne (d’un mot péjoratif de Platon), en revanche, est un dispositif poético-politique par lequel la masse révolutionnaire en vient à concilier le public et le tragique. De cette expérience singulière, le mythe est une condition sine qua non. Or la raison bourgeoise (ratio) fait montre d’une attitude superstitieuse à l’égard d’une forme symbolique qui fut réhabilitée au XXe siècle, notamment par Claude Lévi-Strauss. En effet, l’opposition, tant positiviste que marxiste, du mythe et de la raison, du rationalisme et de « l’irrationalisme », d’une nature terroriste et d’une humanité appelée à la maîtriser par le développement de ses forces productives (terrorisme s’il en est), est en fait une manifestation phénoménale de l’institution capitaliste dont la signification nucléaire est l’expansion illimitée de la maîtrise rationnelle et dont le type anthropologique est l’animal laborans [21]. « Pour Marx, écrit Papaïoannou, c’est de la pauvreté des techniques que résultent les représentations mythiques : elles ne sont qu’un système fantastique de surcompensation du sous-développement technique de l’humanité d’avant la révolution industrielle. » [22]

En revanche, une méfiance de principe vis-à-vis du mythe, dont on peut supposer qu’elle a partie liée avec la condition diasporique d’une existence extraterritoriale, déterritorialisée, outlandish, s’observe dans la pensée juive. Chez le jeune Benjamin [23] le mythe est une catégorie consubstantielle à l’ordre juridique de la société organisée [24] (instituée). Pour reprendre les termes de Castoriadis, mythe et droit paraissent un peu comme l’imaginaire d’un côté, l’institution ou l’« établissement » de l’autre (par-là, le mythe n’est rien d’autre que l’imaginaire institué). Chez Adorno et Horkheimer, grands dialecticiens, c’est la raison elle-même ou les Lumières (Aufklärung), telle qu’elle apparaît dans la lumière de la domination [25] : la dialectique de la raison instrumentale résonne parfaitement avec le processus historique par lequel le projet d’autonomie (désir de liberté) se trouve contaminé par l’imaginaire capitaliste (désir de souveraineté).
Or, dans notre modernité, la mythologie (logos du mythos) est battue en brèche par l’idéologie (« logique d’une idée », idée fixe, obsessionnelle). Diagnostiqué par Arendt, le triomphe de la raison idéologique est le symptôme d’une condition anthropologique d’acosmisme, d’une crise du monde (de sa propre « mondanité ») et d’un effondrement de l’expérience sensible. Cette crise et cet effondrement sont l’arrière-fond anthropologique de la catastrophe totalitaire. Des « psychotechniques » politiques, des technologies subjectives compensatoires s’expérimentèrent en retour (Papaïoannou qualifie à juste titre l’opéra de Wagner d’« ersatz de religion pour bourgeois » [26]). Arendt et George L. Mosse forgèrent respectivement les notions, d’une part, d’« idéologie » et d’« endoctrinement » et, d’autre part, de « nouvelle politique » (new politics) [27]. Papaïoannou, de son côté, parla de « propagande » et de « pseudo-religions ».

