Explorer le passé/présent en compagnie de Victor Klemperer [10]

, par Alain Brossat


Ecrire jusqu’au bout de ses forces (1/2)

Le 17 janvier 1942, Klemperer note dans le Journal : « Le Curriculum se traîne. Mais je m’y tiens fermement. Et je voudrais tant être aussi l’historiographe de la catastrophe présente » [1].
Double programme, donc : poursuivre le travail en cours, celui qui en est venu depuis le début de la guerre à accaparer toute l’énergie du scribe – la rédaction de l’autobiographie – et, simultanément, tenir la chronique (dans le Journal) de ce dont il a en tête, désormais, le nom ou le concept : la catastrophe présente. L’ombre de Walter Benjamin, celui des Thèses sur l’Histoire, s’étend naturellement sur cette désignation du présent comme temps de la catastrophe. Une forte tension se fait ici sentir, quand devient tangible l’épuisement du narrateur à bout de force (comme dans les Thèses de Benjamin) : non seulement il lui faut poursuivre, envers et contre la fatigue et le découragement, la rédaction du Curriculum – c’est, on l’a vu, un enjeu vital ; mais il faut, de surcroît, se tenir, au jour le jour, à la hauteur des défis que lui adresse le présent : témoigner de ce que celui-ci est, en substance – une catastrophe continuée – mais aussi, un pas plus loin, dresser un état des lieux aussi complet et circonstancié que possible, de cette catastrophe – en historiographe, donc.
Il est frappant que ce soit dans ces conditions même, qui ne cessent de s’aggraver, avec les pénuries qui s’accroissent, la famine qui menace, les déportations qui s’accélèrent que Klemperer, s’assigne une tâche plus ambitieuse que celle qui incombe au simple témoin. C’est que, pour lui, une relation distincte s’établit entre la singularité catastrophique du présent et la valeur du témoignage, la consignation du désastre comme impératif catégorique. Le témoin enregistre des impressions, des sensations, le témoignage est tributaire de la subjectivité du témoin. L’historiographe, lui, est supposé collationner des faits et les agencer en une chronique. Le paradoxe du changement de programme ou de perspective que semble annoncer ici l’apparition du terme historiographe est frappant : c’est précisément sur ce point de bascule où il est en train de devenir un survivant, en attente de déportation, mais aussi affamé, épuisé, démuni de tout, que Klemperer fait, en quelque sorte, monter les enchères du témoignage.
Il lui faut, précisément parce qu’il se trouve peu à peu assigné à la position du « dernier », avec le Journal, tenir une chronique du désastre (du crime) en cours qui ne soit pas un simple recueil d’impressions éparses, mais qui ait une valeur de document historiographique. Se définir comme l’historiographe de la catastrophe présente, cela veut bien dire écrire pour l’Histoire, par-delà le témoignage relatant une tragédie personnelle. La perception de l’empirement de la situation (qui place le présent tout entier sous le signe de l’exception désastreuse) accable assurément le scribe, mais elle le stimule aussi : il se tient alors « fermement » à ses travaux d’écriture, car il écrit désormais devant l’Histoire. Implicitement, le surgissement du mot « historiographe » mobilise ici le motif de la responsabilité – face aux vivants et aux survivants, face à l’avenir, à ceux qui viendront après. Le sentiment de responsabilité s’associe au devoir : plus les conditions s’aggravent, plus le devoir d’écrire est impérieux. Ici aussi, se trouve dessinée une ligne de front : là où le sentiment du devoir affronte la peur : « Toujours les mêmes hauts et bas. La peur que tout ce que j’écris ne me conduise en camp de concentration. Le sentiment de devoir écrire, la tâche de ma vie, mon métier, ma vocation. Le sentiment du vanitas vanitatum, de l’insignifiance de mes griffonnages. Et, au bout du compte, je continue pourtant à écrire, et mon journal, et mon Curriculum » [2].
