Des Gilets jaunes à Taïwan ?
Ce samedi 30 mars a eu lieu à Taïpei une conférence sur le mouvement des Gilets jaunes – deux heures de discussion animée qui ont réuni une bonne quarantaine de personnes, des syndicalistes, des militants associatifs, des enseignants, des étudiants...
Cette conférence a été rassemblée par ce qui, là-bas, s’appelle encore « la gauche », à l’initiative de Shenjing Lin, l’un des acteurs multicartes les plus en vue de ce microcosme qui essaie de créer des espaces politiques en dehors de l’affrontement paralysant entre le Kuomintang, aujourd’hui dans l’opposition, et le parti indépendantiste au pouvoir – DPP.
Parmi les interlocuteurs, outre Shenjing à qui avait été confiée pour l’occasion la tâche de traduire les interventions d’Alain Brossat, étaient présents un syndicaliste et animateur du parti modique appelé « The Left Party », récemment organisateur d’une grève des chauffeurs routiers, un professeur d’université multicartes lui aussi – « Social Transformation studies », « empowerment of Migrants », et enfin un militant qui a récemment joué un rôle important dans l’organisation d’une grève des pilotes d’une compagnie taïwanaise.
Il y a bien eu à Taïwan quelques tentatives de lancer un mouvement des Gilets jaunes, mais elles ne sont pas allées bien loin. Les gilets que les intervenants portent à la tribune témoignent d’une solidarité à l’égard du mouvement français, mais ce mouvement n’a pas encore donné lieu à une traduction effective dans sa version asiatique… Cependant, diffusée en direct sur Facebook, la conférence a suscité de l’intérêt, et de nombreuses questions d’internautes.
La discussion a porté sur la crise du système politique en France, les catégories sociales impliquées, le rôle de la presse, l’état de la gauche institutionnelle, le rôle des syndicats, les élections européennes. Il a beaucoup été question de la montée de la précarité en France, des effets du désengagement de l’État, de l’accroissement des inégalités, du rôle des élites. Toutes sortes de clichés sur la France demeurent tenaces…
Pour ce qui concerne Taïwan, précise Alain Brossat, tant que tout ce qui tiendra lieu de politique sera parasité par la grande (et fausse à plus d’un titre) question de la relation à la Chine, il y a bien peu de chances que se développe un mouvement équivalent. La question des relations avec la Chine paralyse toute combativité populaire. Ce ne sont pourtant pas les raisons de se révolter qui, pour ceux d’en bas, manqueraient. Les inégalités de statut et de revenus sont plus criantes encore que chez nous.
Ici&Ailleurs, le 4 avril 2019