En effet, le philosophe et historien de l’art est particulièrement sensible au religieux, à ses transferts et à ses déplacements : « anthropologie monophysite » du jeune Marx, « culte des icônes » d’une « Église orientale », « mystique », « idolâtrie », « christianisme perverti », « prophètes de la “lutte finale” », « notre siècle de fanatiques et d’assassins travestis en agents d’exécution du Jugement dernier », « foi millénariste de Lénine » : de quoi penser qu’il penche pour la théorie, réfutée par Arendt, du totalitarisme comme « religion séculière » (le débat fut récemment relancé par Marcel Gauchet [28]). Or il n’en est rien : « Les religions, écrit le jeune auteur, par leur nature propre, et précisément parce qu’elles réveillent des expériences authentiques dans l’âme de la masse et s’adressent à des forces mentales autonomes qui lui appartiennent en propre, ne sauraient servir l’idéologie officielle et les intérêts du pouvoir organisé avec l’efficacité des écoles et de la “ culture ” dirigée et planifiée ainsi que de la psychotechnique bureaucratique. » Si alors le « communisme » historique est une religion civile, ce n’est pas pour autant une religion proprement dite ; tout au plus une pseudo-religion, un substitut religieux, un néo-archaïsme [29] et, surtout, une drogue, une technologie anesthésique. Ainsi, comme le totalitarisme bureaucratique, les fascismes firent fond sur l’archaïsme despotique de l’Urstaat, à savoir l’Un (État originaire, pouvoir souverain, unité formelle), dans une modernité en proie à la profanation et, au niveau libidinal, à la désublimation [30] : on a beau refaire du corps (fantasme totalitaire) [31], s’acharner à reconstruire le complexe ou nexus théologico-politique, Dieu est mort, emporté par un gigantesque, cataclysmique flux d’argent, ce trou du cul de rat mort, écrit Artaud, suspendu au plafond du ciel.

Comme Castoriadis, Papaïoannou est un philosophe tragique. En effet, dans le cadre d’une anthropologie tragique, la condition humaine est pensée en fonction de son antinomie constitutive, de l’antagonisme qui fait d’elle le théâtre d’une lutte pour la reconnaissance, de son ambivalence irréductible (analysée notamment par Mélanie Klein). Or la « théâtrocratie » athénienne, dans une cité où l’archè, à savoir l’autorité politique sous le signe du commencement-commandement, est d’ores et déjà divisée [32], permet de traiter l’ambivalence et de réconcilier la masse avec son existence historique car « les grands moments de l’histoire où l’homme se connaît authentiquement lui-même sont ceux où son rapport au pouvoir est une affaire érotique, réveillant en lui tout le fonds antinomique de son propre être dès lors qu’il veut un État et une existence historique tout en se reconnaissant lui-même dans l’État comme un ennemi à soumettre et avec lequel il faut pourtant se réconcilier. » [33]