C’est à la date du 11 juin 1942 qu’apparaît dans le Journal la formule que les éditeurs de celui-ci ont choisie comme titre pour le second volume des années nazies (1942-1945) : « Je veux porter témoignage jusqu’au bout » – « Je veux témoigner jusqu’au bout » dans le titre [3]. Un peu plus haut, le même jour, Klemperer évoque dans les tons les plus sombres la brusque aggravation de ses conditions de vie et de travail : « Bilan de la perquisition d’hier chez nous : plus du tout de pain ; ont disparu : un pain entier de deux livres, un paquet d’allumettes, tout le savon de la salle de bain, presque tout le sucre, un billet de 5 M dans le portefeuille. Lamentable ! Mais le dommage véritablement irréparable, c’est l’interdiction de la bibliothèque de prêt. Mes possibilités d’étude se trouvent encore plus restreintes qu’avant » [4].
Les questions ayant trait à la pure et simple subsistance, aux conditions d’existence matérielles ne se séparent pas de celles de la survie intellectuelle – pouvoir continuer à travailler. Or, à ce stade de la guerre, le minimum vital n’est plus assuré, ni d’un côté, ni de l’autre. Klemperer se décrit aux abois : « Je vais devoir aller quémander et mendier dans toutes les familles juives et chez Annemarie [l’amie médecin des Klemperer qui cache les manuscrits à l’hôpital, dans la ville proche de Pirna] : il ne fait pas de doute que je suis, pour ainsi dire, encore plus mal qu’avant. Il y a en plus l’angoisse, l’angoisse de plus en plus forte, à garder des manuscrits à la maison, le XVIIIème, le Curriculum, la – LTI, tout est en souffrance. Je ne peux plus travailler, je ne peux que m’occuper. Et l’insécurité encore accrue » [5].
A la lumière de ces lignes, l’expression phare de cette partie du journal, celle sous le signe duquel ces années sont placées – témoigner jusqu’au bout – apparaît tout à fait problématique : il existe en effet un point de rupture au-delà duquel le diariste lui-même constate qu’il ne peut plus travailler, seulement s’occuper. Or, témoigner jusqu’au bout, se faire l’historiographe de la catastrophe, c’est tout un travail, cela requiert le maintien de la capacité d’attention aux événements, petits et grands, survenant dans le présent, le maintien de la capacité de concentration nécessaire pour consigner ces matériaux, pour revenir sans relâche à l’écriture. Cette limite semble bien être franchie lorsque le diariste lui-même se voit réduit à la condition de mendiant, lorsque les sbires de la Gestapo embarquent les dernières provisions du couple, dérobent leur dernier argent, lorsque l’angoisse, le sentiment d’insécurité sont à leur paroxysme....
Dans ces pages du Journal, Klemperer consigne d’autres scènes d’horreur qui ont accompagné la dernière des perquisitions dans la maison des Juifs – une vieille dame humiliée, contrainte par ses tourmenteurs à s’asseoir sur un pot de chambre, et qui, la veille encore « vive et pleine d’esprit », « bredouillait maintenant une vague plainte d’une voix brisée. J’en éprouvais moins de pitié que d’horreur » [6].
