Séminaire de doctorants « Technique(s) du cinéma, politique(s) par le cinéma ? » Coordonné par Roman Dominguez et Adolfo Vera
Afin de fustiger un peu ceux qui s’interrogeaient longuement sur la qualification de la photographie comme art, Benjamin se demandait si déjà cette technique n’avait pas justement changé la nature ou le statut de l’art lui-même. Pour Benjamin, une telle transmutation du « caractère général de l’art » valait d’autant plus pour le cinéma : à savoir l’émergence d’un inconscient visuel, ainsi que le développement d’un art de la dispersion. Or, si dans notre siècle le caractère artistique du cinéma, du moins de sa partie la moins négligeable, semble déjà acquis depuis longtemps, ne faudrait-il pas se demander si une telle acquisition ne serait pas l’un des signes de la transformation du caractère général d’un tout autre domaine, le politique ? D’autant plus que le XXème, le siècle du film, s’acheva avec la marginalisation du cinéma par la montée d’autres appareils sans doute plus puissants techniquement, plus performants politiquement, mais héritiers tout de même d’une opération que celui-ci avait répandue le premier.
Dans ce séminaire, on se propose moins de constater les vertus d’un cinéma explicitement politique, que de repérer quand et par quels signes l’image en tant qu’opération technique ferait du politique, même si c’est souvent par de faibles et presque dérisoires moyens, même si c’est par des aspects presque imperceptibles. Dans ce début du siècle, la réflexion qu’on pourra y essayer devra donc considérer la question du rapport politique entre la technique de l’image et l’archive. On sait bien qu’après ce que Blanchot a appelé la Catastrophe, pour résumer tant de génocides, de disparitions et de violences extrêmes, la question de l’(im)possibilité de la mémoire est l’une des plus pressentes pour « nous », aujourd’hui.
Tout comme la technique ne concerne pas la seule reproduction du présent, l’archive ne se réduit pas au seul souvenir. Toute mémoire renvoie à une certaine technique d’archivage, qui suppose à son tour une surface d’inscription, qui, après la photo et le cinéma sera toujours de « reproduction ». Mais loin d’être une matière brute, la surface d’inscription (toujours technique) impliquera une modulation temporelle des événements. C’est pourquoi la temporalité de l’écriture est tout autre que celle de la photographie et que celle de la télévision. À cet égard, la puissance du montage consiste à brouiller les archives antérieures en les insérant dans une nouvelle temporalité : le contemporain. Le contemporain n’est pas le simple présent, mais la synthèse qui relie des éléments des temps épars quitte à esquisser une époque et ses subjectivités corrélatives. Le cinéma n’est pas notre contemporain parce qu’on ferait encore du cinéma, ou parce qu’il nous relierait à notre passé immédiat, le XXème siècle. Il est contemporain parce que ses techniques et ses pratiques ne cessent de greffer des « anachronies » (au sens où l’anachronisme est un détournement du présent). Or, on sait bien que ce concept d’anachronisme est foncièrement politique, dans le sens que quand on est face à l’absence des corps, à l’impossibilité du travail du deuil, au différend lyotardien comme expérience de l’impossibilité pour les victimes de « présenter » sous les catégories de la ratio classique leurs torts, ce qui arrive n’est autre chose qu’une disjonction radicale de la temporalité « normale ». Il s’agira, depuis lors, de la temporalité des spectres, laquelle ne pourra être transmise que grâce à un appareil spectral par définition, le cinéma.
Le séminaire se déroulera dans le cadre des activités de l’équipe Arts, appareils, diffusion de la MSH Paris Nord, coordonné par Jean-Louis Déotte.
Chaque séance du séminaire sera animée par un invité qui abordera un sujet lié à la problématique générale ; deux interlocuteurs ouvriront le débat avec le public. Des extraits de films seront projetés.
Première séance : Vendredi 19 mars de 15h à 17h. (Un programme détaillé de chaque séance sera mis en ligne).
Les séances se tiendront à la MSH Paris Nord.
Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord
4 rue de la Croix Faron - 93210 Saint Denis la Plaine tel : 01 55 93 93 00 - fax : 01 55 93 93 01
Calendrier des séances (les vendredis suivants, de 14h à 17h ; le vendredi 19 mars, séance de 15h à 17h) :
19 mars, 9 avril, 7 mai, 21 mai, 4 juin.
Pour des renseignements supplémentaires
roman.dominguez@club-internet.fr
adolfovera27@gmail.com
Pour se rendre à la MSH Paris Nord
4 rue de la Croix Faron, Plaine Saint Denis, 93210 Saint-Denis
Plan sur http://www.mshparisnord.org/acces.htm