Quelque divergents que soient leurs avis (notamment à propos du monde homérique), nous pouvons reformuler l’anthropologie de Papaïoannou telle qu’elle apparaît dans cet écrit de jeunesse, dans les termes du « projet d’autonomie » de Castoriadis : la dialectique de l’autonomie et de l’hétéronomie révèle – Apocalypse, Révélation – un paysage désolé (anticipé, entre 1870 et 1890, par Rimbaud, Dostoïevski et Lautréamont), habité par les « démons » (« symbole ancestral de toute civilisation dans laquelle l’homme et son existence ne peuvent pas se réconcilier » [34]) de la guerre civile européenne 1914-1945 [35] et de son rejeton, la catastrophe totalitaire ; elle révèle, surtout, l’abîme, le sans-fond, la béance, le chaos au fondement de l’institution et l’incapacité foncière des sociétés humaines à l’assumer. Par-là l’idéal d’autonomie et de maîtrise, tout sphinctérien, du sujet bourgeois aliéné, clivé en citoyen (sujet de la politique) et en particulier (sujet de la marchandise) [36], se découvre comme hétéronomie. En effet, « le ciel étoilé et la loi morale de Kant » [37] sont à mille lieux du projet explicitement révolutionnaire et autogestionnaire de Castoriadis ; de surcroît, son programme se veut une réponse à la catastrophe qui a pulvérisé l’univers mental du XIXe siècle (historicisme, positivisme, marxisme). Le « projet d’autonomie » se reconnaît dans l’émancipation moderne (notamment dans le mouvement ouvrier). Celle-ci a propulsé la masse sur le devant de la scène en renouant avec une tradition ancestrale. Or le sens du mot autonomie chez les deux philosophes se comprend à la lumière du tragique : si chez Papaïoannou l’autonomie moderne (effet, pour parler comme Foucault, d’une technologie disciplinaire et normalisatrice de pouvoir) est hostile au tragique qu’elle refoule, Castoriadis fait, d’une part, de l’autonomie de la polis (de ses citoyens) la quintessence de la « théâtrocratie », d’autre part, de la démocratie athénienne (« révolution continuée » [38]) le régime tragique par excellence, celui d’une autolimitation des étants (la tragédie étant l’art des limites).
Dans la sagesse tragique du monde grec les notions de moïra, d’hubris et de dikè sont absolument fondamentales. Moïra, le destin ou le lot, celui qui nous est imparti (comme dans un jeu de cartes ou un coup de dé), représente la loi d’existence, les contours ou les frontières à l’intérieur desquelles on se meut. La transgression de cette loi fondamentale est un acte d’hubris, de démesure et d’orgueil (« les démons de la puissance » [39] sont une constante dans l’histoire humaine [40]) dont les conséquences seront catastrophiques : l’hubristis, celui qui l’aura commis, connaîtra un sort terrible (tissis) ; par-là, justice (dikè) sera faite et l’équilibre du monde rétabli. Papaïoannou cite le fragment d’Héraclite : « Car le Soleil ne transgressera pas ses mesures ; ou alors les Érinyes, aides de la justice, le découvriront » [41] (« Ἥλιος οὐχ ὑπερβήσεται μέτρα [·εἰ δὲ μή, Ἐρινύες μιν Δίκης ἐπίκουροι ἐξευρήσουσιν] » [42]). La catastrophe qui vient (les Procès de Moscou par exemple) est une conséquence non voulue d’actes hubristiques (en termes tragiques, la dictature stalinienne est une conséquence non voulue de la politique autoritaire des bolchéviques sous la direction de Lénine et de Trotski). Or, à partir d’une relecture des présocratiques, Castoriadis fait de l’être même des étants une hubris ontologique qui appelle en retour sa justice (dikè) ; alors le seul fait d’exister en tant qu’étant ou individu déterminé (un arbre, une personne, une institution) se vit comme une transgression dont on ne peut venir à bout que par la mort et le retour à l’indéterminé, l’apeiron chez Anaximandre, le chaos chez Hésiode, à savoir l’archè de tout (Papaïoannou parle ici de « réconciliation avec la mort » [43]).

Or celui qui, dans sa jeunesse, faisait l’apologie de la « masse révolutionnaire », le critique de gauche du totalitarisme bureaucratique, celui aussi par l’intermédiaire de qui l’ultragauche française (dont Debord) se familiarisa davantage avec la philosophie de Hegel, s’est rallié, après 68, au bloc des intellectuels libéraux sous le patronage de Raymond Aron. Il n’est pas aisé, dans le cadre de cette préface, de rendre compte de cette évolution. La conjoncture de la guerre froide avec son « alternative infernale » (« double contrainte » ou double bind, « ou bien… ou bien » qui revient à un « ni… ni », structure logique d’aliénation mentale) [44] lui fournit son cadre historique ; une sociologie du champ intellectuel révélerait aussi d’autres enjeux, beaucoup plus prosaïques [45]. En tout état de cause, après 68, Kostas Papaïoannou va rejoindre le camp politique du « retour à la normale » et le bloc institutionnel de l’aronisme.

