Atelier de philosophie plébéienne - ÉcologieS : changer de monde pour le sauver ?
Gîte Le Closet Fertans (17-19 gde rue, 25330) Samedi 17 octobre 2020 À la salle des fêtes de Fertans (gde rue) Jauge à 30 en raison de la crise sanitaire
Atelier... cela veut dire un essai d’abandon de l’autorité du maître et de la posture d’élève au profit d’une tentative de production en commun.
Centre de Réflexion et de Documentation sur les Philosophies Plébéiennes de l’association « Voyons où la philo mène... »
Un spectre hante le monde : celui d’un monde fini, fourbu, foutu.
Cauchemar dystopique, scénario orwellien libéral-fasciste, désastre d’un monde inhabitable – c’est-à-dire invivable, du moins pour l’écrasante majorité, humaine et non-humaine : tel semble être le paysage dans lequel il nous faudra désormais survivre.
“Demain est annulé” ou : la pandémie en cours comme effet de loupe et coup d’accélérateur (et sur-générateur) des biopolitiques du contrôle, du tous contre tous au chacun contre chacun : l’État et les multinationales y reconnaîtront les leurs.
L’écologie, en tant que nouveau paradigme, est ainsi, certainement, la plus grande des urgences qui nous soit posée.
Nous interrogerons sa pertinence en tant que pratiques et résistances locales, mais aussi en tant que politique, savoirs, et philosophie (de quelles écologieS parlons-nous ?…), aptes à créer des “communs”, produire des alliances, tout autant que des ruptures.
Car il ne s’agit pas de sauvegarder les désordres établis, mais, s’il s’agit de sauver le monde, de le changer.
9h Accueil à la salle des fêtes
9h15-10h45 « Temps du vertige : l’écologie, éthique et philo-politique d’un combat révolutionnaire » Marco Candore
« Encore une législation répressive mise en place par une société qui chie dans son froc » Philip K. Dick / Simulacres
Il nous faudra, tout d’abord, survoler, rappeler, reprendre quelques questions-clés, philosophiques et politiques, liées à notre histoire récente, celle de l’ère industrielle et du capitalisme moderne, telle qu’elle se construit et nous façonne depuis le dix-neuvième siècle ; ceci, non point pour “mettre tout le monde d’accord” et opérer une synthèse introuvable (et improbable), mais bien au contraire, pour appréhender les tensions, les apories de pensées et d’actions hétérogènes sur lesquelles nous pouvons prendre appui.
À partir de ce la, de ce là, de cela (une construction, donc, un strict meccano, et non un déjà-là), nous essaierons de voir en quoi l’écologie ne peut être que de rupture, aux antipodes du supplément d’âme consensuel ou de l’objet froid pseudo-dépolitisé de mesures “techniques” destinées, au bout du compte et du point de vue de la domination, à ce que rien ne change (un “que rien ne change” illusionniste, ressassant la fable du présentisme, de l’immuable, de l’indépassable horizon occidental-capitaliste ; mais aussi un “que rien ne change” nostalgico-mélancolique, terreau fertile des conduites et politiques de toutes les peurs).
En fait, tout va changer, et tout change déjà, bien vite, si vite, et radicalement : la catastrophe écologique n’est pas pour demain, nous y sommes, et ce n’est qu’un début. Le début de la fin ? Qui, des forces en présence, gagnera la partie, la lutte finale de lendemains qui déchantent ?
En ces temps dystopiques, hantés par l’effondrement et l’apocalypse, en ces temps vertigineux, on voit combien l’ordre établi est prêt à tous les mensonges et toutes les répressions : parce que l’écologie, en tant qu’éthique et philosophie de l’action, incarne l’ingouvernable d’un combat révolutionnaire.
11h-12h30 « Comment mobiliser la population aux enjeux de la transition écologique et citoyenne sur un territoire rural ? » Daniel Hincelin & Gérard Mamet (Collectif Loue Lison)
Introduction par le témoignage de Gérard Mamet sur son parcours personnel « de la politique à l’écologie politique »
Contenu de la présentation du travail du collectif à l’aide d’un diaporama commenté par Daniel Hincelin et Gérard Mamet.
