Sexualité et pouvoir


Gîte Le Closet Fertans (17-19 gde rue, 25330)

Samedi 20 octobre 2018

Atelier de philosophie plébéienne

Atelier... cela veut dire un essai d’abandon de l’autorité du maître et de la posture d’élève au profit d’une tentative de production en commun.

Centre de Réflexion et de Documentation sur les Philosophies Plébéiennes
de l’association « Voyons où la philo mène...
 »

Argumentaire :

Aujourd’hui, où l’on proclame de tous côtés la libération de la parole des femmes, nombre d‘abus ont été en effet, et justement, dénoncés. Viol, harcèlement, les abus de pouvoir semblent évidents, et il n’est pas question ici de remettre en cause la légitimité des récriminations actuelles, au-delà de leurs modalités effectives.
Pour autant, est-il envisageable de considérer les relations sexuelles, par-delà même les différences de sexe et de genre, comme dénuées de tout type de relation de pouvoir ? Le pouvoir est-il en effet une modalité extérieure aux formes de sexualité ? Ne devrait-on pas, tout au contraire, envisager la question du pouvoir comme pouvant être constituante de la relation sexuelle elle-même (pensons aux rapports SM mais pas seulement), ou éventuellement comme la frontière extérieure de ces relations (le pouvoir comme érogène).
N’y aurait-il pas lieu de distinguer entre « pouvoir » et « domination », dans le sens où le premier pourrait être éventuellement constitutif de la teneur érotique du rapport entre individus, quand le second impliquerait une sorte de rapport forcé, sans jeu aucun quant à la notion de pouvoir. « Ton style, c’est ma loi, quand tu t’y plies, salope », chantait Ferré, l’anarchiste…
Toutefois les choses se compliquent car le pouvoir peut aussi prendre la forme du dispositif de sexualité. Il est en effet pour Foucault une des roues de transmission du pouvoir de normalisation de nos sociétés dont la tonalité dominante est médicale. Mais, là aussi, si ce pouvoir normalise et contrôle la sexualité, celle-ci n’est pas sans prendre appui sur lui pour le rendre érogène. « L’examen médical, l’investigation psychiatrique, le rapport pédagogique, les contrôles familiaux peuvent avoir pour objectif global et apparent de dire non à toutes les sexualités errantes ou improductives ; de fait ils fonctionnent comme des mécanismes à double impulsion : plaisir et pouvoir. Plaisir d’exercer un pouvoir qui questionne, surveille, guette, épie, fouille, palpe, met au jour ; de l’autre côté, plaisir qui s’allume d’avoir à échapper à ce pouvoir, à le fuir, à le tromper ou à le travestir. Pouvoir qui se laisse envahir par le plaisir qu’il pourchasse ; et en face de lui, pouvoir s’affirmant dans le plaisir de se montrer, de scandaliser, ou de résister. » (Michel Foucault, La volonté de savoir, Gallimard, 1976, pp. 61- 62).

9h 30 « Le désordre des sexualités » [1] Joachim Daniel Dupuis
Les conduites sexuelles du pouvoir : non pas que le pouvoir ait un sexe particulier, mais sa manière de traiter de la sexualité des gens est révélateur de ce qu’il peut être et de ce qu’il nous fait.
Un film : Society, de Brian Yuzna. Le réalisateur brosse un portrait des élites dont le pouvoir fonctionne pour lui à deux niveaux. Un premier niveau qui impose un ordre sexuel très genré et conservateur : c’est le corps apparent du pouvoir , ou ce qu’on peut appeler, le corps cosmétique du pouvoir. Et un autre niveau du pouvoir, qui veut rester caché, qui intègre, accumule, comme un corps adipeux, toutes les graisses qui vont servir à la production de son énergie, à savoir l’ensemble des conduites désaxées et stigmatisées par lui. En assujettisant la plèbe à ce désordre sexuel, il traduit en effet au mieux l’essence de son fonctionnement : le pouvoir n’est jamais aussi bien lui-même que dans la sécrétion de cette gélatine qui englue et rend poisseux ceux qu’elle attire dans ses graisses. L’adiposité du pouvoir est signe de conduites luxurieuses, que DSK, Kadhafi, Weinstein n’ont fait que manifester en pleine lumière et d’une façon grossière, et met en évidence le geste fondamental du pouvoir, sa phagocytose, dont le caractère est éminemment biologique. Le pouvoir ne pouvant s’exercer que par différenciation cellulaire (recherche toujours à s’accroître, se reproduire, faire des émules) et par assimilation biologique (le corps de l’autre doit ainsi être englouti, digéré par tous les trous).