« Homme d’agora, écrit François Bordes, Papaïoannou se rend à la Sorbonne lorsque celle-ci est rouverte, discute avec de nombreuses personnes. Amusé par les frasques de la “jeune génération”, il rencontre des interlocuteurs parmi les “situationnistes et enragés”. Il retrouve par exemple René Viénet avec qui il partage le goût de la critique des “bureaucrates”. La floraison de portraits de Marx-Engels-Lénine-Staline-Mao rebute naturellement l’auteur de L’Idéologie froide. Sa curiosité se porte plutôt sur le milieu libertaire que l’événement avait fait ressurgir. Pour Jean Blot, le début de Mai 68 est vécu par Kostas Papaïoannou comme une “fête” joyeuse, de rencontres, de discussions et de rigolades. “Retour de Dionysos” ou “fin de l’Empire romain”, la fête ne dura pas, et à la curiosité sympathique succède une nette prise de distance. » [46] Le 30 mai Papaïoannou manifeste avec Raymond Aron contre le « grand dérapage » (dixit Boris Souvarine). À en croire Claude Lefort (sympathisant du mouvement de Mai), Aron est alors convaincu que le Parti communiste va prendre le pouvoir et imposer sa dictature. Or ce mouvement n’a rien de bureaucratique ni d’autoritaire, bien au contraire : « Les thèmes “anarchistes”, écrit Félix Guattari, qui avaient été refoulés par la fantasmatique bolchévique : les barricades, la fraternité, la générosité, la libération de l’individu, le refus de toute forme de hiérarchie et de contrainte, l’exaltation collective, la poésie permanente, le rêve » [47] font retour.

L’irruption de la masse prend Papaïoannou à rebours : manifester avec de Gaulle ? Participer (en compagnie tout de même de Boris Souvarine), avec le jeune Pierre Manent et le futur sarkozyste Patrick Devedjian [48] à un organe libéral, tant anticommuniste qu’antisoixantehuitard (Contrepoint) ? Fonder une revue néoconservatrice (Commentaire à l’instar de Commentary) en compagnie de l’économiste Jean-Claude Casanova, des historiens Pierre Nora et Alain Besançon (ami intime de Papaïoannou), lui fournir sa devise, tirée de l’Oraison funèbre de Périclès (« Il n’y a pas de bonheur sans liberté, il n’y a pas de liberté sans vaillance ») [49] ?

Les esprits critiques avaient raison de lui reprocher son engagement dans la guerre froide. Ainsi, « dans une lettre aigre-douce Maximilien Rubel reproche à l’auteur de faire de Marx “un partisan du Pentagone, c’est-à-dire du monde libre, dans les guerres froides et chaudes de notre temps” » [50]. Or si nous ne voulons pas d’une psychologie du prêtre au sens de Nietzsche, il nous faut non point expliquer – excuser – Papaïoannou mais comprendre le monde auquel il appartient [51]. Car, plus d’un demi-siècle plus tard, la question reste entière : comment accéder à une position critique et analytique (au sens psychanalytique) sans céder aux alternatives infernales et aux chantages plus ou moins obscènes (surmoïques) ?

En France l’ultragauche s’est toujours intéressée aux écrits de Kostas Papaïoannou. Dès sa parution (la même année que La Société du spectacle [52]), les situationnistes apprécient L’Idéologie froide [53] (ouvrage réédité en 2009 par L’Encyclopédie des nuisances, maison d’édition fondée en 1991 par Jaime Semprun). En 1977, les éditions Champ Libre de Gérard Lebovici (ami intime de Debord) font paraître Écrits politiques de Hegel suivi de « La Raison et la Croix du présent » de Papaïoannou [54] et, en 1983, La Consécration de l’histoire [55] (son ouvrage sans doute le plus abouti). En 1978, Spartacus, maison d’édition de René Lefeuvre, publie une brochure de Papaïoannou et de Souvarine [56].

En effet, l’auteur de La Masse et l’Histoire a toute sa place dans une tradition machiavélienne (« la virtù, écrit Merleau-Ponty, sans aucune résignation » [57]) plus ou moins souterraine (tradition des vaincus, de 1848 à 1936 en passant par la séquence 1919-1923), ni « culte des icônes » d’une Église orthodoxe (quelles que soient les figures mythologiques, hagiographiques et nécrologiques), ni culte des grands hommes (propre à l’esprit d’avant-garde). Miguel Abensour le fait remarquer, « il convient de savoir pluraliser ce qui a pour nom l’“école antitotalitaire” et de convenir que l’on ne peut pas envelopper dans la même définition une critique de l’État totalitaire qui prend son origine dans une critique du bolchévisme et de la contre-révolution bureaucratique, au nom de l’autonomie du prolétariat, et une critique du totalitarisme produite au moment de la guerre froide et à son service » [58].