Le bonheur la croissance et moi, ma planète la finance et moi furent les thèmes de deux soirées films /débats qui ont enclenché la dynamique de territoire. En 2015, fort de cette prise de conscience, un collectif d’habitants souhaite décliner des actions visant la transition écologique et citoyenne. 7 thématiques de travail ont été choisies : la transition énergétique, les circuits courts, le vivre ensemble, la mobilité, la création d’activité, la communication partagée... La traduction sur le terrain c’est la création d’un marché hebdomadaire plein air, l’ouverture d’un café solidaire, des cafés citoyens, des évènements autour de l’agroécologie, la création de clubs Cigales, l’installation d’une monnaie complémentaire, la participation à l’action des coquelicots, l’installation de panneaux photovoltaïques, films débats, collaboration avec les écoles, accueil du tour Alternatiba etc...
A noter la volonté de part et d’autre, société civile et élus, d’œuvrer ensemble par exemple au travers du plan Climat du Pays…Une lettre trimestrielle, diffusée à quelques 800 personnes, relie les initiatives du Collectif et celles des acteurs locaux.
Le collectif qui est devenu une association pour des raisons purement formelles, ne dispose d’aucun budget et ne fonctionne que grâce au bénévolat. La question de la gouvernance se pose régulièrement et oscille entre l’enthousiasme à l’occasion d’un évènement réussi et la lassitude devant les difficultés de mobilisation. On y reconnait le droit à pouvoir s’engager selon ses possibilités voire prendre du recul temporaire. Mais au bout de 5 années, le bilan est plutôt positif tant sur les actions concrètes engagées et relayées que sur le plan de l’évolution des mentalités.
Apéro puis repas
15h - 16h30 « Un exemple de résistance locale : mobilisation citoyenne contre les pesticides à Nans-sous-Sainte-Anne » Emmanuel Cretin
L’espèce humaine provoque des bouleversements irréversibles de son environnement et son avenir semble aussi bouché que celui des dinosaures."L’humanité disparaîtra, bon débarras !" comme diraient certains ...
Pour autant, faut-il baisser les bras et se résigner à penser que Homo sapiens n’est qu’un grand singe égoïste et suicidaire ?
Certes, la prise de conscience écologique progresse mais sera-t-elle suffisante pour infléchir, avant qu’il ne soit trop tard, les décisions politiques néolibérales qui, au niveau international et national, négligent et méprisent trop souvent encore les enjeux écologiques ?
"Penser globalement et agir localement". Quelles résistances possibles à l’échelle locale ? Les élus locaux peuvent-ils y contribuer et quelles sont leurs marges de manœuvre à l’intérieur du carcan des institutions républicaines et dans une société du politiquement correct.
Emmanuel Cretin, maire de Nans-sous-Sainte-Anne (25), commune rurale qui compte 160 habitants, nous présentera un exemple de mobilisation et de résistance citoyenne qui contribue, bien modestement, à demander l’interdiction des pesticides de synthèse ainsi que les difficultés rencontrées dans ce combat de David contre Goliath.
16h45-18h15 « La terre ou le monde : quel horizon pour la philosophie écologico-politique ? » Igor Krtolica
La pensée écologique n’a cessé de chercher un plan d’analyse en fonction duquel poser et analyser le problème auquel nous faisons face, et pour certains la catastrophe qui a (déjà) lieu. Sans qu’il soit utile d’en revenir à l’éternelle querelle de l’anthropocentrisme et de l’anti-anthropocentrisme, celle-ci a au moins le mérite de maintenir ouverte la question incontournable de savoir ce qui pose problème. Hans Jonas invoquait dans Le principe responsabilité une « heuristique de la peur » suivant laquelle nous prenons conscience de ce à quoi nous tenons au moment où cela est menacé. Mais en réalité, l’objet de cette prise de conscience est tout sauf évident. Qu’est-ce qui est menacé ? Qu’y a-t-il à préserver ou à défendre ? Est-ce la nature ? La biosphère ? La biodiversité ? Les générations futures d’être vivants ? La vie en général ? Les écosystèmes ? Un monde humain ? Un monde commun aux humains et aux non-humains ? La perspective d’une composition des mondes ? etc.