11h 30 Apéro puis repas

14h30-16h « Le dédale tortueux des langues chargées » une divagante excitée de Pim Paoum

Ce sera, peut-être (car tout est affaire de rencontres), une balade et une ballade du côté de la langue et des signes, là où se cachent et s’exhibent tout à la fois le noble, le vulgaire, la pornographie, le politiquement correct, les déviances et les normes – des anciens comme des modernes – sur la scène d’un agôn, théâtre d’opérations et autres opérettes, là où se jouent à l’endroit comme à l’envers, par-devant et par derrière, le spectacle de la fabrique du désir et la guerre entre meilleur des mondes et autres mondes possibles.
Delirium très mince en pro-positions, surface ténue façon papier à cigarette ou de joint psychodopé psycho-topique ; un Kamasultra babillant et balbutiant, comme un florilège de bonnes blagues, d’histoires de langues vivantes et vivaces, belles plantes carnivores chatouilleuses et humides.
Une balade en soubresauts le long de l’échine des jardins parfumés qui bi(en)fourchent sans cesse.

16h15-17h45 « Sade malgré tout ? Une subversion toujours à venir, intempestive » Alain Naze
« Ne pas croire qu’en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir » (Michel Foucault, La volonté de savoir)
Lorsque Foucault parle d’un « dispositif de sexualité » constitué de techniques spécifiques de pouvoir, il opère une distinction entre ce qu’il appelle une « analytique de la sexualité » et une « symbolique du sang ». Autrement dit, il pense le « dispositif de sexualité » comme fonctionnant essentiellement à la norme (pouvoir de normalisation), distinct d’un pouvoir fonctionnant essentiellement à la loi (pouvoir souverain).
Dès lors, on ne peut que s’accorder avec Foucault pour reconnaître la nécessité de « penser le dispositif de sexualité à partir des techniques de pouvoirs qui lui sont contemporaines » (La volonté de savoir, p.198). C’est même la condition de possibilité d’une lutte contre un pouvoir de normalisation.
Cependant, il ne faudrait pas en inférer qu’en luttant contre le pouvoir normatif du dispositif de sexualité, se dessinerait, sans plus de questions, en horizon du désirable un à-venir composé de plaisirs sexuels affranchis de tout rapport de pouvoir, de toute relation à des formes de pouvoir. Bien au contraire. Et pourtant… La volonté d’échapper (partiellement) au pouvoir normatif de la sexualité, n’hésite-t-elle pas, malgré tout, à assumer ouvertement sa réticence à l’encontre de la norme du consentement, inspirée de la forme juridique du contrat ? – comme s’il s’agissait, dans cet écart visé, de nager tellement à contre-courant que ce désir de fuite en viendrait finalement à caler. En ce mouvement intempestif à l’encontre de la norme du consentement, comprenons bien qu’il ne s’agit pas de chercher à réactiver réellement des formes anciennes de pouvoir souverain, mais bien plutôt de tenter de tracer les contours d’un possible espace de jeu contemporain entre consentement et contrainte ?
Là où la norme tend à dés-érotiser les relations sexuelles, de nouvelles formes de subversion seraient sans doute à réinventer – mais pas dans le sens d’une réactivation des prestiges de la souveraineté, et pas non plus à travers l’illusion d’une subversion résultant d’un pur et simple consentement à la vulnérabilité / précarité (« […] la vulnérabilité pas plus que la précarité ne se prêtent au retournement de la signification » - Sam Bourcier, Homo Inc.orporated. Le triangle et la licorne qui pète, p.171). C’est bien en effet à partir d’une possibilité de s’affirmer (possibilité relevant bien d’une forme d’assurance, aussi fragile qu’elle puisse être) que l’insulté(e), notamment, pourra retourner le stigmate, à travers sa re-signification (l’auto-désignation comme réappropriation positive de termes comme ceux de « pute », ou de « pédé », par exemple).

18 h Film surprise (durée 50 min)

Echanges autour du film.

19h30 Apéro puis repas

Tarif de la journée (interventions + repas midi) : 20 €. Repas du soir : 10 €. Nuitée du samedi : 20€
Week-end complet (avec repas et nuitée du vendredi soir) : 75 €. Réduction pour chômeurs, étudiants et enfants. Possibilités de transport depuis les gares de Besançon le vendredi (maximum 20h), retour le dimanche (minimum 14h).
Inscription et renseignements : crdpp25@gmail.com ou Philippe Roy 06 51 38 43 45
http://reseau.philoplebe.lautre.net/

Notes

[1Clin d’œil à Arlette Farge.