La question est donc de savoir jusqu’à quel point il est possible de témoigner de cela aussi, ce que l’on peut entendre à proprement parler par témoigner jusqu’au bout – considérant qu’existe bien ce point de bascule où l’épuisement, physique tant que moral, l’horreur, la sidération, l’accablement l’emportent sur la mieux ancrée des déterminations à témoigner – à se vouer au travail de consignation, à l’écriture. Cette tension persiste au cœur du Journal et va sans cesse en s’amplifiant au long des dernières années de guerre ; mais Klemperer persiste à écrire jusqu’au point de rupture, fût-ce pour dire que celui-ci est imminent : « Hier, et aujourd’hui toute la journée, je me suis senti très abattu, le danger de mort de plus en plus pressant, l’étranglement qui s’accroît, la cruelle insécurité pesaient lourdement. Maintenant, en début de soirée, je me suis un peu apaisé. Il faut que cela continue ainsi [je souligne, A. B.]. Je vais bien trouver quelque lecture enrichissante, et le journal, je vais le poursuivre coûte que coûte. Je veux porter témoignage jusqu’au bout » [7].
L’écriture entre ici dans ce champ indistinct où elle est portée par une énergie, une détermination et une puissance qui persistent et persévèrent par-delà même ce qui créé les conditions de son impossibilité. « Jusqu’au bout », cela veut dire : ce qui se maintient, malgré tout, au-delà des possibilités du diariste, ce qui survit à son extinction programmée.
Le scribe dresse le contrat objectif de ce que les conditions minimales de la poursuite de son travail n’existent plus – tout en affirmant que ce travail se poursuivra quand même – du moins ce qui en constitue le noyau vivant, le cœur battant – le Journal. Et, une nouvelle fois, ce qui tranche, ce n’est pas l’examen des conditions objectives (désespérées, placées sous le signe de l’horreur), mais l’injonction pure et simple, sans déterminations : il faut que cela continue ainsi.
La question cruciale est donc celle du reste. Un peu plus loin, dans le Journal, Klemperer note qu’il a été tenté, dans la « fébrile agitation de ces derniers jours », d’arrêter tout à fait de travailler. Mais il ne peut pas : « J’aurais le sentiment d’une désertion ». Survient alors sous sa plume cette formule sagittale : « Je peux encore faire un tout petit peu quelque chose pour moi » [8]. Le point crucial est là : il s’agit de ne pas se laisser réduire à la condition de pur survivant en attente du pire ; il faut s’acharner à mettre en œuvre, face aux forces de la destruction, une contre-énergie, fût-elle infime, ce « tout petit peu », fait de lecture et d’écriture, et qui atteste que le sujet conserve la capacité de, dans ses propres termes, « tirer intellectuellement de ces jours tout ce qu’il est possible d’en tirer » [9]. L’activité intellectuelle entendue comme preuve de vie – tant qu’elle se poursuit, le sujet persécuté n’est pas réduit à la condition de simple déchet de la terreur.
Curieusement, la disposition requise pour conserver ce reste de contre-puissance (de capacité résistante) est le fatalisme, entendu comme cette attitude consistant à ne pas se laisser contaminer par les mauvais pressentiments ou l’intuition selon laquelle l’issue probable est infiniment sombre, tout en s’en remettant au destin. Il s’agit de se détacher des circonstances, de laisser venir – advienne que pourra, que devra – et, dans l’espace infime ouvert par ce détachement, de continuer à faire ce que dois. Ici non plus, le stoïcisme n’est pas loin. Le sujet soumis à l’attrition croissante infligée par les persécuteurs, toujours plus isolé et démuni, est dépourvu de toute prise sur les événements, il ne dispose plus d’aucune façon de lui-même. Dans ces conditions, la sagesse est d’attendre, en fataliste (mânes de Diderot...) en s’efforçant de laisser le temps de l’oppression passer sur lui sans trop l’endommager et en tirant le meilleur parti des instants qui peuvent encore être sauvés pour la vie intellectuelle, pour l’activité critique, la lecture, l’écriture : « A la fabrique, sur neuf à dix heures de travail, on doit sûrement passer neuf à dix heures dans un état de somnolence mentale. A la maison, il y a toujours quelques oasis propice à l’intellect » [10].