Si les marxistes rejetèrent le concept de totalitarisme, ravalé au rang d’arme idéologique des classes dirigeantes « capitalistes » (capitalisme privé), quelques communistes oppositionnels, de gauche ou d’ultragauche, comme Otto Rühle [59] et Paul Mattick [60], l’intégrèrent dans leur analyse de la domination bolchévique. Ultra-minoritaire, ce communisme-là s’attaque à la formation sociale appelée « par antiphrase » (Castoriadis) Union des Républiques Socialistes Soviétiques. C’est la question du moment, à l’origine d’anathèmes et d’excommunications : quelle est la nature, sociale et politique, du régime issu de la Révolution russe ; comment se situer par rapport à la « patrie du socialisme » ? « Défense inconditionnelle » d’un « État ouvrier dégénéré », le temps de renverser, par une révolution politique et non point sociale, une « caste parasitaire » (et surtout pas une classe, signe indélébile de division sociale), à savoir la bureaucratie ? C’était la thèse de l’orthodoxie trotskiste, réfutée dès 1949 par Castoriadis [61]. Celui-ci finira par qualifier le régime russe de capitalisme (et surtout pas de socialisme) bureaucratique total et totalitaire [62].
Hostile au bolchévisme, dont l’esprit lui paraît étranger à la gauche (c’était l’avis de Rosa Luxemburg qui n’a jamais transigé sur la démocratie prolétarienne), Papaïoannou tient néanmoins aux expériences révolutionnaires de la Commune de Paris et de la révolution hongroise de 1956. Papaïoannou libéral ? Même s’il a fini par se rallier au bloc institutionnel de l’aronisme, quel libéral pourrait se fier à « masse révolutionnaire » ? D’autant qu’aujourd’hui on ne jure que par le fétiche-citoyen – sujet parfaitement domestiqué, embourgeoisé, subjectivité sociale privatisée de classes moyennes coupées du monde. Or, irréductible au libéralisme politique, sa pensée n’est point apologétique ; notre tâche est de la sauver au sens qu’a ce mot dans la Théorie critique.

Kostas Papaïoannou disparaît en 1981, avant de voir ses amis triompher jusqu’à constituer, avec le Parti socialiste au pouvoir, avec une partie des fonctionnaires (notamment les enseignants en mal d’autorité), avec une frange (progressiste et modernisatrice) du patronat et de la haute administration publique, quelque chose comme un « bloc historique » au sens de Gramsci. Or cette « pensée affaiblie » [63] n’aurait-elle pas dégrisé l’intellectuel qui, à la fin des années soixante-dix, en appelait au « renouveau du marxisme » ? Par peur sans doute de l’« ennemi principal » (« abattu par son ennemi secondaire »), Kostas Papaïoannou crut bon de devoir grossir les rangs des libéraux. Toutefois la nature intempestive de ses écrits, notamment La Masse et l’Histoire, L’Anthropos et son ombre (inédit en français), La Consécration de l’histoire, L’Idéologie froide, Genèse du totalitarisme (inédit en français) ou encore les anthologies de Marx (sans parler de ses ouvrages sur L’Art grec et La Peinture byzantine et russe), le préserva de toute récupération ; son œuvre de pensée est partie à la poubelle cependant que les vainqueurs qui, naguère, avaient la conviction de nager dans le sens marxiste de l’histoire universelle se transformaient en zélotes d’une société marchande reterritorialisée sur la sacro-sainte République française. Pour « ceux qui, à un moment donné, détiennent le pouvoir [et qui] sont les héritiers de tous ceux qui jamais, quand que ce soit, ont cueilli la victoire » [64], « Kostas » [65] est sans doute un intellectuel qui, un peu comme Lefort et Castoriadis, « a toujours été du bon côté » [66], comme si Socialisme ou Barbarie avait été un organe libéral [67]… Or un gouffre sépare une idéologie apologétique (pauvre parent du libéralisme classique) d’une publication confidentielle d’ultragauche [68], quand bien même les anciens « socio-barbares » finirent dans le même bloc institutionnel, aussi libéral que conservateur. Par son engagement dans les officines du « monde libre », Papaïoannou rejoignit aussi le « cortège triomphal des vainqueurs ».