Depuis quelques années, la pensée écologique et politique semble suggérer que la terre pourrait constituer un tel plan d’analyse. De même que la phénoménologie avait son cri de guerre, « le retour aux choses mêmes ! » (zur Sache selbst), l’écologie semble avoir trouver le sien dans celui d’un « retour sur terre » ou « à la terre » (cf. Émilie Hache, Bruno Latour, Pierre Charbonnier, etc.). Mais le concept de terre est lui-même source de nombreuses équivoques, suivant qu’il désigne la planète (earth), et avec elle le Système-Terre ou du moins la Biosphère dont dépend le maintien de la vie sur terre — ou qu’il désigne le territoire (land), qui peut valoir lui-même comme lieu d’enracinement (le terroir), comme objet d’appropriation (le sol) ou comme espace du pouvoir (le territoire). Ainsi, suivant un paradoxe qui a souvent été souligné, l’humanité aurait pris conscience de son profond attachement (biologique, affectif, idéologique) à la terre au moment où elle trouvait les moyens techniques de s’arracher à sa gravité (cf. Gravity d’Alfonso Cuaron en 2013) ou à sa réalité immédiate (cf. le désir collectif d’un retour à la campagne éprouvé pendant le confinement).
Cette équivoque entre la terre conçue comme planète et conçue comme territoire renvoie en réalité à deux manières distinctes (mais non pas incompatibles) de déterminer ce qui fait de la terre un espace vivable et habitable — c’est-à-dire un monde. En découle l’intérêt que la philosophie de l’écologie peut tirer de l’usage que Deleuze et Guattari font des concepts de Terre et de territoire dans leur œuvre commune (et notamment dans Mille plateaux). Il est clair que, pas plus que les vies (il y en a qui sont invivables), tous les mondes ne se valent pas (il y en a des immondes). Or la terre, que Deleuze et Guattari définissent par un processus de déterritorialisation absolue (« la Terre est la déterritorialisée »), semble précisément fournir un plan d’analyse susceptible de fournir un critère immanent d’évaluation des mondes, des territorialités, et de déterminer le meilleur. Pourtant, du fait que la terre est une condition non territoriale de toute territorialité, c’est-à-dire en quelque sorte la condition métaphysique de tout monde (une nature naturante distincte de la nature naturée), et du fait qu’elle semble se présenter d’autre part comme l’horizon de toute leur philosophie, il leur a parfois été reproché un certain « acosmisme » (terme que Hegel employait par opposition à celui d’athéisme pour souligner le fait que Spinoza ne nie pas Dieu mais absorbe le monde en lui), c’est-à-dire une dissolution de ce qui fait un monde (vivable, habitable, social et politique) (cf. Michaël Fœssel, Frédéric Neyrat). À partir de Deleuze et Guattari, nous nous proposons donc d’analyser cette tension entre la terre et le monde au sein de la pensée écologique.
18h30 Apéro puis repas
Inscription obligatoire avant le samedi 10 octobre
Tarif de la journée (interventions + repas midi, boissons comprises) : 20 € (15 € chômeurs, étudiants). Sans le repas du midi : 5 € par demi-journée.
Possibilité d’hébergement au gîte "Le closet" de Fertans. Repas du soir au gîte : 10 €. Nuitée du samedi : 20€. Week-end complet (avec repas et nuitée du vendredi soir) : 75 €. Réduction pour chômeurs, étudiants et enfants.
Inscription et renseignements :
crdpp25@gmail.com ou Philippe Roy 06 51 38 43 45 http://reseau.philoplebe.lautre.net/