L’« oasis » est ici précisément ce qui reste, le contre-espace précaire qui se conserve dans le désert de la terreur. Mais rien ne dit qu’il est appelé à se préserver longtemps. Rien ne permet d’opérer le moindre calcul, de faire la moindre prévision, de se projeter dans l’avenir, même le plus proche. Alors, autant « continuer » en plaçant cette conduite, cette orientation sous le signe de l’indiscutable – tu dois, il faut. Cela du moins (tant qu’il reste un atome d’énergie au sujet réprouvé) demeure hors de la portée du persécuteur, insaisissable, cantonné dans la sphère de la résistance subliminale : rentré chez lui, après les dix heures de travail abrutissant accomplis à la fabrique, le réprouvé prend un livre rescapé des perquisitions et s’absorbe dans la lecture. Les deux pièces qu’occupent les Klemperer dans la maison des Juifs se transforment alors en oasis. La Gestapo ne peut pas avoir, dans chaque appartement, un sbire qui lit par-dessus l’épaule du porteur d’étoile, elle ne peut pas aller jusqu’à lui interdire toute espèce de lecture... Dès lors, toute résistance n’est pas anéantie.
La ligne de démarcation qui sépare les conditions endurées par les Klemperer (au pire de l’épreuve de la guerre, des privations, des persécutions, des menaces de déportation) des conditions concentrationnaires ou de la vie dans les ghettos de l’Est demeure ici clairement dessinée. Chaque jour, l’acharnement que met Klemperer à lire quelques pages, fût-ce de Wilhelm Meister (alors même que Goethe est tout sauf son auteur favori), à tracer quelques lignes sur le cahier où se poursuit vaille que vaille le Journal, redessine cette ligne de séparation.
Au camp, il n’y a pas d’ « oasis ».
Mais il s’agit bien d’une ligne, toujours mouvante, nullement d’une frontière étanche. En juillet 1942, Klemperer note elliptiquement dans le Journal : « Cela n’a pas de sens de vouloir penser au-delà de la prochaine minute et de la prochaine pomme de terre » [11] – ce qui pourrait aussi bien être un énoncé relatif à la condition concentrationnaire. Lorsque l’horizon de la pensée est réduit à la prochaine minute et à la prochaine pomme de terre, l’espace que Klemperer définit comme celui du travail, de la production, de l’activité intellectuelle qui se maintiennent vaille que vaille, cet espace a disparu. La terreur ne l’a peut-être pas encore emporté jusqu’au bout (le point crucial sur lequel insistent tant Robert Antelme que Primo Levi), mais on a basculé dans une autre configuration. Or, à partir de 1942, le Journal, pour autant qu’il documente la condition tant matérielle qu’existentielle de Klemperer au cours des dernières années de guerre, se tient juste sur le bord de ce basculement. Il marche sur la corde tendue au-dessus du vide, selon l’image à laquelle il recourt lui-même (celle du Seiltanzer, le funambule), la ligne de séparation entre les deux conditions n’a plus que l’épaisseur d’un fil...
Un indice sûr de l’apparition de cette zone grise entre la condition de réprouvé (aussi maltraité soit-il, mais maintenu dans ses lieux de vie) et la survie concentrationnaire est l’érosion que constate Klemperer en lui, des sentiments d’humanité, la Menschlichkeit entendue comme empathie ou Mit-leid éprouvée par le sujet humain pour d’autres membres de l’espèce humaine exposés à la souffrance, à l’épreuve de la mort, aux violences infligées par des persécuteurs. Confronté au suicide d’une vieille femme confinée dans la maison des Juifs, il « constate [en lui-même] une totale froideur et un sentiment d’apathie », une observation qui renvoie à d’autres, antérieures et ultérieures, éparses dans le Journal [12]. L’apathie morale, l’indifférence au malheur des autres comme indices de l’affaiblissement, si ce n’est l’effondrement de l’armature morale qui fait du sujet humain un civilisé. Le devenir-survivant passe par cette dégradation et, à terme, la disparition de la constitution morale du sujet dont le cœur est la disposition com-passionnelle, la capacité de s’éprouver comme membre de la communauté humaine en partageant l’affliction d’un autre ou d’une « part » de la collectivité humaine dont l’intégrité est mise à mal.