La philosophie bourgeoise de l’histoire revêt aujourd’hui les habits du néo-républicanisme, idéologie dominante – agoraphobe, frileuse, normalisatrice, hostile aussi bien à la masse qu’au tragique – de la Ve République tardive. Or Kostas Papaïoannou disparut avant la mise en place de cette hégémonie. Trente ans après la fin du mensonge déconcertant, il faut arracher son œuvre de pensée, s’en saisir du point de vue des vaincus, non point celui des bureaucraties totalitaires (recyclées dans les nouvelles classes dominantes) mais celui de la masse révolutionnaire dans son opposition tragique à l’État spectaculaire-marchand.
Écoutons le poète vaincu d’une guerre civile que cette génération de jeunes intellectuels avait fuie à bord du Mataroa :

« Il ne faut point le négliger.

Prenez de l’eau avec vous.

Notre avenir sera bien aride. » [69]

Dans notre traversée du désert, La Masse et l’Histoire est une ressource qui fait jaillir l’eau sans laquelle il n’est pas de survie possible. En effet, cet inédit des années cinquante permet de repenser l’histoire de la domination et de l’émancipation humaine, de prendre soin, « comme si on portait un blessé grave sur le dos » [70], des mots qui, dans l’univers mental du totalitarisme, ont perdu leur sens, et de renouer avec la sagesse tragique en donnant une figure poétique et cosmo-poétique, à savoir créatrice de monde, aux leçons tirées de l’épreuve.

http://www.eterotopiafrance.com/catalogue/la-masse-et-l-histoire/

Notes

[1Kostas Axelos, « La guerre civile en Grèce », Arguments d’une recherche, Paris, Minuit, 1963, p. 125-139

[2Cf. Kostas Papaïoannou, Hegel, Paris, Seghers, 1962

[3Cf. Georg W. F. Hegel, La Raison dans l’Histoire, Paris, 10/18, 1971])

[4Cf. Kostas Papaïoannou, L’idéologie froide. Essai sur le dépérissement du marxisme, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1967

[5Cf. Kostas Papaïoannou, Marx et les marxistes [1965], Paris, Flammarion, 1972 ; Karl Marx, Ecrits de jeunesse traduits et présentés par Kostas Papaïoannou, Paris, Quai Voltaire, 1994

[6Cf. Karl Marx, Critique de l’État hégélien, Paris, U.G.E.-10/18, 1976 ; Kostas Papaïoannou, Hegel et Marx : L’Interminable débat, Paris, Allia, 1999

[7Kostas Papaioannou, Ibid.

[8François Bordes, Ibid., p. 111

[9François Bordes, Ibid., p. 96

[10Νικόλας Κάλας, « Μύθος κι ουτοπία », Υπερρεαλισμός και η δημιουργία της ιστορίας, Αθήνα, Άγρα, 2016, σ. 49 [traduit par nos soins]

[11Cf. Agis Stinas, Mémoires. Un révolutionnaire dans la Grèce du XXe siècle, Paris, La Brèche, 1990 ; Cornelius Castoriadis, « Spiros Stinas » [1989], Quelle démocratie ? tome 2. Ecrits politiques 1945-1997, IV, Paris, Sandre, 2013, p. 339-346

[12Pour un tableau romanesque du stalinisme grec, lire le seul et unique roman d’Aris Alexandrou, La caisse [1975], Paris, Cambourakis, 2014.

[13Claude Lefort, Préface à Éléments d’une critique de la bureaucratie, Paris, Gallimard, 1979

[14Cornélius Castoriadis, « L’industrie du vide » [1979], Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe 2, Paris, Seuil, 1986, p. 32-40

[15Gilles Deleuze, « A propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général » [1977], Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, Paris, Minuit, 2003, p. 127-134

[16Michel Foucault, « La grande colère des faits » [1977], Dits et Ecrits II, 1976-1988, Paris, Gallimard, 2001, p. 277-281

[17François Bordes, Ibid., p. 134

[18Κώστας Παπαϊωάννου, Μάζα και εξουσία, Αθήνα, Εναλλακτικές εκδόσεις, 2003

[19Cf. Martin Breaugh, L’expérience plébéienne. Une histoire discontinue de la liberté politique, Paris, Payot (« Critique de la politique »), 2008 ; Francis Dupuis-Déri, La peur du peuple, Montréal, LUX, 2016

[20Cf. Jacques Rancière, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique, 2005

[21Cf. Cornélius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975 ; Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, Stock, 2002.

[22Kostas Papaïoannou, « Regnum hominis », La consécration de l’Histoire, Paris, Champ Libre, 1983, p. 118

[23Cf. Walter Benjamin, Critique de la violence [1921], Paris, Petite bibliothèque Payot, 2012 ; Cf. Giorgio Agamben, Etat d’exception, Paris, Seuil, 2003

[24Sur la conception du mythe chez Benjamin : Winfried Menninghaus, « Walter Benjamin’s Theory of Myth », In Gary Smith, On Walter Benjamin, Massachusetts, MIT Press, 1988

[25Cf. Max Horkheimer, Theodor W. Adorno, Dialectique de la Raison. Fragments philosophiques [1944], Paris, Gallimard, 1974

[26Kostas Papaioannou, Ibid.

[27Cf. George L. Mosse, The nationalization of the masses. Political Symbolism and Mass Movements in Germany from the Napoleonic Wars through the Third Reich, New York, Howard Fertig, 1975

[28Cf. Marcel Gauchet, L’avènement de la démocratie III. A l’épreuve des totalitarismes 1914-1974, Paris, Gallimard, 2010

[29Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et schizophrénie. L’anti-Œdipe, Paris, Minuit, 1972, p. 306

[30Cf. Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel, Paris, Éditions de Minuit, 1968

[31Cf. Claude Lefort, L’Invention démocratique, Paris, Fayard, 1981

[32Jacques Rancière, « La division de l’arché », Moments politiques. Interventions 1977-2009, Paris/Québec, La Fabrique/Lux, 2009, p. 57-65

[33Kostas Papaioannou, Ibid.

[34Kostas Papaioannou, Ibid.

[35Cf. Enzo Traverso, A feu et à sang. De la guerre civile européenne 1914-1945, Paris, Stock, 2007

[36Cf. Kostas Papaïoannou, De la critique du ciel à la critique de la terre, Paris, Allia, 1998

[37Kostas Papaioannou, Ibid.

[38Cornelius Castoriadis, « La pensée politique », Ce qui fait la Grèce. 1. D’Homère à Héraclite. Séminaires 1982-1983, La création humaine II, Paris, Seuil, 2004, p. 305

[39Kostas Papaioannou, Ibid.

[40Cornelius Castoriadis, « Séminaire du 6 février 1985 », Thucydide, la force et le droit. Ce qui fait la Grèce, 3. Séminaires 1984-1985. La création humaine IV, Paris, Seuil, 2011, p. 122-123

[41Kostas Axelos, Héraclite et la philosophie, Paris, Minuit, 1962, p. 108

[42Kostas Papaioannou, Ibid.

[43Kostas Papaioannou, Ibid.