Mais, d’un autre côté, la prise de notes à propos de ce glissement, de cette fatale inflexion, atteste que l’instance réflexive et critique n’a pas été entièrement emportée par ce désastre. Le diariste conserve la capacité d’observer en lui cette involution dont il s’inquiète et pour laquelle il se blâme. Le voici donc ici flottant entre deux eaux : celle de la dégradation de sa capacité à éprouver de la compassion (la fameuse pitié rousseauiste) à l’endroit de la vieille femme qui, ne supportant plus la désolation, s’est échappée dans la mort – mort solitaire, terrible et qui tend à Klemperer le miroir de sa propre condition – et, d’autre part, celle de la vigilance maintenue dans l’observation de soi. Le Journal conserve pleinement sa fonction autoréflexive, le scribe y consigne ce qu’il constate de la montée en lui de l’apathie morale, il ne censure rien, sa vigilance n’est pas prise en défaut. On dirait qu’ici le sujet est clivé : il y a d’un côté celui qui dérive dans les eaux de l’indifférence au sort des autres, replié sur le souci de sa propre survie, et il y a le témoin qui ne se désiste pas, ne relâche pas sa veille. Le Journal, une fois de plus, se tient sur une ligne de front et sur celle-ci s’affrontent les forces de la barbarie qui submergent tous les espaces de vie et celles de la civilisation (au sens moral du terme) qui se défend pied à pied, avec l’énergie du désespoir.
L’écriture, le travail de consignation poursuivi coûte que coûte, c’est aussi, littéralement, ce qui permet à l’avenir de ne pas se dissoudre. Ce qui a pour effet (et vertu) de redessiner au jour le jour, la ligne d’horizon de l’avenir entendu comme espace de projection, jardin de l’espérance – ce qui ne peut pas manquer de survenir après le désastre, et dont, par miracle, on pourrait être, encore, le protagoniste. D’un côté, il s’agit d’écrire en se disant qu’il « se pourrait bien que ce [passage] soit le dernier » [13] ; mais d’un autre, en continuant à écrire et travailler, Klemperer « pose les jalons de [ses] futurs travaux » : « Je n’aurai pas besoin de nouvelles trouvailles dans les années à venir, je n’aurai qu’à développer ce qui est maintenant à l’état de projet et d’ébauche » [14].
Il s’agit donc d’écrire dans l’urgence et au bout de ses forces, avec le sentiment que cette pièce d’écriture, ce lambeau, presque, pourrait être le dernier – la Gestapo peut surgir à chaque instant et tout embarquer tandis que l’auteur de ces dernières lignes partira pour le camp. Même Eva ne sait pas qu’il glisse des « manuscrits » dans ses (relativement innocentes) notes de lecture qu’elle est chargée de déposer en lieu sûr – autant qu’un lieu puisse l’être dans ces circonstances. Mais ce « dernier » morceau d’écriture (comme celui qui s’y adonne est bien, comme témoin actif et conscient de sa « mission », le « dernier » des Juifs de Dresde) conserve jusqu’au bout, paradoxalement, la capacité de tout relancer dans l’instant même de la chute du régime nazi.
Si le survivant parvient jusque-là, s’il se faufile à travers le chas de l’aiguille – la chute de Hitler, la fin de la guerre –, alors, aussitôt, tout redeviendra possible, toutes les options lui seront ouvertes ; il n’aurait, dans ce bouillonnant recommencement de la vie, que l’embarras du choix : le XVIIIème français, le Curriculum, la LTI, un dictionnaire philosophique de l’hitlérisme, reprendre ses fonctions, « rafraîchir ses connaissances » ou bien encore, pourquoi pas, enfin apprendre l’anglais, émigrer... [15]. Mais bientôt, le mouvement de balancier impose le retour au réel : toutes ces rêveries, ce n’est que le sempiternel (et puéril) jeu de l’auteur « avec des soldats de papier ». La plus grande des probabilité demeure que jamais il ne voie cet instant où il s’agirait de les « mettre en ligne », c’est-à-dire de mettre de l’ordre dans ces fantasmagories et d’en extraire des projets. En vérité, toutes ces projections vers un avenir des plus improbables ne sont qu’autant de ruses inspirées par l’instinct de survie : ce dont il s’agit, en vérité, c’est de repousser l’angoisse, dans le présent le plus immédiat : « travailler, me soûler de travail ! » [16] – la lecture et l’écriture comme tranquillisants.

Alain Brossat

à suivre...

Notes

[1Je veux témoigner jusqu’au bout, op. cit., p. 15.

[2Ibid., p. 22, 8/02/1942.

[3Ibid., p. 119.

[4Ibid., p. 117.

[5Ibid., p. 117.

[6Ibid., p. 119.

[7Ibid., p. 119.

[8Ibid., p. 125, 14/06/1942.

[9Ibid., p. 125, 14/06/1942.

[10Ibid., p. 125, 14/06/1942.

[11Ibid., p. 154, 8/07/1942.

[12Ibid., p. 204, 20/08/1942.

[13Ibid., p. 247, 24/11/1942.

[14Ibid., même page, même jour.

[15Ibid., p. 248, 24/10/1942.

[16Ibid., p. 268, 29/11/1942.