[44Jean Oury, L’aliénation, Paris, Galilée, 1992, p. 22-24 ; Cf. Philippe Pignarre, Isabelle Stengers, La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, Paris, La Découverte, 2005

[45Cf. Philippe Gottraux, Socialisme ou Barbarie. Un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre, Lausanne, Payot, 1997

[46François Bordes, Ibid., p. 129

[47Félix Guattari, « L’étudiant, le fou et le katangais » [1969], Psychanalyse et transversalité. Essais d’analyse institutionnelle, Paris, Maspero, 1972, p. 234

[48Revenu de l’organisation néofasciste Occident, Patrick Devedjian aurait été « guéri de la tentation du fascisme par Raymond Aron lui-même » : < https://www.franceculture.fr/emissions/le-rendez-vous-des-politiques/patrick-devedjian-depute-ump-des-hauts-de-seine >

[49François Bordes, Ibid., p. 139

[50François Bordes, Ibid., p. 120

[51Cf. Hannah Arendt, La langue maternelle, Paris, ETEROTOPIA-France, 2015

[52Cf. Guy Debord, La Société du Spectacle, Paris, Buchet/Chastel, 1967

[53Cf. Kostas Papaïoannou, L’idéologie froide. Essai sur le dépérissement du marxisme, Paris, 1967

[54Cf. George W. F. Hegel, Ecrits politiques, Paris, Champ libre, 1977

[55Cf. Kostas Papaïoannou, La consécration de l’Histoire, Paris, Champ Libre, 1983

[56Cf. Boris Souvarine, Kostas Papaïoannou, Staline. Pourquoi, comment/Lénine ou l’utopie au pouvoir, Paris, Spartacus, 1978

[57Maurice Merleau-Ponty, Préface à Signes, Paris, Gallimard, folio, 2008, p. 61. Sur la tradition machiavélienne de la modernité, voir John Pocock, Le moment machiavélien, Paris, PUF, « Léviathan », 1997

[58Miguel Abensour, Avant-propos à Pour une philosophie politique critique ? Itinéraires, Paris, Sens & Tonka, 2008, p. 19

[59Otto Rühle, « La lutte contre le fascisme commence par la lutte contre le bolchévisme » [1939], La contre-révolution bureaucratique (col.), Paris, 10/18, 1973, p. 261-280

[60Cf. Willy Huhn, Paul Mattick, Staline, Trotski, l’héritage de Lénine, Paris, Spartacus, 2019

[61Cornelius Castoriadis, « Les rapports de production en Russie », Socialisme ou barbarie numéro 2, mai 1949

[62Cornelius Castoriadis, « Le régime social de la Russie » In Domaines de l’homme. Les carrefours du labyrinthe II, Paris, Seuil, 1986, p. 215-248

[63Cf. Antonio Negri, « La pensée affaiblie » [1991], Inventer le commun des hommes, Paris, 2010, p. 17-21

[64Walter Benjamin, « Sur le concept d’histoire », Ecrits français, Paris, Gallimard (NRF), 1991, p. 343

[65Philippe Raynaud, Préface à Kostas Papaïoannou, Marx et les marxistes, Paris, Gallimard, 2001

[66François Dosse, Castoriadis, une vie, Paris, La Découverte, 2014

[67Miguel Abensour, Avant-propos à Pour une philosophie politique critique ? Itinéraires, Paris, Sens & Tonka, 2008, p. 19

[68Cf. Col., « Les groupes/revues Socialisme ou Barbarie et Noir & Rouge », Histoire critique de l’ultragauche. Trajectoire d’une balle dans le pied, Marseille, Senonevero, 2009, p. 87-197

[69Μιχάλης Κατσαρός, « Θα σας περιμένω », Κατά Σαδδουκαίων, σ. 64, In Μείζονα ποιητικά, Αθήνα, εκδόσεις Τόπος, 2018 [traduit par nos soins]

[70Aris Alexandrou, Voies sans détour [1959], Paris, Ypsilon éditeur, 2013, p. 59